MONTRÉAL — Les environnementalistes canadiens surveillent avec appréhension la suite des événements au lendemain de l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis. L’imprévisibilité de M. Trump représente toutefois un défi pour leur analyse.
Chez Équiterre, par exemple, le directeur des relations gouvernementales, Marc-André Viau, ne se fait pas d’illusions quant à savoir que les intérêts économiques qui sont derrière sa campagne «ne sont pas favorables à des mesures environnementales plus contraignantes ou des transitions environnementales, des transitions énergétiques notamment». Mais il souligne du même souffle que, dans le cas de Donald Trump, «son plus grand contributeur est quand même un fabricant d’autos électriques (Elon Musk, de Tesla), donc ça peut aller dans plusieurs directions».
Il hésite donc à placer Donald Trump franchement dans le camp des climatosceptiques. «En fait, on ne sait pas vraiment ce qu’il est ou quelles sont ses idées. Il y a beaucoup de choses qui sont très énigmatiques et qui vont être très instables également.»
Influence passée
Cependant, il s’inquiète de son influence au Canada à la lumière de son premier passage à la Maison-Blanche. «On l’a vu dans le cadre du premier mandat, quand son administration a fait des changements sur la réglementation des émissions polluantes des véhicules, les émissions d’échappement. Comme notre secteur automobile est extrêmement imbriqué avec le secteur automobile américain – on a la même réglementation – le changement réglementaire s’est appliqué automatiquement au Canada.»
Autre exemple: le Canada a aussitôt emboîté le pas aux Américains lorsqu’ils ont imposé des tarifs de 100 % sur les véhicules électriques chinois, beaucoup plus économiques que les véhicules construits ici. «On n’a plus accès à ces véhicules parce qu’on leur a imposé les mêmes tarifs de 100 % en suivant l’exemple des États-Unis. Oui, on protège le marché de l’emploi, on protège les investissements qui ont été faits dans le secteur des minéraux critiques, par exemple, ou dans le développement des batteries. Mais il n’en demeure pas moins qu’on aligne beaucoup les politiques un sur l’autre», dit M. Viau.
Créer des doutes sur Poilievre
À l’opposé, la réaction de Keith Stewart, stratège en énergie chez Greenpeace Canada, a de quoi étonner, lui qui voit dans la victoire de Donald Trump un frein à la montée en puissance des conservateurs de Pierre Poilievre. «La victoire de Trump est terrible pour le monde, mais elle sera aussi une mauvaise nouvelle pour les conservateurs ici au Canada. Une fois que les gens auront pris connaissance des attaques contre les droits de la personne et de l’environnement au sud de la frontière, ils auront des doutes sur la version canadienne du populisme à la Trump.»
Il avance que Pierre Poilievre, tout comme Donald Trump, «a promis de donner à l’industrie pétrolière tout ce qu’elle demande», ce qui entraînera des conséquences «de plus en plus visibles, en termes de dommages causés par les inondations, les tempêtes et les incendies de forêt alimentés par le changement climatique».
M. Stewart croit que les Canadiens suivent la politique américaine «parce qu’elle a toujours un impact sur nous. Et je crois qu’ils n’aimeront pas ce qu’ils vont voir sous Trump».
Il semble convaincu que les citoyens voient le lien entre les événements climatiques extrêmes, les feux de forêt, les inondations et le changement climatique, «mais je crois qu’ils ne voient pas encore le lien entre le changement climatique et les énergies fossiles. Il nous faut faire le lien entre ces feux de forêt incroyables, ces inondations, la météo extrême et le fait de brûler des énergies fossiles. Une fois que la population fera ce lien, elle va commencer à demander à ses dirigeants: qu’allez-vous faire pour nous sortir des énergies fossiles? Pierre Poilievre n’a pas de réponse à ça.»
Des conséquences incontournables
Dans le cas de Donald Trump, Keith Stewart croit qu’il sera probablement capable de ralentir, mais pas d’inverser la transition vers l’abandon des combustibles fossiles, «car le passage à l’énergie propre est désormais dicté principalement par l’économie plutôt que par la politique».
Ne rien faire, renchérit Marc-André Viau, impliquera nécessairement des coûts importants à long terme. «Peu importe le choix du gouvernement, l’impact des changements climatiques ne va pas se faire moins sentir qu’avant. Il y a quand même des conséquences qui vont devoir être gérées et ça, peu importe l’administration, elle va être aux prises avec ces conséquences.»