QUÉBEC — Le premier ministre François Legault balaie la demande du Parti libéral du Québec (PLQ) et garde en poste son ministre responsable des Services sociaux et ami personnel, Lionel Carmant.
Mardi, la présidente de l’Assemblée nationale, Nathalie Roy, a toutefois ordonné la tenue d’un débat d’urgence de deux heures sur les allégations d’abus sexuels qui secouent actuellement la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ).
«Je suis d’avis qu’il s’agit de circonstances exceptionnelles et que la question devant nous est d’une telle importance qu’elle justifie la tenue d’un débat d’urgence et l’interruption des travaux législatifs», a-t-elle déclaré de son trône au Salon rouge.
Rappelons que lundi, la directrice nationale de la protection de la jeunesse, Catherine Lemay, a remis sa démission, à la demande de M. Carmant, dans la foulée d’un nouveau scandale secouant un établissement.
Le départ de Mme Lemay survient après que des médias eurent révélé qu’au moins neuf éducatrices du Centre de réadaptation pour jeunes en difficultés Cité-des-Prairies, à Montréal, auraient eu des échanges sexuels avec au moins cinq résidants mineurs.
Des éducatrices seraient même enceintes d’enfants dont les pères seraient des mineurs hébergés au centre jeunesse. D’autres centres seraient aux prises avec des problématiques semblables d’inconduite sexuelle, selon le quotidien «La Presse».
Il survient également alors que la DPJ de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec a été mise sous tutelle en raison des révélations de «La Presse» concernant des enfants qui ont été placés trop rapidement en banque mixte en vue d’être adoptés.
Choqué par l’ampleur des révélations sur la DPJ, le PLQ avait réclamé, mardi matin, la tenue d’un débat d’urgence, puis la démission de M. Carmant. «Il n’a plus notre confiance, Lionel Carmant», a lâché le chef intérimaire du PLQ, Marc Tanguay.
De son côté, Québec solidaire (QS) a indiqué qu’il donnait à M. Carmant «une dernière chance» de prouver qu’il est encore l’homme de la situation. Le parti veut entendre le ministre en commission parlementaire.
«M. Carmant ne peut pas juste faire rouler la tête de Mme Lemay et penser que l’histoire s’arrête là. M. Carmant a des comptes à rendre aux Québécois», a tonné en point de presse le député solidaire Guillaume Cliche-Rivard.
Le Parti québécois (PQ) a également dénoncé la mauvaise gestion du ministre. «Y a-t-il un pilote dans l’avion?», a lancé le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon. Il a rappelé que M. Carmant est chargé des Services sociaux depuis 2018.
Lors du débat d’urgence, la députée libérale Brigitte Garceau a souligné que le gouvernement n’avait toujours pas nommé un Commissaire au bien-être et aux droits des enfants, ni adopté une charte des droits des enfants, comme il l’avait pourtant promis.
«Explosion de la demande», dit Legault
Sans jamais blâmer M. Carmant pour les déboires de la DPJ, M. Legault a expliqué que le Québec faisait face à une «explosion de la demande» pour des services destinés aux jeunes contrevenants.
Selon lui, cette situation «bouleversante» est due à «la pandémie, à la drogue et à l’explosion du nombre d’immigrants temporaires» qui ont «vécu des vies assez difficiles», a-t-il dit.
«Les experts le disent: le pourcentage dans les demandeurs d’asile qui ont ce genre de problèmes est plus élevé que dans la population en général», a déclaré le premier ministre, semant la consternation dans l’opposition.
«Mme la Présidente, je n’irai même pas là, de répondre au premier ministre, de dire que l’immigration est la cause de ce qui se passe au Québec présentement. C’est tellement facile de se déresponsabiliser en accusant tout le temps quelqu’un», a réagi M. Tanguay.
«Je n’en reviens pas! a renchéri M. Cliche-Rivard. Le lien entre les demandeurs d’asile (…) et ce qui se passe à la DPJ est complètement farfelu. L’immigration n’a rien à voir avec le fait que certaines éducatrices à Cité-des-Prairies ont commis des agressions sexuelles.»
M. Legault a fait valoir que son gouvernement a «augmenté les budgets de plus de 50 %, augmenté le nombre de personnes qui travaillent à la DPJ, augmenté les salaires à la DPJ». «Mais actuellement, (…) la demande augmente plus vite que l’offre», a-t-il déploré.
Il s’est porté à la défense de son ministre. «Lionel, (…) c’est un ami, et s’il y en a un qui se démène pour les jeunes au Québec depuis six ans, c’est Lionel. (…) J’ai totalement confiance en Lionel Carmant», a-t-il tranché.
Ce dernier s’est engagé mardi à «lever toutes les pierres» afin de «régler les problèmes».
«Depuis la nomination de la directrice nationale de la protection de la jeunesse, ce qui avait changé, c’est que j’avais cessé (…) de rencontrer les DPJ personnellement chaque mois», a admis M. Carmant.
«Avec la nomination du prochain directeur national, je vais me rasseoir à la table avec eux pour être au courant de toutes les situations. J’aurais dû continuer à le faire.»
Cette nomination sera faite incessamment, a fait savoir le gouvernement. M. Legault a par ailleurs indiqué que Catherine Lemay perdra également son poste de sous-ministre associée en novembre.