Des militants antiavortement contestent la loi les obligeant à se tenir à distance

Joe Bongiorno, La Presse Canadienne
Des militants antiavortement contestent la loi les obligeant à se tenir à distance

MONTRÉAL — Une juge de la Cour supérieure du Québec a entendu jeudi les arguments finaux dans une contestation constitutionnelle d’une loi québécoise qui oblige les manifestants à rester à 50 mètres des cliniques d’avortement.

La Campagne Québec-Vie (CQV) et d’autres militants antiavortement ont intenté une action en justice contre la province au sujet de cette loi, qui, selon eux, viole leurs droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, garantis par la Charte des droits et libertés.

De l’autre côté de la salle d’audience, les avocats représentant le procureur général du Québec et trois établissements offrant des avortements ont fait valoir que la loi doit protéger les droits des femmes qui recherchent ces services.

Introduit en 2016, l’article 16 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux stipule qu’il est interdit de manifester à moins de 50 mètres d’un établissement offrant des services d’avortement de quelque manière que ce soit qui tente de «dissuader une femme d’obtenir un tel service ou de contester ou de condamner son choix de l’obtenir ou de l’avoir obtenu».

La loi précise également qu’aucun manifestant ne peut «tenter de dissuader une personne d’offrir un tel service ou de participer à son offre ou de contester ou de condamner son choix de l’offrir».

Robert E. Reynolds, l’avocat représentant les plaignants, a déclaré que la loi a empêché les manifestants de se livrer à ce qu’ils appellent le «conseil sur les trottoirs». Georges Buscemi, président de la CQV, a déclaré en entrevue que la «consultation sur les trottoirs» est une façon pacifique de proposer des alternatives à l’interruption volontaire de grossesse et ne bloque pas l’accès aux installations.

M. Reynolds a soutenu que la loi interdit effectivement aux manifestants d’exprimer leurs opinions dans un espace public, ce qui porte atteinte au débat démocratique. Par conséquent, a-t-il ajouté, la loi devrait être invalidée comme étant «inopérante et inconstitutionnelle».

«Les plaignants ont sans aucun doute le droit d’exercer pacifiquement leur droit à la liberté d’expression (…) et plus particulièrement sur les trottoirs devant les bâtiments où des avortements sont pratiqués», a-t-il soutenu.

Protéger les femmes et le personnel

Cependant, les avocats du gouvernement provincial ont fait valoir que la disposition de la loi a été adoptée pour protéger les femmes vulnérables du harcèlement et de l’intimidation. Avant son introduction, deux des trois cliniques qui s’opposent à cette contestation – la clinique médicale Fémina et la clinique Morgentaler – ont dû obtenir des injonctions contre les manifestants, ont-ils noté.

L’avocat Éric Cantin a déclaré que la limite imposée aux droits des manifestants en vertu de la Charte est justifiée et raisonnable lorsqu’elle est mise dans la balance avec les droits des femmes et le personnel d’entrer dans les installations sans être pris pour cible par les manifestants qui tentent de les dissuader d’accéder aux services d’avortement.

«Nous n’interdisons pas toutes les manifestations. Nous n’interdisons pas la diffusion d’un message», a fait valoir Me Cantin, expliquant que les manifestants sont libres d’exprimer leurs opinions en dehors des zones tampons.

Joséane Chrétien, l’une des avocates représentant les trois cliniques offrant des services d’avortement, a déclaré que les manifestants ont soumis les femmes et le personnel à des comportements agressifs et violents.

Me Chrétien a pointé qu’au moins une de ces personnes a été «agressée», et elle a allégué que Brian Jenkins, l’un des plaignants, a suivi des personnes et publié des informations à leur sujet en ligne.

«Il s’est imposé aux patientes et aux personnes qui les accompagnent. Il suit leurs déplacements. Il les inscrit dans un répertoire et les catalogue. Il les met sur son blogue, a-t-elle énuméré au tribunal. Ce ne sont pas des actions pacifiques.»

La juge Lysane Cree de la Cour supérieure du Québec a réservé sa décision.

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