En Ontario, la police a dispersé lundi soir une deuxième manifestation en autant de jours devant un temple hindou de la banlieue de Toronto où de violents affrontements dimanche avaient donné lieu à des arrestations — et qui ont envenimé encore davantage les relations diplomatiques déjà très tendues entre le Canada et l’Inde.
Les groupes qui ont soutenu la manifestation de lundi soir à Brampton ont suggéré qu’elle avait été organisée en réponse aux manifestations de la veille, au même temple, par des séparatistes sikhs qui réclament une nation indépendante en Inde, appelée «Khalistan».
La Police régionale de Peel a précisé que les manifestants avaient convergé lundi soir à une intersection à l’extérieur du temple hindou Sabha Mandir de Brampton, bloquant la circulation dans les deux directions.
La police a déclaré dans un communiqué que la manifestation avait été «déclarée illégale» après que des armes ont été aperçues dans la foule. L’unité de maintien de l’ordre public de la Police régionale a été déployée, ce qui a conduit à la dispersion des groupes de manifestants tard lundi soir.
«Plusieurs centaines de manifestants de camps opposés ont fait monter la tension, et l’événement a rapidement dégénéré», a relaté mardi le porte-parole de la police, Richard Chin. «Au cours de la soirée, on a observé que des manifestants avaient des bâtons de bois qui pouvaient être utilisés comme armes et des objets ont été lancés sur des voitures et vers des personnes.»
La Police régionale de Peel a demandé l’aide du public pour identifier un individu qui aurait pulvérisé une «substance nocive» lors des manifestations de lundi, blessant légèrement une personne.
L’Organisation mondiale des sikhs du Canada a condamné la manifestation de lundi. «Ce qui s’est passé hier soir est profondément troublant et enraciné dans une incitation délibérée», a estimé dans un communiqué, mardi, la présidente de l’organisation pour l’Ontario, Jaspreet Kaur, exhortant les forces de l’ordre à poursuivre les personnes impliquées.
Le maire de Brampton, Patrick Brown, a également dénoncé les appels présumés à la violence anti-sikhe lors de la manifestation de lundi.
«Les agitateurs qui tentent d’inciter à la violence doivent être traités rapidement et promptement avec toute la rigueur de nos lois sur la haine», a-t-il écrit dans un message publié mardi matin sur X.
Le maire Brown avait auparavant exhorté les manifestants des deux côtés à «désamorcer» la manifestation de dimanche devant le temple hindou.
«Nous ne voulons nous battre avec personne»
Varsha Shah a déclaré qu’elle assistait à un office au temple avec sa famille dimanche soir lorsque les manifestations ont éclaté et que les participants ont été priés de rester à l’intérieur pour leur sécurité.
Mme Shah a déclaré qu’elle fréquentait régulièrement le temple hindou Sabha et qu’elle n’avait jamais vu un conflit comme celui-ci depuis son arrivée de l’Inde au Canada il y a 25 ans.
«Nous devons nous protéger, a-t-elle déclaré. Nous vivons ici en paix. Nous ne voulons nous battre avec personne.» Mme Shah espère que la violence ne découragera pas les gens de fréquenter le temple. «Les gens ne doivent pas s’inquiéter. Le temple est sûr.»
Le conseiller municipal Gurpartap Singh Toor, dans le quartier de Brampton où se trouve le temple hindou, a encouragé ceux qui ont des informations sur les actes violents à contacter les forces de l’ordre.
«Nous devons absolument clarifier une chose: nous sommes au Canada. Ce genre de comportement n’a pas sa place au Canada», a déclaré M. Toor aux journalistes à l’extérieur du temple, mardi.
«Peu importe de quel côté de l’équation vous êtes, si vous vous engagez dans une activité violente, des mesures seront prises.»
Trois personnes ont été arrêtées et un policier de Peel a été suspendu après la manifestation de dimanche. Des vidéos publiées sur les réseaux sociaux semblent montrer des bagarres à coups de poing et de bâtons sur ce qui semblait être le terrain du temple hindou de Brampton.
La Presse Canadienne n’a pas pu vérifier de manière indépendante le contenu des vidéos publiées sur les médias sociaux.
Des manifestations ont également eu lieu près d’un temple de Surrey, en Colombie-Britannique.
Trudeau condamne «sans équivoque»
Pendant la période des questions à la Chambre des communes, mardi, le premier ministre Justin Trudeau a condamné «sans équivoque» la violence observée au cours des deux derniers jours dans certaines communautés sud-asiatiques.
«Je serai très, très clair: les individus qui incitent à la violence, à la division et à la haine ne représentent en aucun cas la communauté sikhe ou la communauté hindoue au Canada», a déclaré M. Trudeau.
Le premier ministre indien, Narendra Modi, a déclaré qu’il attendait d’Ottawa que «justice soit faite», tout en qualifiant la manifestation de dimanche à Brampton d’attaque délibérée contre un temple hindou et de tentative d’intimidation des diplomates indiens.
Le groupe Sikhs for Justice a déclaré que les partisans du Khalistan protestaient contre les fonctionnaires du consulat indien qui avaient annoncé une visite au temple hindou de Brampton pour fournir des services administratifs, comme aider les personnes âgées à accéder à leur pension. Le groupe a allégué que ces visites sont utilisées pour trouver des informateurs qui pourraient ensuite dénoncer les séparatistes sikhs.
Le Canada a expulsé six diplomates indiens le mois dernier parce qu’ils auraient utilisé leur position pour recueillir des renseignements sur des Canadiens au sein du mouvement indépendantiste sikh, puis auraient transmis ces informations à des gangs criminels qui ont directement ciblé des individus.
L’Inde, qui a rejeté ces allégations, accuse depuis longtemps le Canada d’abriter des terroristes impliqués dans le mouvement séparatiste sikh, qui souhaite la création en Inde d’un pays indépendant appelé «Khalistan». Les responsables canadiens ont déclaré que les demandes d’extradition de New Delhi manquent souvent de preuves adéquates pour procéder.
Entre-temps, le maire Brown a déclaré qu’il prévoyait de présenter une motion au conseil municipal pour envisager d’interdire les manifestations autour des lieux de culte. Des règlements similaires ont été envisagés dans d’autres régions de l’Ontario.
Dans la banlieue voisine de Vaughan, le conseil municipal a approuvé à l’unanimité en juin dernier un règlement interdisant «d’organiser ou de participer à une manifestation nuisible» à moins de 100 mètres d’«infrastructures sociales vulnérables», telles que des lieux de culte, des écoles, des garderies ou des hôpitaux.
La semaine dernière, le conseil municipal d’Ottawa a adopté une motion pour étudier la faisabilité d’un règlement similaire, et prévoit que le personnel rendra compte de ses conclusions au début de l’année prochaine.