TORONTO — Les créanciers de trois géants du tabac devraient se prononcer le 12 décembre sur la proposition de règlement qui verrait les cigarettiers verser 32,5 milliards $ aux fumeurs et aux provinces, a statué jeudi un juge de l’Ontario. L’une des entreprises, JTI-Macdonald, a indiqué qu’elle s’opposait à la proposition dans sa forme actuelle.
Le juge en chef de la Cour supérieure de l’Ontario a approuvé jeudi une motion qui permettra aux représentants des créanciers, y compris les gouvernements provinciaux et les plaignants dans les deux actions collectives au Québec, d’examiner et de voter sur la proposition de règlement le 12 décembre.
L’un des cigarettiers, JTI-Macdonald, avait plus tôt exhorté le tribunal à retarder de quelques semaines l’approbation de la motion afin que le règlement proposé puisse être modifié avant d’être présenté aux créanciers. «Ce plan ne peut pas être mis en œuvre dans sa forme actuelle», a déclaré Robert Thornton, l’un des avocats représentant JTI-Macdonald.
En vertu de la proposition de règlement, les trois sociétés — JTI-Macdonald, Rothmans, Benson & Hedges et Imperial Tobacco Canada — devraient payer 24 milliards $ aux provinces et aux territoires pour leurs frais de santé publique, et plus de 4 milliards $ à des dizaines de milliers de fumeurs québécois et leurs héritiers.
Avant de pouvoir être mis en œuvre, le règlement proposé doit être soumis au vote des représentants des créanciers des trois compagnies, puis approuvé par le tribunal.
Le juge en chef de la Cour supérieure de l’Ontario, Geoffrey Morawetz, n’a pas précisé les motifs de sa décision d’approuver la motion sur le champ, jeudi. Mais il a suggéré à plusieurs reprises au cours de l’audience que les discussions sur les questions en suspens pourraient se poursuivre avant et même après la réunion des créanciers le 12 décembre.
Plusieurs des autres parties avaient fait valoir jeudi que les préoccupations de JTI-Macdonald devraient être soulevées et traitées plus tard dans le processus.
«On discutera plus tard si cette proposition est juste et raisonnable», a déclaré André Michael, qui représente plusieurs gouvernements provinciaux dans cette affaire. Les entreprises auront toutes la possibilité de faire valoir leurs arguments lorsque la proposition sera présentée au tribunal pour approbation, a-t-il dit.
«Mais pour y arriver, nous demandons maintenant que la procédure de réclamation et la réunion soient ordonnées. Il est temps de passer à l’étape suivante vers la mise en œuvre.»
Les deux autres entreprises, Imperial Tobacco et Rothmans, Benson & Hedges, ont déclaré qu’elles n’avaient aucun problème à fixer une date pour la réunion des créanciers. Mais elles se réservent le droit de s’opposer à la proposition de règlement plus tard dans le processus.
La part de chacun
La proposition obtenue par médiation ne précise pas la part de chaque entreprise dans le règlement global de 32,5 milliards $, une question qui «devrait être résolue» pour aller de l’avant, plaidait Rothmans, Benson & Hedges (RBH) dans un document judiciaire déposé avant l’audience de jeudi.
«RBH n’accepte pas le plan proposé tant que la question de la répartition n’a pas été résolue», plaide le cigarettier dans le document déposé au tribunal.
L’entreprise s’engageait à «résoudre le problème dans les meilleurs délais afin d’éviter le risque d’objections substantielles lors de l’audience d’approbation, ainsi que le risque de complications et de retards supplémentaires».
On ne sait toujours pas si la proposition de règlement doit être entérinée par les trois entreprises pour qu’elle entre en vigueur; certaines parties soutiennent que le tribunal pourrait tout simplement imposer un règlement.
Les autres paiements prévus dans la proposition comprennent plus de 2,5 milliards $ pour les fumeurs d’autres provinces et territoires qui ont reçu un diagnostic de maladies liées au tabagisme sur une période de quatre ans, et plus d’un milliard de dollars pour une fondation visant à aider à détecter et à prévenir les maladies liées au tabagisme.
La Société canadienne du cancer, qui est un intervenant social dans cette cause, a déclaré jeudi que des «changements importants» devraient être apportés à la proposition avant qu’elle ne soit approuvée et mise en œuvre.
«À la base, nous sommes ici à cause du tabac et de ses effets dévastateurs sur la santé et les coûts des soins de santé, mais il n’y a rien dans la proposition pour réellement réduire la consommation de tabac», a plaidé au tribunal Rob Cunningham, l’avocat de la Société canadienne du cancer.
Des restrictions sur la promotion des produits du tabac devraient également être incluses dans le règlement, ainsi que la publication de milliers de pages de documents internes de l’industrie, entre autres changements, a-t-il soutenu.
Une longue saga judiciaire
Le règlement proposé intervient après plus de cinq ans de négociations dans le cadre d’un processus de restructuration d’entreprises déclenché par une bataille judiciaire qui a duré des décennies.
En 2015, un juge de la Cour supérieure du Québec avait d’abord ordonné aux trois entreprises de payer environ 15 milliards $ dans le cadre de deux actions collectives impliquant des Québécois qui avaient commencé à fumer entre 1950 et 1998 et qui sont tombés malades ou sont devenus dépendants à la cigarette — ainsi que leurs héritiers.
Ce jugement historique a été confirmé en Cour d’appel du Québec en 2019, ce qui a incité les cigarettiers à demander la protection des tribunaux contre les créanciers, en Ontario.
La Cour supérieure de l’Ontario a suspendu toutes les procédures judiciaires intentées contre les trois entreprises, y compris les poursuites intentées par les gouvernements provinciaux, pendant que les parties négociaient un règlement global.
La suspension des procédures devait initialement expirer après quelques mois, mais elle a été renouvelée une douzaine de fois depuis. Elle a encore été prolongée cette semaine, jusqu’au 31 janvier 2025.