OTTAWA — Un agent du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) nie avoir menacé un Montréalais qui a ensuite été emprisonné et aurait été torturé par les autorités soudanaises.
L’employé du service de renseignement, qui ne peut être identifié que comme étant le «témoin C» pour protéger son identité, témoigne dans le cadre de la poursuite intentée par Abousfian Abdelrazik contre le gouvernement fédéral.
M. Abdelrazik affirme que les autorités canadiennes ont organisé son emprisonnement arbitraire, encouragé sa détention par les autorités soudanaises et activement fait obstruction à son rapatriement au Canada pendant plusieurs années.
L’homme, qui est né au Soudan, a été arrêté en septembre 2003 alors qu’il se trouvait dans son pays natal pour voir sa mère malade.
Il a été interrogé pendant sa détention par des agents du SCRS sur ses liens présumés avec des extrémistes.
Au cours de deux séances, en présence de responsables soudanais, le SCRS a posé des questions sur ses activités au Canada, sa connaissance des personnes à Montréal et son association avec des individus liés à des activités terroristes.
Abousfian Abdelrazik, 62 ans, dit avoir également été torturé par les autorités soudanaises pendant deux périodes de détention.
Il nie toute implication dans le terrorisme.
Les avocats fédéraux soutiennent que le Canada n’a pas exhorté le Soudan à le maintenir en détention ou à le maltraiter ni créé un risque que ces choses puissent se produire.
Le «témoin C», qui avait déjà parlé à M. Abdelrazik à Montréal, s’est rendu à Khartoum pour l’interroger avec un autre agent du SCRS à la fin d’octobre 2003.
Au Soudan, M. Abdelrazik a reconnu le «témoin C» grâce à leur contact antérieur au Canada.
Devant la Cour fédérale mercredi, le «témoin C» s’est exprimé en français depuis un autre endroit et sa voix a été déguisée pour empêcher toute identification.
Il a reconnu avoir dit à M. Abdelrazik au Canada qu’il ne devait pas voyager, mais a qualifié cela de conseil sincère pour le protéger plutôt que de menace.
Le témoin a déclaré qu’il avait averti le plaignant que voyager «pourrait être problématique. Et donc, il n’y avait aucune menace, quelle qu’elle soit, lorsque ces commentaires ont été faits».
Après le 11 septembre 2001, les services de renseignement du monde entier partageaient des informations sur les suspects de terrorisme, a déclaré le témoin. «Il n’était donc pas impossible que M. Abdelrazik, en voyageant à l’étranger, puisse attirer l’attention d’autres services que ceux du Canada. Ce sont donc des choses qui échappaient à notre contrôle.»
Lors du contre-interrogatoire, l’avocat de M. Abdelrazik, Paul Champ, a demandé si la mise en garde avait pu être formulée ainsi: «Vous prévoyez de vous rendre au Soudan, vous verrez ce qui se passera.»
Le témoin a de nouveau nié avoir proféré une telle menace.
«Vos informations sont inexactes. Ce dont je me souviens, c’est que c’était une suggestion que je lui ai faite. Je lui ai suggéré que, s’il avait l’intention de voyager, ce n’était pas une bonne idée.»
Le témoin a ajouté que, même si le SCRS avait des indications à l’époque selon lesquelles M. Abdelrazik pourrait se rendre à l’étranger, le service d’espionnage ne savait pas si sa destination serait le Soudan ou ailleurs.
En avril 2008, Abousfian Abdelrazik a demandé refuge à l’ambassade du Canada à Khartoum.
Il est revenu au Canada en 2009 après qu’un juge a statué qu’Ottawa avait violé ses droits constitutionnels en refusant de lui délivrer un document de voyage d’urgence.