OTTAWA — Le ministère fédéral de l’Immigration estime qu’il faudra de cinq à sept ans pour traiter toutes les demandes déjà reçues dans la catégorie des personnes obtenant la résidence permanente pour des considérations d’ordre humanitaire.
Ottawa a dévoilé cette estimation en répondant à une question écrite de la députée néo-démocrate Jenny Kwan.
Cette catégorie, connue par son diminutif CH et autres, est «habituellement une demande (qui) est la dernière tentative pour rester au Canada», indique l’organisme MOSAIC qui vient en aide à des migrants.
«Faire une demande CH permet aux immigrants de solliciter une autorisation spéciale pour rester au Canada pour des considérations humanitaires pendant le traitement de leur demande de résidence permanente», peut-on lire dans un guide sur ce type de requêtes.
Sur le web, Ottawa explique que «la résidence permanente peut être accordée pour des motifs d’ordre humanitaire au cas par cas ou pour des motifs d’intérêt public dans des circonstances exceptionnelles».
Mme Kwan a demandé en septembre au gouvernement combien de temps il estimait nécessaire pour éliminer l’arriéré de demandes CH qui dépassait alors les 70 000.
«De combien d’années le ministère estime-t-il avoir besoin pour traiter le nombre de demandes actuelles, sans projeter les futures demandes?», a-t-elle écrit dans une requête formelle déposée au Parlement.
Dans sa réponse, qui a été présentée en Chambre mercredi, le ministère de l’Immigration indique «qu’il faudra entre cinq et sept ans pour éliminer l’arriéré actuel de demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire (CH) et autres demandes».
C’est sans compter les nouvelles demandes qui continueront d’affluer durant ces années.
«Nous savons qu’il y aura des nouvelles requêtes soumises dans le système. Alors, pouvez-vous imaginer? En gros, le gouvernement canadien dit à ces gens et met leur vie en suspens pour au moins environ sept ans avant qu’ils puissent avoir leur statut», a déploré jeudi, en entrevue, Mme Kwan.
Elle a souligné que bon nombre de ces requérants fuient la persécution et sont, bien souvent, séparés de leurs proches.
«Ça ne peut pas être acceptable et le Canada ne peut pas dire que nous sommes un pays humanitaire quand nous forçons ces personnes à se retrouver dans un tel inconnu alors qu’elles attendent que leur demande soit traitée», a-t-elle lancé.
Le bloquiste Alexis Brunelle-Duceppe voit dans ces délais une nouvelle «démonstration» que le ministère de l’Immigration est «le plus dysfonctionnel de l’appareil gouvernemental fédéral». «Alors que ce devrait être le plus humain des ministères, c’est tout l’inverse qui se produit. Les sociétés d’accueil et les demandeurs d’asile en sont les grandes victimes», a-t-il réagi.
Le ministre de l’Immigration, Marc Miller, a aussi opiné que les délais sont inacceptables. «La réalité aussi, c’est que cet arriéré est structurel, mais on va l’adresser du mieux qu’on peut, a-t-il ajouté. Ceci étant dit, je fais face, comme (…) l’an dernier, à des volumes records de gens qui veulent venir au Canada.»
Les conservateurs n’avaient pas répondu, en fin d’après-midi, à une demande de commentaire de La Presse Canadienne.
En 2023, «14 355 résidents permanents ont été admis dans le cadre de ces volets discrétionnaires» du CH, précise Ottawa sur le web, ajoutant que le délai de traitement était de 16 mois.
Selon les nouvelles cibles d’immigration sur trois ans dévoilées la semaine dernière, Ottawa prévoit une diminution des admissions dans la catégorie CH, soit 10 000 personnes en 2025, 6900 en 2026 et 4300 en 2027.
Dans sa réponse à la députée Kwan, le ministère détaille les variations qui existent dans le temps de traitement, en fonction du pays de résidence du requérant. Ainsi, les personnes se trouvant déjà au Canada qui ont présenté une demande d’immigration CH entre mars et août 2024 font face à des délais de 23 mois, c’est-à-dire presque deux ans. Les personnes se trouvant en Inde doivent pour leur part attendre 31 mois.
La catégorie CH n’est pas du tout la seule permettant d’accueillir des réfugiés. Il y a par exemple la catégorie des personnes protégées à titre humanitaire, celle des réfugiés pris en charge par le gouvernement et celle des réfugiés parrainés par le secteur privé.
L’an dernier, la vérificatrice générale Karen Hogan a déploré que certains demandeurs dans les programmes pour réfugiés et les personnes protégées à titre humanitaire attendaient une décision sur leur dossier depuis près de trois ans.