Des dizaines de milliers de manifestants se sont rassemblés mardi à Wellington, la capitale de la Nouvelle-Zélande, pour s’opposer à une loi qui remodèlerait le traité fondateur du comté entre les Maoris autochtones et la Couronne britannique.
Pour plusieurs, la manifestation représentait aussi une célébration d’une langue et d’une identité autochtones que la colonisation avait autrefois presque détruites.
«Nous nous battons simplement pour les droits pour lesquels nos tūpuna, nos ancêtres, se sont battus», a déclaré Shanell Bob, en attendant le début de la marche. «Nous nous battons pour nos tamariki, pour nos mokopuna, afin qu’ils puissent avoir ce que nous n’avons pas pu avoir», a-t-elle ajouté, utilisant les mots maoris pour les enfants et les petits-enfants.
Ce qui était probablement la plus grande manifestation de soutien aux droits des Maoris jamais organisée dans le pays, un sujet qui a préoccupé la Nouvelle-Zélande moderne pendant une grande partie de sa jeune histoire, s’inscrivait dans une longue tradition de marches pacifiques à travers le pays qui ont marqué des tournants dans l’histoire de la Nouvelle-Zélande.
Pour beaucoup, la participation reflétait une solidarité croissante des non-Maoris envers les droits des Autochtones. Aux arrêts d’autobus pendant le trajet habituel du matin, des personnes de tous âges et de toutes les communautés attendaient avec des drapeaux de souveraineté maorie. Certaines écoles locales ont déclaré qu’elles n’enregistreraient pas les élèves comme absents. Le maire de la ville s’est joint à la manifestation.
Le projet de loi auquel les manifestants s’opposaient est impopulaire et a peu de chances de devenir une loi. Mais l’opposition à ce projet a explosé, ce qui, selon les manifestants, indique que les Néo-Zélandais connaissent de mieux en mieux les promesses faites aux Maoris par le Traité de Waitangi, et que ceux qui sont irrités par les tentatives des tribunaux et des législateurs de les respecter se rebiffent, peu nombreux mais bruyants.
Le fait que les Maoris défilent pour défendre leurs droits tels qu’ils sont énoncés dans le traité n’est pas nouveau. La foule était toutefois plus nombreuse que lors des marches précédentes et l’ambiance a changé, ont indiqué des personnes autochtones.
Alors que les manifestants parcouraient les rues de Wellington au son des hakas (chants rythmés) maoris et des waiata (chants), des milliers d’autres brandissaient des pancartes le long du trottoir en signe de soutien.
Certaines pancartes affichaient des blagues ou des insultes à l’encontre des législateurs responsables du projet de loi, qui modifierait le sens des principes du Traité de Waitangi de 1840 et qui les empêcherait de s’appliquer uniquement aux Maoris, dont les chefs ont signé le document lors de la colonisation de la Nouvelle-Zélande.
D’autres affiches portaient la mention «fier d’être Maori» ou reconnaissaient l’héritage du manifestant qui la tenait en tant que personne non maorie soutenant la marche. Certains dénonçaient l’expropriation généralisée des terres maories pendant la colonisation, l’un des principaux griefs découlant du traité.
«Le traité est un document qui nous permet d’être ici en Aotearoa, donc le défendre et le respecter est vraiment important», a déclaré Ben Ogilvie, qui est d’origine Pākehā ou européenne néo-zélandaise, utilisant le nom maori du pays. «Je déteste ce que ce gouvernement fait pour le détruire.»
Selon la police, 42 000 personnes ont tenté de s’entasser dans l’enceinte du Parlement, certains manifestants se répandant dans les rues avoisinantes.
Une mer de drapeaux de souveraineté maoris rouge, noir et blanc s’étendait sur la pelouse et dans les rues. Des manifestants portaient également des drapeaux samoans, tongiens, autochtones australiens, américains, palestiniens et israéliens.
Un projet de loi controversé
Au Parlement, les discours des dirigeants politiques ont attiré l’attention sur la raison de la manifestation : un projet de loi qui modifierait le sens des mots du traité fondateur du pays, les cimenterait dans la loi et les étendrait à tout le monde.
Son auteur, le législateur libertarien David Seymour – qui est maori – affirme que le processus de réparation des décennies de violations par la Couronne de son traité avec les Maoris a créé un traitement spécial pour les peuples autochtones, auquel il s’oppose.
Les détracteurs du projet de loi affirment qu’il entraînerait un bouleversement constitutionnel, diluerait les droits des Autochtones et a provoqué une rhétorique conflictuelle à propos des Maoris – qui sont toujours désavantagés sur presque tous les paramètres sociaux et économiques, malgré les tentatives des tribunaux et des législateurs au cours des dernières décennies pour corriger les inégalités causées en grande partie par les violations du traité.
Il n’est pas prévu que ce projet de loi devienne loi, mais M. Seymour a conclu un accord politique qui lui a permis de passer un premier vote jeudi dernier. Dans une déclaration mardi, il a affirmé que le public pouvait désormais faire des observations sur le projet de loi – qui, espère-t-il, verra sa popularité s’inverser et connaître une vague de soutien.
M. Seymour s’est brièvement rendu sur le parvis du Parlement pour observer la manifestation, bien qu’il ne fasse pas partie des législateurs invités à prendre la parole. Certains dans la foule l’ont hué.