TORONTO — L’ancien magnat de la mode Peter Nygard a demandé mardi à un tribunal de l’Ontario de réexaminer la décision de lui refuser la libération sous caution alors qu’il fait appel du verdict et de la peine pour agressions sexuelles.
Les avocats de Nygard ont fait valoir devant la Cour d’appel de l’Ontario que la juge avait commis plusieurs erreurs en rejetant la demande de libération sous caution de l’homme de 83 ans, le mois dernier.
Ils ont plaidé que la juge avait «injustement sous-estimé» la valeur d’un nouveau rapport médical et «n’avait pas évalué» l’arrangement que Nygard proposait pour sa libération sous caution.
La juge qui a rejeté sa demande de libération sous caution avait écrit à l’époque que sa requête en appel semblait «faible» et que Nygard présentait un risque de fuite, puisqu’il fait face à des accusations dans d’autres juridictions.
Nygard a été reconnu coupable de quatre chefs d’agression sexuelle l’année dernière, à la suite d’allégations de plusieurs femmes pour des faits datant des années 1980 jusqu’au milieu des années 2000. Lorsque l’on tient compte du temps déjà passé en détention préventive, il lui reste à purger un peu moins de sept ans de sa peine de 11 ans de prison.
Ses avocats ont soulevé plusieurs motifs d’appel, notamment que cette peine de 11 ans est «excessive» et que le juge de première instance avait commis plusieurs erreurs, par exemple en admettant des preuves d’experts sur les traumatismes subis par les victimes d’agressions sexuelles.
Dans sa décision sur la demande de libération sous caution, la juge de la Cour d’appel Lene Madsen écrivait que le nouveau rapport médical soumis par Nygard s’appuyait largement sur des informations autodéclarées et que ses besoins de santé avaient de toute façon déjà été pris en compte au moment de la détermination de la peine au procès.
Rapport d’un gériatre
Mais l’un des nouveaux avocats de Nygard, Alan D. Gold, a déclaré en Cour d’appel mardi que le spécialiste en médecine gériatrique qui a préparé le rapport avait examiné Nygard pendant plus de quatre heures dans une clinique.
«Ce n’est pas seulement basé sur ce que Nygard a déclaré: c’est basé sur le protocole complet de l’examen physique d’un homme de son âge», a plaidé Me Gold devant la juge en chef adjointe de la Cour d’appel de l’Ontario, Michal Fairburn.
La juge Madsen avait également soulevé des préoccupations avec la proposition de Nygard d’habiter, pendant sa libération sous caution, dans une propriété de Winnipeg qui appartient maintenant à l’un de ses employés.
Me Gold a plaidé mardi que Nygard proposait essentiellement de vivre en résidence surveillée dans cette maison, avec deux aides-soignants à domicile, et qu’il ne sortirait que pour des rendez-vous médicaux. Il soutient que Nygard est fragile et en fauteuil roulant, avec une mobilité très limitée.
L’homme qui possède la propriété de Winnipeg — achetée avec l’argent de Nygard et évaluée à 1 million $ — n’agirait que comme «caution financière» pour Nygard, soutient la défense.
«L’argument en faveur de la libération sous caution était que le demandeur ne serait jamais prêt à perdre 1 million $ en violant une ordonnance de libération», ont plaidé les avocats de Nygard dans leurs observations écrites.
La procureure Emily Marrocco a soutenu de son côté qu’il n’y avait «aucune preuve discutable» que la juge Madsen avait mal compris la nature du nouveau rapport médical de Nygard — qui, selon la Couronne, ne contenait aucune information «révolutionnaire».
Me Marrocco a également souligné que Nygard quitterait l’Ontario si on lui accordait la libération sous caution — et qu’il n’aurait pas de «caution de surveillance» ailleurs.
Me Gold a soutenu que Nygard ne présentait aucun risque de fuite, surtout lorsqu’il s’agit de traverser la frontière terrestre. «Il ne peut pas aller aux États-Unis: il y est recherché», a-t-il plaidé, faisant référence aux accusations auxquelles Nygard fait face dans ce pays.
Peter Nygard, devenu célèbre après avoir fondé une entreprise de mode féminine qui est finalement devenue Nygard International, avait été arrêté pour la première fois à Winnipeg en 2020 en vertu de la Loi sur l’extradition. Il venait alors d’être accusé à New York de neuf chefs d’accusation, notamment de trafic sexuel et de racket.
En mai dernier, le plus haut tribunal du Manitoba a rejeté sa requête pour un contrôle judiciaire de l’ordonnance d’extradition, estimant qu’il n’y avait aucun motif d’interférer avec l’ordonnance émise par le ministre fédéral de la Justice de l’époque, David Lametti.
Nygard fait également face à des accusations criminelles au Québec et au Manitoba, qui n’ont pas encore été examinées par les tribunaux.