Québec présente un premier plan gouvernemental pour renforcer le droit à l’avortement

Katrine Desautels, La Presse Canadienne
Québec présente un premier plan gouvernemental pour renforcer le droit à l’avortement

MONTRÉAL — Pour améliorer l’accès aux services d’interruption de grossesse dans les régions où le temps d’attente est élevé et pour contrer le manque d’information fiable sur le sujet, Québec présente un premier plan gouvernemental sur l’accès à l’avortement.

Le gouvernement injectera 7,5 millions $ jusqu’en 2027 afin de concrétiser les 28 mesures de son plan. La ministre responsable de la Condition féminine du Québec, Martine Biron, en a fait l’annonce lundi matin, à Montréal.

Le plan prévoit notamment de développer de nouveaux points de service d’accès à l’avortement, dont un dans la ville de Québec. La population de cette région est en augmentation et il y aurait des lacunes à cet endroit, selon la ministre Biron. Elle n’a pas précisé quand exactement ce nouveau point de service sera opérationnel, mais elle a indiqué que le gouvernement prévoyait qu’il le soit d’ici 2027.

Dans certaines régions du Québec, l’accès à un service d’interruption de grossesse peut prendre jusqu’à cinq semaines. Pour améliorer ce délai, le gouvernement compte mettre sur pied un service de télésanté pour faciliter l’accès à la pilule abortive partout au Québec.

La pilule abortive est disponible au Québec depuis 2017 et elle est utilisée dans 17 % des avortements. En Ontario, elle est utilisée dans 32 % des avortements et ce taux grimpe à 72 % en France. «Ce qui veut dire qu’elle est sous-utilisée au Québec, a commenté Mme Biron. Peut-être qu’on pourrait l’utiliser davantage et justement libérer certaines salles opératoires en région. L’idée est de faciliter l’accès à ces soins, tout en respectant le droit de choisir des femmes.»

Mme Biron a également affirmé que la désinformation menace le libre choix. Le plan gouvernemental soulève que des groupes anti-choix sont actifs sur le territoire québécois et qu’ils se présentent parfois comme des «centres d’aide à la grossesse» en accueillant des filles et des femmes enceintes. «Leurs tactiques sont variées, allant de la présentation biaisée des différentes options en cas de grossesse jusqu’à la diffusion d’informations erronées concernant l’avortement», peut-on lire dans le document.

Puisque ces groupes s’affichent rarement de manière transparente contre l’avortement, des mesures visent à mieux outiller les femmes qui cherchent à s’informer.

Mme Biron a indiqué que des activités de communication et de formation seront menées par l’entremise du service 8-1-1, des CLSC et du site web quebec.ca/avortement pour que les personnes aient accès à des renseignements neutres et véridiques.

Québec renforcera aussi le financement des organismes pro-choix partenaires du gouvernement (SOS Grossesse Québec, SOS Grossesse Estrie, Grossesse-secours et Fédération du Québec pour le planning des naissances).

La gratuité de la contraception laissée en plan

Au Québec, la moitié des avortements sont liés à une méthode de contraception qui n’a pas fonctionné. Le condom présente un taux d’échec à l’utilisation de 18 %, contre 9 % pour la pilule contraceptive et 0,2 % pour le stérilet hormonal. Or, le plan d’action actuel du gouvernement du Québec n’envisage pas la gratuité des contraceptifs. Mme Biron a fait savoir qu’il y a des discussions avec le gouvernement fédéral sur cet enjeu.

Reconnaissant que ces négociations peuvent être longues, Mme Biron a dit qu’elle était devant «un dilemme»: celui d’aller de l’avant avec un plan sur l’interruption de grossesse ou d’attendre que débouchent les discussions sur la contraception avec le fédéral. Elle a mentionné que le plan était un premier pas et que les travaux sur la contraception allaient se poursuivre.

La coporte-parole de Québec solidaire, Ruba Ghazal, souhaite que le gouvernement aille plus loin pour le droit des femmes. En référence au recul du droit à l’avortement aux États-Unis, elle a déclaré que le Québec doit «continuer d’être un rempart» contre la menace aux droits des femmes.

«Dans son plan, la ministre dit qu’elle veut garantir l’accès à la contraception. La meilleure manière c’est la gratuité! L’avortement et la pilule abortive sont gratuits au Québec depuis 2008, pourquoi pas la contraception?», se demande Mme Ghazal. Elle souligne qu’une pétition qu’elle parraine pour la gratuité à la contraception a récolté 85 000 signatures.

Un droit fragile, même au Canada

L’annonce de lundi rappelle la fragilité des droits des femmes. Il y a deux ans aux États-Unis, la Cour suprême renversait le jugement Roe c. Wade permettant ainsi aux États du pays de bannir ou de restreindre l’accès à l’avortement.

Mme Biron a reconnu cette menace et a déclaré que cette «onde de choc» aux États-Unis a créé beaucoup d’incertitude. Dans le plan d’action du gouvernement, on peut lire que «la vigilance est de mise devant le constat que le mouvement anti-choix apparaît de plus en plus visible dans la sphère publique et cible le Québec».

«Malgré la jurisprudence sur laquelle repose le droit à l’avortement, le Canada n’est pas à l’abri de tout recul. Depuis l’arrêt Morgentaler, une cinquantaine de motions et projets de loi ont été déposés à la Chambre des communes ou au Sénat pour tenter de limiter le droit à l’avortement, le dernier étant en date de janvier 2023.»

Mme Biron a lancé le message que le gouvernement du Québec protège le droit des femmes de choisir de poursuivre ou d’interrompre une grossesse. «C’est un sujet sensible et tabou l’avortement, mais il faut savoir qu’une femme sur trois aura recours à l’avortement au Canada, une fois dans sa vie», a-t-elle indiqué.

Le ministre de la Santé, Christian Dubé, s’est aussi voulu rassurant sur le droit de choisir des femmes. Il a écrit dans son mot d’introduction du plan gouvernemental qu’«en matière de droit à l’avortement, notre réseau de la santé et des services sociaux est uni derrière les femmes québécoises pour qu’elles demeurent libres de leur choix».

La Fédération du Québec pour le planning des naissances (FQPN) s’est réjouie de l’annonce. «Nous avons hâte de participer et de veiller à la mise en œuvre du plan d’action», a déclaré dans un communiqué Jess Legault, coordonnatrice générale et responsable du dossier avortement à la FQPN.

L’accès libre et gratuit à l’avortement et à la contraception pour toutes les femmes, les hommes trans et les personnes non binaires de la province est un enjeu prioritaire de la FQPN. En plus d’améliorer l’accès aux services, elle souhaite une diminution du nombre de déplacements nécessaires pour chaque avortement.

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