QUÉBEC — Irrité par une lettre du ministre fédéral Jean-Yves Duclos, qui rappelle qu’Ottawa finance la francisation au Québec, le ministre de l’Immigration Jean-François Roberge affirme que la missive «sème la confusion inutilement» et blâme Ottawa.
«On utilise les sommes du fédéral. Les coûts qui sont liés à l’immigration massive et à la perte de contrôle complète du gouvernement fédéral par rapport à l’immigration sont immenses. Ces coûts amènent des problèmes en santé, en logement, en éducation, en aide sociale, en aide alimentaire», a soutenu M. Roberge en mêlée de presse à l’Assemblée nationale mercredi.
Alors que des classes de francisation ferment dans plusieurs régions de la province, Jean-Yves Duclos indique avoir des «préoccupations» quant au fait que de nouveaux arrivants pourraient ne pas avoir accès à des cours de français en raison des «restrictions budgétaires» du gouvernement Legault.
Dans une lettre envoyée à Jean-François Roberge mardi, M. Duclos rappelle qu’Ottawa accorde à Québec «un appui financier important pour faire progresser les priorités communes et respectives en matière d’immigration, notamment la francisation» par le biais de l’Accord Canada-Québec.
«Pour l’année fiscale 2023-2024, cette somme représentait plus de 775 millions de dollars. En comparaison, pour l’année fiscale 2023-2024, le budget total du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) était d’un peu plus de 478 millions de dollars», écrit Jean-Yves-Duclos dans sa missive, dont La Presse Canadienne a obtenu copie.
«Au total, plus de 6 milliards de dollars ont été versés dans le cadre de l’Accord depuis l’année fiscale 2014-2015, si l’on inclut également le versement de la compensation financière exceptionnelle de 750 millions de dollars au sujet de laquelle nos gouvernements se sont entendus», poursuit celui qui est aussi lieutenant politique de Justin Trudeau pour le Québec dans sa lettre.
M. Duclos a affirmé vendredi que «ces sommes ne sont pas totalement utilisées». Il avait alors déploré la fermeture de classes de francisation.
La semaine dernière, le ministre Roberge a rejeté la responsabilité de la fermeture de ces classes sur les centres de services scolaires, affirmant que son gouvernement avait augmenté les budgets de la francisation. Son collègue à l’Éducation, Bernard Drainville, a affirmé que «la capacité de payer du gouvernement n’est pas illimitée».
Québec peine à faire face à la hausse fulgurante de la demande. Rappelons qu’il y a actuellement autour de 600 000 immigrants temporaires sur le territoire québécois. Les deux ministres caquistes blâment aussi le fédéral pour avoir admis trop de nouveaux arrivants, ce qui fait que le Québec a du mal à les franciser.
«La fermeture de classes de francisation va à l’encontre de notre objectif commun de protection du français au Québec et d’appui à la pleine intégration des nouveaux arrivants au Québec», insiste Jean-Yves Duclos.
Risque de dépendance aux programmes sociaux
Le ministre fédéral affirme que, sans ces cours de francisation, «il est plus difficile pour les nouveaux arrivants de s’intégrer, de trouver un emploi et de s’épanouir au Québec».
«De plus, des coupures dans les programmes de francisation accroissent le risque que les nouveaux arrivants restent plus longtemps dépendants des programmes sociaux de nos gouvernements respectifs», poursuit-il dans sa lettre.
La pression s’accentue sur Québec dans le dossier de la francisation. Le Parti libéral du Québec a réclamé vendredi une enquête du commissaire à la langue française, Benoît Dubreuil, arguant que le gouvernement «brise le contrat moral entre le Québec et les personnes qui viennent s’y établir».