Simon Larochelle, tailleur de pierre, nous ouvre les portes de son atelier à Mont-Saint-Grégoire. Pratiquant ce métier depuis maintenant vingt ans, il restaure le patrimoine canadien pierre par pierre. Coup d’œil sur l’un des plus vieux métiers du monde.
Simon Larochelle fait partie des rares tailleurs de pierre du Canada. Le métier, pratiqué depuis l’Antiquité, s’est raréfié au fil du temps et avec l’arrivée du béton dans les années 1920. Aujourd’hui, ils seraient tout au plus une vingtaine à se spécialiser dans la restauration de la pierre au Québec.
« Désormais, il faut restaurer les vieux bâtiments. Il y a donc un nouvel attrait pour la pierre », témoigne Simon Larochelle pour qui donner une nouvelle vie à la pierre est ce qu’il chérit le plus dans son métier. L’artiste s’est illustré sur des projets de restauration comme pour le Parlement d’Ottawa, le Fort de Chambly ou encore le Musée des Beaux-Arts de Montréal.
À la vieille école
Au Québec, les tailleurs de pierre peuvent apprendre les techniques de base grâce à des formations, telles que le diplôme d’études professionnelles (DEP) de taille de pierre à Lac-Mégantic. Les apprentissages restent cependant très généraux et n’incluent pas ou peu de volets restauration.
L’apprentissage de la restauration se fait donc « à la vieille école » : par l’expérience et le mentorat. Simon Larochelle explique avoir été formé à l’École des métiers d’arts, reliée au Cégep de Limoilou à Québec. Il a ensuite développé son art dans les usines industrielles, un « passage obligé » pour se perfectionner, selon l’artiste. C’est ensuite par des rencontres avec des tailleurs de pierre originaires de France ou d’Italie qu’il apprend les techniques de restauration.
En 2021, il fonde Les ateliers de la pierre du Québec, avec Adrien Badin et Alexandre Maquet. L’école, soutenue par le Conseil des métiers d’art du Québec (CMAQ), dispense des cours, des ateliers et donne des conférences.
Restaurer
La restauration en matière de taille de pierre a deux volets : la reproduction et la restauration. La première nécessite de donner vie à une pièce à partir d’un bloc de pierre, à l’aide d’outils tels que des scies, des ciseaux, des râpes ou des griffoirs selon le type du matériau. Un calcaire, par exemple, doit être travaillé avec des outils de fer, tandis que les pierres dures nécessitent des outils en carbure. La reproduction est réalisée grâce à la technique du pentagram- me : l’artiste vient chercher des points sur la sculpture d’origine et les reproduit sur son bloc de pierre.
La restauration vient quant à elle réparer la pièce d’origine. Les fissures sont comblées avec de la chaux. Les nouveaux morceaux nécessaires à la restauration sont collés avec des tiges d’acier inoxydable et de la chaux apposée entre les pièces.
Composer
Simon Larochelle explique que chaque projet de restauration réunit divers domaines: de l’architecte au tailleur de pierre en passant par le conservateur. Une valse s’opère alors entre les divers métiers pour ramener l’aspect d’origine aux bâtiments patrimoniaux tout en assurant la pérennité de la restauration dans le temps.
« Ici, on n’a pas la culture des monuments qu’on voit à Rome, par exemple. Les restaurations y sont très voyantes, ils n’essaient pas de les camoufler », explique l’artiste. Au Canada, la philosophie dépend du chantier. Lorsque l’aspect neuf de la restauration dérange l’équipe, Simon Larochelle a recours à des techniques pour « salir » la pierre et dissimuler la restauration. Il reproduit alors des usages de l’époque, comme par celui de la boucharde, sur ses finitions.
Une restauration doit être pensée dans le temps. La pierre, amenée à rester dehors sous les intempéries, vieillira au fil des années. « D’autres fissures vont apparaître. Donc, si je fais une réplique plutôt qu’une restauration de la pièce d’origine, elle durera sans doute 120 ans à la place de 50 », souligne M. Larochelle qui explique que ce sont les cycles de gel-dégel qui fragilise le plus la pierre.
Un métier fait pour durer
Si un tailleur de pierre spécialisé en restauration doit faire preuve de patience au début de sa carrière, une fois celle-ci bien établie, les commandes fusent compte tenu du petit nombre de pratiquants au Québec.
Les nouvelles technologies ne semblent pas non plus faire de l’ombre au métier. Simon Larochelle explique en effet que si les chantiers sollicitent l’utilisation de robots, le travail de ces derniers est toujours complété par une main humaine. Les coûts et le temps de réalisation seraient d’ailleurs plus longs avec les robots.
Chaque tailleur de pierre laissera également sa marque dans le temps : la marque de tâcheron. Apposée sur une face cachée de la pierre, elle constitue la signature du sculpteur. Cette pratique, vieille de plusieurs siècles, découle du fait que les tailleurs de pierre n’étaient pas payés à la journée, mais à la tâche. Nombre d’entre elles sont encore visibles sur les bâtisses romanes dans le bassin méditerranéen.