Le changement d’heure a des impacts pernicieux sur le sommeil, avertit une experte

Sébastien Auger, La Presse Canadienne
Le changement d’heure a des impacts pernicieux sur le sommeil, avertit une experte

MONTRÉAL — Même si le changement d’heure n’aura lieu que dans la nuit de samedi à dimanche, c’est déjà le temps d’y penser.

Une préparation adéquate permet d’en atténuer les effets négatifs, affirme la Dre Maude Bouchard, neuropsychologue et directrice de la recherche sur le sommeil à la clinique spécialisée HALEO.

«Dans les faits, la journée que ça arrive, il n’y a pas plein de choses qu’on peut faire. Par contre, dans les semaines et les jours avant, il faut s’assurer de dormir suffisamment. Il faut écouter notre corps, tout en gardant en tête qu’on a tendance à sous-estimer nos besoins», prévient-elle.

Selon son expertise, l’un des moyens les plus efficaces est d’instaurer une routine avant d’aller se coucher. «Il faut vraiment se déconnecter, pas juste des appareils autour de nous, et faire des activités qui vont nous relaxer. Il faut pratiquer à diminuer notre hyper vigilance au quotidien pour être capable de dire à son cerveau et à son corps: « Je suis capable de relaxer, donc je suis capable de laisser venir le sommeil ».»

Un autre truc qu’elle privilégie est «d’enlever l’heure dans la chambre à coucher pour enlever le stress associé avec le fait de regarder l’heure, surtout pour les gens qui ont de la misère à dormir ou qui se réveillent pendant la nuit».

«Vérifier l’heure, ça nous stresse encore plus, et plus on est stressé, moins on dort. Se déconnecter de la variable de temps, ça peut être très positif pour notre sommeil», soutient Mme Bouchard, qui est particulièrement sollicitée ces jours-ci. «Le changement d’heure, c’est le temps de l’année où les experts en sommeil ne dorment pas!», lance-t-elle en riant.

Même si on recule seulement d’une heure, le défi est colossal pour certaines personnes, qui peuvent prendre jusqu’à une semaine pour s’en remettre. En moyenne, une journée et c’est réglé.

«Une partie de la population répond assez bien au changement d’heure, mais il y a d’autres personnes qui peuvent prendre jusqu’à une semaine pour s’habituer. Il y a des gens et des populations plus sensibles. Je pense aux enfants à qui on change la routine, aux gens qui ont des troubles de sommeil et à ceux qui ont des horaires de travail atypiques. Pour les personnes qui souffrent déjà de problèmes de sommeil, le changement d’heure peut venir exacerber ces problématiques-là.»

Pire au printemps

Elle souligne cependant que le choc est moins brutal à l’automne qu’au printemps.

«C’est pire au printemps quand on perd une heure. Lorsqu’on ajoute une heure, c’est un peu moins difficile sur le système. Mais que ce soit à l’automne ou au printemps, chaque fois qu’on change l’heure, on demande à notre horloge biologique de se réajuster, un peu comme le décalage horaire quand on voyage et qu’on doit s’habituer à un nouveau rythme», indique la neuropsychologue.

«À la base, la privation de sommeil peut être liée à des problèmes de santé physiques ou psychologiques. Même si c’est juste une petite heure, ce n’est pas très bon pour l’organisme de couper comme ça le sommeil. On vient exacerber un problème de société qui est la privation de sommeil», ajoute-t-elle.

La Dre Bouchard rappelle les bienfaits d’un sommeil réparateur.

«Ce dont on parle moins souvent, c’est à quel point dormir suffisamment a des impacts positifs, que ce soit sur notre humeur, sur nos symptômes d’anxiété et de dépression, et même sur notre système immunitaire.»

Pour l’abolition du changement d’heure

Pour toutes ces raisons, Mme Bouchard considère que ce serait une bonne idée d’abolir le changement d’heure.

Le gouvernement du Québec envisage d’ailleurs cette option. Le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, a annoncé la semaine dernière la tenue d’une consultation publique en ligne sur le sujet.

«Le changement d’heure peut contribuer à un manque de concentration à l’école, à un trouble de l’appétit, à plus d’irritabilité et de la somnolence à des moments inappropriés de la journée», a énuméré M. Jolin-Barrette.

«Certaines des études dénotent même une augmentation des infarctus, des suicides et des accidents de la route», a-t-il poursuivi.

M. Jolin-Barrette croit qu’il faut s’interroger sur la pertinence du changement d’heure.

«Des études récentes ont révélé des répercussions sur notre quotidien, notre santé et notre économie, soulevant des interrogations sur son utilité. Le recueil de renseignements par le biais de cette consultation publique vise à évaluer l’opportunité de conserver ou d’abandonner cette pratique», peut-on lire sur le site de consultation publique du gouvernement.

Selon Mme Bouchard, conserver l’heure normale de l’Est serait idéal, car la lumière matinale permet d’aligner le corps avec l’horloge biologique du cerveau, offrant un fonctionnement optimal.

Profitez-en bien ce week-end, c’est peut-être la dernière fois que vous bénéficierez d’une heure supplémentaire de sommeil.

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