OTTAWA — Le lieutenant-général à la retraite Andrew Leslie croit qu’avec le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, le Canada sera bientôt malmené par les États-Unis pour ne pas avoir atteint ses objectifs de dépenses militaires.
M. Leslie, qui a aussi été député dans le caucus libéral de Justin Trudeau, a déclaré jeudi au Comité permanent de la défense nationale des Communes qu’il ne voyait «aucun sentiment d’urgence» de la part du gouvernement actuel pour investir davantage de ressources dans les Forces armées canadiennes et pour respecter ses engagements pris auprès de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) pour augmenter ses dépenses militaires.
Mais les hauts dirigeants à Washington seront «assez mercantiles» dans leurs attentes et voudront «des résultats rapides», a soutenu M. Leslie devant le Comité permanent de la défense nationale, qui étudie présentement la mise à jour de la politique de défense du Canada.
«Cela va devenir étonnamment difficile pour nous au cours des prochains mois, car on nous pose beaucoup de questions très difficiles dans le contexte de la défense nord-américaine, des contributions à l’OTAN et du libre-échange nord-américain, qui sont tous liés», a estimé l’ancien commandant de l’armée canadienne.
Ottawa devra bientôt se consacrer à la révision prévue, en 2026, de l’accord de libre-échange Canada-États-Unis-Mexique, sans parler d’un président américain imprévisible qui a passé sa campagne électorale à menacer d’imposer des tarifs douaniers sur les importations et à déplorer que des membres de l’OTAN ne paient pas leur juste part.
Un peu plus de 24 heures après la victoire de M. Trump, le premier ministre Trudeau a réactivé un comité clé du cabinet sur les relations Canada-États-Unis en nommant à sa tête la ministre des Finances. C’est Chrystia Freeland qui avait dirigé les négociations pour le nouvel accord de libre-échange nord-américain, signé pendant le premier mandat de M. Trump.
Ce comité chargé des relations canado-américaines, qui se réunira pour la première fois vendredi, comprendra aussi, notamment, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, la ministre du Commerce international, Mary Ng, et le ministre de la Défense, Bill Blair. Le commerce, la sécurité nationale, l’immigration et la défense figureront tous en bonne place à l’ordre du jour de ce comité réunissant onze ministres.
En février dernier, M. Trump a déclaré qu’il ne défendrait pas un membre de l’OTAN qui ne consacre pas le montant convenu à la défense, suggérant qu’il encouragerait la Russie à faire «tout ce qu’elle veut» à ces pays.
Les 32 pays membres de l’OTAN ont convenu de consacrer chacun l’équivalent d’au moins 2 % de leur PIB à la défense, mais le Canada fait partie des neuf membres qui ne le feront pas cette année.
Les chiffres de l’OTAN prévoient que le Canada consacrera l’équivalent de 1,37 % de son PIB à la défense cette année, ce qui le place en queue de peloton. La Défense nationale prévoit que ce chiffre augmentera au cours des prochaines années pour atteindre 1,76 % d’ici 2030.
Les dépenses militaires du Canada sont devenues un point sensible de plus en plus important au sud de la frontière. Face aux vives critiques des membres du Congrès à Washington l’été dernier, M. Trudeau a promis au sommet de l’OTAN que le Canada atteindrait l’objectif de l’Alliance atlantique d’ici 2032.
Ottawa a déclaré qu’il atteindrait cet objectif une fois qu’il aurait acheté une nouvelle flotte de 12 sous-marins, dont le coût n’a pas encore été établi. Mais Andrew Leslie estime que le Canada devrait accélérer considérablement son calendrier de dépenses et d’acquisitions.
«Nous n’atteindrons pas cet objectif avant 2032, ce qui est un chiffre arbitraire choisi par le premier ministre pour le sortir d’une situation très difficile lors de sa visite à Washington», a déclaré jeudi M. Leslie. «Rien dans le cadre budgétaire n’indique que le gouvernement du Canada est sérieux quant à l’atteinte de ces 2 %.»
L’ancienne ambassadrice des États-Unis au Canada Kelly Craft déclarait aux derniers jours de la campagne présidentielle américaine que le Canada serait avisé d’accélérer ce calendrier en cas de victoire de M. Trump.
Le ministre Blair a minimisé ces inquiétudes après la victoire du républicain mardi et il a défendu le fait que le Canada disposait désormais d’un plan pour atteindre l’objectif. «Nous voulons aussi atteindre 2 %, a-t-il déclaré mercredi après une réunion du caucus. Nous nous sommes engagés à y parvenir. Nous avons un plan et nous travaillons très fort pour y parvenir.»