OTTAWA — Le comité sénatorial qui étudie le projet de loi bloquiste sur la protection la gestion de l’offre a adopté un amendement qui, selon la marraine de la pièce législative au Sénat, affaiblirait la proposition initiale au point de la vider «de sa substance et de son intention».
Les modifications proposées au projet de loi C-282 ont suscité l’ire du Bloc québécois, le chef du parti souverainiste, Yves-François Blanchet, allant jusqu’à les qualifier d’«amendements violents».
Les changements déposés par le sénateur Peter Harder auraient pour effet d’empêcher d’exclure la gestion de l’offre de tous pourparlers commerciaux s’il est question d’un traité préexistant à l’entrée en vigueur du projet de loi C-282. Dans la même veine, la renégociation d’un accord existant déjà ou la poursuite d’une négociation qui avait déjà été entamée seraient aussi exemptées.
«Ce n’est pas un projet de loi sur la gestion de l’offre, mais sur la politique commerciale. (…) Je crois qu’il faut éliminer les risques que comporte ce projet de loi tout en nous engageant dans un dialogue respectueux entre le Sénat et la Chambre des élus», a dit mercredi en fin d’après-midi le sénateur Harder.
La sénatrice qui porte le projet de loi au Sénat, Amina Gerba, a imploré ses collègues de voter contre l’amendement. Seulement trois sénateurs s’y sont opposés, y compris elle-même, et donc l’amendement a été adopté.
«On sait maintenant qui est le nouveau président des États-Unis. Il semble clair que la gestion de l’offre sera de nouveau une cible. C’est pour cela qu’il faut clairement prendre position pour la protéger dès maintenant», a plaidé la sénatrice Gerba.
Le représentant du gouvernement au Sénat, Marc Gold, a fait valoir que C-282 deviendrait «inutile» avec cet amendement.
La sénatrice Gerba a abondé dans le même sens. «Je vous demande de vous opposer à cet amendement qui vide le projet de loi de sa substance et de son intention», a-t-elle lancé.
Seuls le sénateur Gold et le conservateur Leo Housakos se sont opposés aux côtés de la marraine du projet de loi à la Chambre haute.
Aux yeux des députés bloquistes, il est clair que l’amendement équivaut à une tentative de «sabotage» du projet de loi.
«Nous dénonçons depuis de nombreuses semaines le parti pris et le manque d’impartialité de certains membres du comité sénatorial du commerce international. Ils nous ont confirmé hier qu’ils n’ont qu’une seule intention depuis le début de l’étude: tuer le projet de loi», a déclaré le porte-parole du Bloc en matière d’agriculture, Yves Perron, dans un communiqué.
Les sénateurs fautifs selon le Bloc sont précisément Peter Harder et le président du comité étudiant C-282, Peter Boehm.
Ce sont «deux fantaisistes» ou des sénateurs «prétentieux», croit M. Blanchet, qui veulent selon lui ouvrir toute grande la porte à des brèches dans le système de gestion de l’offre.
«C’est le bar ouvert. C’est ‘’Nous vous annonçons que la gestion de l’offre est à brader en échange de on-verra-quoi. On a rarement vu un aussi mauvais message», a tranché le chef bloquiste.
Même s’il a été adopté lors de l’étude article par article en comité, l’amendement peut toujours être renversé à d’autres étapes du processus législatif. Par exemple, lorsque l’ensemble des sénateurs se prononceront sur C-282, l’amendement pourrait être relégué aux oubliettes.
«On ne peut pas laisser faire ça, surtout dans le contexte de l’élection américaine qui pourrait mettre en péril notre modèle agricole», a poursuivi M. Perron.
L’ex-ministre de l’Agriculture Marie-Claude Bibeau espère que l’amendement sera battu. «On demande aux sénateurs d’appuyer ce projet de loi dans sa forme originale. C’est important de soutenir la gestion de l’offre», a-t-elle lancé en mêlée de presse. En Chambre, la leader parlementaire des libéraux, Karina Gould, a aussi véhiculé ce message.
Le projet de loi C-282 a reçu le sceau d’approbation d’une vaste majorité d’élus aux Communes issus de tous les partis.
Le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique, Alexandre Boulerice, s’est demandé jeudi «à quoi joue le Sénat».
«Il faut arrêter l’érosion graduelle du système de la gestion de l’offre qu’on a vue avec les gouvernements conservateurs et libéraux successifs. Il faut être capable de faire barrage à cette volonté d’attaquer notre système de gestion de l’offre», a-t-il soutenu au cours d’un point de presse.
Des députés de tous les partis se sont réunis, le mois dernier, sur la colline du Parlement pour manifester leur soutien à C-282. Des sénateurs en faveur de la pièce législative étaient aussi présents et ont dénoncé le temps pris par leurs collègues de la Chambre haute pour étudier la pièce législative.
Le projet de loi a été envoyé de la Chambre des communes au Sénat il y a environ un an et demi.
Cet automne, la pièce législative a retenu l’attention puisqu’elle faisait partie d’un ultimatum lancé par le Bloc aux libéraux. En échange de l’adoption de C-282 et d’un autre projet de loi bloquiste d’ici au 29 octobre, le parti souverainiste promettait d’aider le gouvernement libéral minoritaire à survivre d’ici à Noël.
Plus tôt cette semaine, Yves-François Blanchet a précisé qu’il est toujours prêt, même si la date butoir est passée, à marchander son appui aux libéraux s’il obtient les gains souhaités.