Le Canada est loin de ses cibles de la COP21, selon le commissaire à l’environnement

Nick Murray, La Presse Canadienne
Le Canada est loin de ses cibles de la COP21, selon le commissaire à l’environnement

OTTAWA — Le commissaire fédéral à l’environnement affirme que le Canada n’est toujours pas sur la bonne voie pour respecter ses engagements dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat de 2015.

Ottawa a promis de réduire les émissions de gaz à effet de serre du pays de 40 à 45 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030, mais jusqu’à présent, elles n’ont diminué que de 7 %.

Dans un rapport déposé jeudi au Parlement, le commissaire à l’environnement du Canada, Jerry DeMarco, souligne que son bureau a examiné 20 des 149 mesures contenues dans le rapport d’étape de 2023 du Plan de réduction des émissions pour 2030 du gouvernement et qui étaient déjà «en cours d’élaboration ou de mise en œuvre».

Or, seules neuf de ces 20 mesures «progressaient comme prévu», neuf autres «connaissaient des difficultés» et deux «présentaient des obstacles majeurs», notamment «des retards dans l’atteinte des jalons».

En conférence de presse après le dépôt du rapport, M. DeMarco a déclaré qu’il était encore possible d’atteindre ces objectifs, mais que «la tâche est beaucoup plus difficile, car il ne reste que six ans pour réaliser essentiellement 20 ou 30 ans de réductions».

Même si les progrès sont «douloureusement lents» sur certaines des politiques du gouvernement, «ce n’est pas une raison pour baisser les bras et dire que nous n’y arriverons pas», a-t-il soutenu.

«Ce n’est pas le moment d’abandonner. Nous devons à nos enfants et à nos petits-enfants de faire le plus d’efforts possible pour relever ces défis mondiaux», a-t-il ajouté.

Ce rapport reflète par ailleurs bon nombre des conclusions et des préoccupations déjà soulevées par M. DeMarco il y a un an.

Le commissaire a toutefois constaté que le gouvernement avait mis en œuvre la majorité des recommandations formulées dans son rapport de l’année dernière.

«Dans l’ensemble, le gouvernement fédéral a mis en place diverses mesures d’atténuation pour soutenir les progrès vers une transition vers la carboneutralité, mais n’a toujours pas réalisé suffisamment de progrès pour réduire les émissions de gaz à effet de serre afin d’atteindre son objectif de 2030», peut-on lire dans le rapport.

Dans un communiqué, Environnement et Changement climatique Canada a remercié «le commissaire pour son travail, qui repose sur un important processus visant à assurer la responsabilisation et la transparence alors que le Canada bâtit une économie à faibles émissions de carbone et protège l’environnement».

Guilbeault s’en prend aux conservateurs

Lors d’un échange avec les journalistes à Ottawa en après-midi, le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, a indiqué qu’il «estimait que le Canada pouvait encore atteindre ses objectifs» de réduction de GES à condition d’implanter de nouvelles mesures, comme le projet de règlement qui soumet les pétrolières et les gazières à un plafond d’émissions.

Il a également indiqué que le Parti conservateur du Canada ainsi que les provinces dirigées par des gouvernements conservateurs constituaient le principal obstacle à une plus grande diminution des émissions.

«Plusieurs provinces refusent de travailler avec nous et travaillent constamment contre nous. Imaginez une seconde si le fédéral et les provinces, comme c’est le cas dans d’autres pays, travaillaient ensemble pour atteindre des objectifs ambitieux en matière de lutte au changement climatique, ce qu’on ferait serait extraordinaire!», a lancé le ministre Guilbeault.

Le Bloc québécois a pour sa part attaqué le bilan libéral.

«Le commissaire à l’environnement nous confirme aujourd’hui que le Canada est un pays pétrolier qui n’a aucune intention de réellement agir sur le front climatique. Le gouvernement libéral est peut-être bon en marketing, mais carrément nul lorsque vient le moment d’agir à la hauteur que la crise requiert. Il est évident que le Canada échouera sa cible de réduction des émissions fixée à 40-45%: il est à 7% et il ne reste que six ans», a déclaré Monique Pauzé, porte-parole du Bloc québécois en matière d’Environnement, dans un communiqué de presse.

Manque de transparence

Celui-ci s’est également concentré sur la question de savoir si Environnement et Changement climatique Canada avait rendu compte de ses progrès avec suffisamment de transparence. En 2021, le Parlement avait adopté une loi obligeant le ministère à fixer des objectifs d’émissions et à publier des plans de réduction et des rapports d’étape.

Cette loi oblige le ministère à inclure dans son rapport d’étape les mesures supplémentaires qui pourraient être prises si le Canada n’est pas sur la bonne voie pour atteindre ses objectifs de 2030.

M. DeMarco s’attendait à ce que davantage de mesures soient incluses dans le rapport d’étape de l’année dernière, car le Canada savait clairement qu’il n’en faisait pas assez pour atteindre ses objectifs.

Des 32 mesures supplémentaires publiées par le ministère – en plus des 149 existantes – M. DeMarco a constaté que seulement sept étaient nouvelles. Trois d’entre elles renforçaient les mesures existantes et les 22 autres étaient des mesures que le ministère avait déjà annoncées.

Il a noté que le gouvernement a progressé dans la consultation des provinces, des territoires et des peuples autochtones, et que le ministère a respecté ses exigences législatives en matière de rapports. Il a toutefois critiqué la transparence du gouvernement en ce qui concerne ses données de modélisation – des préoccupations qu’il a également soulevées dans son rapport de l’année dernière.

«Le ministère a apporté des améliorations marginales en matière de transparence sur les hypothèses de modélisation des mesures fédérales dans le rapport de projection des émissions, mais il n’a toujours pas fourni suffisamment de détails», peut-on lire dans le dernier rapport de M. DeMarco, qui souligne que le ministère n’a fourni des détails que sur un tiers des mesures qu’il a incluses dans sa modélisation.

«Ce problème de manque de transparence dans la modélisation reste une préoccupation constante, qui peut miner la confiance et la crédibilité dans les progrès rapportés», souligne le rapport.

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