OTTAWA — Le Canada a conclu des négociations commerciales avec l’Indonésie, ouvrant la voie à la signature d’un accord avec le quatrième pays le plus peuplé du monde l’année prochaine.
Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé la nouvelle aux côtés du président indonésien Prabowo Subianto, lors d’un sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique, ou APEC.
Le cabinet de M. Trudeau a déclaré que les deux parties doivent régler certains détails techniques de l’accord, mais qu’il devrait être signé d’ici l’année prochaine.
Le premier ministre a également annoncé une nouvelle priorité sur l’exportation de l’énergie nucléaire canadienne et la coopération dans la région indo-pacifique.
M. Trudeau a indiqué que l’accord avec l’Indonésie comprendra des biens, des services et des investissements ainsi que des normes pour les petites entreprises, le travail, l’environnement et le genre.
L’Indonésie a une économie en plein essor, soutenue par une population de 280 millions d’habitants, dont une grande partie est composée de jeunes.
Le pays a demandé l’aide du Canada au cours des deux dernières années pour réduire sa dépendance aux combustibles fossiles, les Indonésiens étant aux prises avec des émissions de carbone élevées et une biodiversité menacée.
M. Subianto a déclaré que l’accord avec le Canada permettrait d’accroître les échanges commerciaux dans les secteurs du numérique et des énergies renouvelables.
«Nous avons la chance d’avoir des possibilités, a-t-il déclaré. Nous avons beaucoup d’énergie en dehors des combustibles fossiles, nous sommes donc très confiants.»
M. Trudeau a qualifié l’Indonésie de «l’économie la plus importante d’Asie du Sud-Est» et d’un endroit où Ottawa pourrait collaborer sur la technologie nucléaire. Le Canada prévoit d’envoyer une mission commerciale en Indonésie l’année prochaine.
Mardi également, M. Trudeau a indiqué aux dirigeants d’entreprises que le Canada cherchait à établir un partenariat sur l’énergie nucléaire en Asie du Sud-Est, en particulier alors que les pays de la région s’inquiètent des grandes quantités d’énergie nécessaires pour alimenter l’intelligence artificielle.
La stratégie indo-pacifique du Canada ne faisait aucune mention directe du secteur nucléaire lorsque les libéraux l’ont publiée il y a deux ans.
Dorénavant, M. Trudeau dit que le Canada utilisera son initiative de «passerelle commerciale» non seulement pour relier les entreprises, mais aussi pour aider à élargir les connaissances locales sur la technologie nucléaire, comme la façon de créer un marché viable pour les produits nucléaires et de former adéquatement le personnel.
Ottawa «identifiera également les possibilités pour l’industrie nucléaire canadienne dans son ensemble de fournir des produits et des services pour soutenir les objectifs canadiens et régionaux», a écrit le bureau de M. Trudeau dans un communiqué.
Son cabinet a précisé que cela pourrait impliquer de petits réacteurs modulaires, une nouvelle technologie qui vise à fournir une énergie à faible émission de carbone sans construire de grandes centrales nucléaires, y compris dans les régions éloignées.
Le Canada bien placé pour comprendre les États-Unis
Plus tôt mardi, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a déclaré à l’APEC que le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche avait renforcé l’influence du Canada dans le monde, alors que d’autres partenaires internationaux se tournent vers le Canada pour obtenir des conseils sur la manière de traiter avec lui.
M. Trump ne prêtera pas serment avant janvier, mais sa victoire à l’élection présidentielle de la semaine dernière pèse lourd dans les discussions du groupe, qui vise à améliorer le commerce entre les pays riverains du Pacifique.
S’adressant aux journalistes à Lima vendredi matin, Mme Joly a soutenu qu’aucun pays ne comprend mieux les États-Unis que le Canada et que de nombreux pays demandent maintenant des conseils sur la manière dont ils peuvent s’adapter à une deuxième administration Trump.
La première présidence de M. Trump l’a vu se retirer de nombreux accords multilatéraux, notamment l’Accord de Paris sur le climat et l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), dont la moitié des pays de l’APEC sont membres.
