MONTRÉAL — L’utilisation de la réalité virtuelle pourrait venir en aide aux hommes aux prises avec un trouble de l’érection. C’est ce qu’espère démontrer une équipe de chercheurs de l’UQAM dans les prochains travaux de leur étude, qui a exploré pour la première fois le potentiel de cet outil technologique dans le domaine de la santé sexuelle des hommes.
Dans cette étude menée par le professeur au Département de sexologie de l’UQAM David Lafortune, 60 adultes québécois ont été exposés à des scénarios virtuels les mettant en scène. Concrètement, ils ont visionné du contenu à caractère pornographique dans un casque de réalité virtuelle.
Pour l’instant, il ne s’agit pas d’une étude thérapeutique. Les chercheurs veulent d’abord vérifier si la réalité virtuelle est une technologie qui permet d’activer les symptômes du trouble érectile.
Le trouble de l’érection est similaire à une difficulté érectile, mais quelques nuances sont à apporter. Lorsqu’un homme a de la difficulté à conserver une érection avec un, une ou des partenaires pendant une certaine période, que ce soit une seule rencontre sexuelle ou plusieurs semaines, il s’agit de difficulté érectile. On parle de trouble de l’érection lorsque la difficulté dure depuis au moins six mois et qu’elle cause une détresse significative pour la personne. «En termes de manifestation, c’est la même chose, indique M. Lafortune. C’est surtout les critères de détresse et de durée qui sont différents.»
Dans son étude, M. Lafortune et son équipe du Laboratoire EROSS ont développé des scénarios susceptibles d’activer les symptômes du trouble de l’érection. Ils se sont penchés sur les symptômes d’anxiété de performance, notamment d’avoir une faible excitation sexuelle et de se sentir impliqué dans la rencontre sexuelle.
Trois scénarios ont été présentés aux participants. Pour le premier, la personne donnait du sexe oral à un ou une partenaire; dans le deuxième elle se faisait masturber; et dans le troisième elle était impliquée dans un scénario de pénétration en étant la personne qui pénètre.
Les résultats montrent que les personnes aux prises avec un trouble de l’érection avaient tendance à avoir moins d’excitation sexuelle lors du visionnement. «Ce qu’on a toutefois constaté, c’est que même les personnes avec un trouble érectile avaient dans nos scénarios un niveau d’anxiété de performance relativement faible, relativement équivalent à ceux de l’autre groupe, qui est un groupe non clinique», s’est étonné M. Lafortune.
Autrement dit, pour l’instant, la réalité virtuelle n’est pas capable d’aller activer l’anxiété de performance. «On sait que les gens dans notre étude qui avaient un trouble érectile appréhendaient davantage les scénarios sexuels où ils allaient devoir pénétrer leur partenaire […] mais pendant le scénario ils n’étaient pas forcément anxieux.»
Le trouble de l’érection touche entre 6 et 24 % des personnes de sexe masculin. À terme, l’objectif de l’étude est de déterminer la pertinence de la réalité virtuelle comme outil thérapeutique pour aider ces hommes.
«J’ai vraiment le sentiment que la réalité virtuelle et également l’implication de jouet sexuel connecté permettraient aux personnes qui ont un trouble érectile de pratiquer des exercices à la maison avec des partenaires fictifs pour désensibiliser les peurs et leurs appréhensions relatives à l’échec sexuel», avance M. Lafortune.
Pour l’avenir, il souhaite que les gens puissent personnaliser leur partenaire virtuel en fonction de leur partenaire actuel ou souhaité. Des aspects multisensoriels et interactifs permettraient également de se rapprocher du réalisme d’une vraie relation sexuelle.
Avec cette approche, le but serait que l’avatar de la personne soit capable de ne pas avoir une érection aussi forte que souhaité et aider ainsi la personne à se désensibiliser et à dédramatiser la situation. «Les méthodes traditionnelles en thérapie qui sont basées sur l’exposition et sur les exercices sexologiques qu’on fait à la maison avec le partenaire sont efficaces. Donc, je n’ai pas de raison de penser qu’en ajoutant de la réalité virtuelle pour simuler et augmenter les occasions de pratiquer, on n’aurait pas des effets thérapeutiques efficaces sinon plus efficaces», explique le professeur Lafortune.
Ce genre de thérapie assistée par la réalité virtuelle pourrait être particulièrement bénéfique pour certains groupes de personnes, notamment ceux qui n’ont pas de partenaire stable ou des personnes avec certains handicaps physiques.
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