Il a également promis d’imposer une taxe d’importation d’au moins 10 % sur tous les biens entrant aux États-Unis, ce qui suscite de vives inquiétudes chez les partenaires commerciaux des États-Unis.
La London School of Economics a averti le mois dernier que ces politiques pourraient nuire aux économies des États-Unis, de la Chine et de l’Union européenne.
Mme Joly a confirmé qu’elle s’attend à ce que M. Trump se rende au Canada l’année prochaine lors du sommet des dirigeants du G7 qui se tiendra à Kananaskis, en Alberta.
«S’il y a un pays au monde qui comprend les États-Unis, c’est le Canada, a déclaré Mme Joly. C’est pourquoi tant de délégations, tant de pays, viennent nous voir pour nous demander comment nous et eux pouvons nous adapter.»
«Je pense que l’influence du Canada augmente en fait en raison des impacts auxquels le monde est maintenant confronté avec la nouvelle administration.»
Mme Joly a rencontré jeudi soir à Lima le secrétaire d’État américain Antony Blinken, dont le mandat prendra fin en janvier lorsque la nouvelle administration prêtera serment. M. Trump a annoncé cette semaine qu’il nommera le sénateur de Floride Marco Rubio au poste de nouveau secrétaire d’État.
L’enjeu du commerce avec la Chine
Mme Joly a également rencontré jeudi le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, pour discuter de la coopération entre le Canada et la Chine en matière de transport aérien et de lutte contre le fentanyl. Elle a indiqué qu’elle avait également discuté avec lui de l’enquête publique canadienne sur l’ingérence étrangère et qu’elle avait envoyé «des messages clairs à la Chine selon lesquels nous n’accepterons jamais aucune ingérence étrangère».
«Nous devons avoir une relation prévisible», a-t-elle soutenu.
Les responsables canadiens sont restés muets sur la perspective d’une rencontre entre M. Trudeau et le président chinois Xi Jinping, que ce soit lors d’une rencontre formelle ou d’une discussion informelle dans le couloir, à Lima à l’APEC ou pendant le week-end lorsqu’ils se rendront tous deux au sommet des dirigeants du G20 au Brésil.
John Kirton, directeur du G20 Research Group, s’attend à ce que M. Trudeau et de nombreux dirigeants aient des discussions informelles pour réfléchir à la manière de gérer une nouvelle présidence Trump.
«M. Trudeau sera dans une position relativement privilégiée, car il a été aux côtés de Donald Trump lors de (plusieurs) sommets, et nous sommes les voisins immédiats; nous sommes un État de première ligne», a-t-il indiqué.
Vina Nadjibulla, vice-présidente de la recherche pour la Fondation Asie-Pacifique, a déclaré que la réélection de M. Trump signifie probablement un rôle réduit pour les États-Unis dans les institutions multilatérales et la lutte contre le changement climatique, ainsi qu’une plus grande tension avec la Chine sur le commerce, les tarifs et la technologie.
Les libéraux de M. Trudeau ont signalé leur intention de continuer à se ranger du côté des États-Unis contre la Chine sur les énergies propres et les véhicules électriques. Cet automne, le Canada a égalé les droits de douane américains sur les véhicules électriques fabriqués en Chine, en augmentant de 100 % les droits de douane sur les produits en acier et en aluminium.
Le Canada envisage également d’augmenter les droits de douane sur les batteries et les pièces de batteries des véhicules électriques, les minéraux critiques et les panneaux solaires, sur lesquels les États-Unis ont déjà prévu d’augmenter les droits de douane.
«L’APEC se réunit dans un contexte de protectionnisme croissant, de concurrence géopolitique intense, de croissance économique incertaine et de l’élection de M. Trump», a expliqué Mme Nadjibulla.
Cela signifie que M. Trudeau fera pression pour préserver un commerce fondé sur des règles «qui est essentiel à notre prospérité» au cours des prochains jours, a-t-elle affirmé.