OTTAWA — L’augmentation significative du nombre de réfugiés et de demandeurs d’asile au Canada a incité certaines municipalités, dont Ottawa, à commencer à construire des logements temporaires pour les nouveaux arrivants.
La Ville d’Ottawa travaille à la mise en place de ce que l’on appelle une structure Sprung, c’est-à-dire un bâtiment modulaire à membrane textile tendue, qui sert à la fois d’abri temporaire et de centre pour fournir des services d’installation, tels que des cours de langue et une aide à l’emploi.
Ces centres sont destinés à héberger les réfugiés uniquement pendant leurs premières semaines dans la ville, avant qu’ils ne déménagent dans des logements plus adaptés à Ottawa. La municipalité a identifié deux emplacements potentiels pour ces centres, tous deux dans l’ouest de la ville.
Les lieux prévus pour ces structures ont été un point de tension dans les quartiers concernés. La Ville avait une liste de sites possibles, mais n’avait choisi aucune option jusqu’à ce que deux sites soient sélectionnés début novembre. Des rassemblements ont eu lieu aux deux endroits le week-end dernier, tant pour que contre l’idée d’installer les structures dans ces secteurs.
De nombreux résidents se sont plaints de ne pas avoir été suffisamment consultés sur l’emplacement.
L’un des lieux prévus est une parcelle de terrain appartenant au gouvernement fédéral près du centre de loisirs Sportsplex de Nepean, qui dessert environ 1,5 million de personnes chaque année, selon les données de la Ville. L’autre se trouve près d’un parc de transport en commun dans la banlieue ouest de Kanata.
Le conseiller municipal Sean Devine, dont le quartier comprend le site du Sportsplex, a indiqué que les résidents ont beaucoup à dire sur l’enjeu.
«Cela vient en grande partie du fait qu’il aurait été préférable que la Ville d’Ottawa communique l’information plus tôt, peut-être avant les recommandations», a-t-il déclaré dans une entrevue.
Une hausse importante du nombre de réfugiés dans la capitale
Ottawa a connu une augmentation du nombre de réfugiés arrivant dans la capitale au cours des deux dernières années, selon M. Devine. Cela correspond aux tendances nationales en matière de taux de réfugiés et de demandeurs d’asile.
Le Canada avait près de 250 000 demandes d’asile en attente en date du 30 septembre 2024 et avait approuvé plus de 33 000 demandes entre janvier et fin septembre. En 2023, le pays a accepté 37 000 demandes d’asile et 28 000 en 2022.
La municipalité d’Ottawa utilisait deux gymnases de centres communautaires remplis de lits superposés pour aider à loger temporairement certains demandeurs, avant qu’ils ne passent à d’autres types de logement, a mentionné le conseiller municipal.
L’organisme de services sociaux The Ottawa Mission avait commencé à remarquer une augmentation significative du nombre de réfugiés occupant ses lits d’hébergement à l’été 2023, a-t-il expliqué dans un communiqué publié en septembre. En octobre de cette année-là, 61% des lits étaient utilisés par des réfugiés, ce qui représentait un record historique.
Les nouvelles structures seront financées par le Programme fédéral d’aide au logement provisoire, grâce auquel les municipalités et les provinces peuvent facturer à Ottawa les coûts engagés pour héberger temporairement les demandeurs d’asile.
Un peu plus d’un milliard de dollars a été distribué depuis 2017, principalement en Ontario et au Québec, la Ville d’Ottawa ayant reçu 105 millions $ jusqu’à présent.
La ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, Jenna Sudds, qui représente la circonscription de Kanata-Nepean à Ottawa, a fait savoir qu’elle était déçue de la façon dont les plans ont été communiqués aux résidents.
Après que la Ville a annoncé les deux nouveaux emplacements choisis, Mme Sudds a souligné qu’elle avait discuté avec les électeurs et les responsables municipaux, car l’un des emplacements proposés se trouvait dans sa circonscription.
«Franchement, ce que j’entends, c’est beaucoup de frustration de voir qu’ils apprennent tout juste l’existence de cette situation sans avoir la possibilité d’être consultés ou de donner leur avis. Et j’entends aussi beaucoup de craintes et je pense que cela vient d’un manque d’information», a affirmé Mme Sudds.
Alors que l’ouverture de ces centres d’accueil est prévue dans environ un an, la ministre Sudds remet également en question l’utilisation d’une structure Sprung, préférant plutôt voir une installation qui puisse offrir un départ plus «digne» à Ottawa.
«Nous sommes une ville d’un million d’habitants. Nous avons toujours accueilli les nouveaux arrivants dans notre ville en utilisant différentes méthodes et de différentes manières, et je pense que nous devons lancer le défi à notre ville, aux personnes qui vivent dans cette ville, sur la façon dont nous accueillons et préparons ces personnes pour qu’elles réussissent, car je suis sûr que nous recevrons des suggestions fabuleuses», a-t-elle soutenu.
Cette réponse de Mme Sudds a surpris le conseiller municipal Sean Devine, qui a mentionné que la Ville travaille «main dans la main» avec le gouvernement fédéral sur ces plans.
«La Ville d’Ottawa travaille résolument à mettre en œuvre des solutions efficaces à une crise urgente dans les meilleurs délais, et la meilleure chose que nos partenaires fédéraux puissent faire est de nous fournir les ressources et le soutien dont nous avons besoin», a-t-il déclaré.
Louisa Taylor, directrice générale de l’organisme de services d’établissement «613 Refugee», a travaillé avec la Ville pour coordonner les ressources pour les services d’établissement dans les futurs centres. Elle s’est dit «prudemment enthousiaste» à propos de ces plans.
«Ce qui est enthousiasmant, c’est qu’ils essaient de créer un parcours formel pour les demandeurs d’asile vers un logement et un accès aux services dès leur arrivée dans notre ville. Très peu d’autres villes canadiennes, voire aucune, n’ont cela», a-t-elle fait valoir.
Le nombre élevé de réfugiés dans un refuge pour sans-abri d’Ottawa est ce qui a incité Mme Taylor et son association à organiser un récent rassemblement en faveur de la structure Sprung.
«Depuis plusieurs années maintenant, des centaines de demandeurs d’asile vivent, dorment sur des lits superposés et des lits de camp dans des centres communautaires et des arénas dans différentes parties de la ville. Personne n’a manifesté contre cela. Ce contre quoi ils protestent, c’est l’idée d’avoir un établissement dans leur communauté qu’ils ne connaissent pas suffisamment», a-t-elle avancé.
Une problématique similaire à Toronto
La région de Peel, dans le Grand Toronto, a ouvert un établissement similaire plus tôt ce mois-ci pour répondre aux mêmes problèmes.
La conseillère de Mississauga, Natalie Hart, dont le quartier accueille le centre d’accueil près de l’aéroport Pearson, a mentionné que la région devait ouvrir un établissement dédié aux réfugiés et aux demandeurs d’asile pour alléger la pression sur les autres services sociaux.
La région de Peel et la ville de Toronto ont connu une «forte augmentation» du nombre de réfugiés arrivant dans le Grand Toronto depuis le printemps 2023, selon Mme Hart.
«C’est pratiquement sans précédent, dépassant de loin la norme que nous avons normalement à Peel. Ils viennent de pays africains et ont fui leur foyer par peur de la persécution et de la mort et ces demandeurs d’asile arrivent avec des ressources très minimes», a-t-elle indiqué.
Le centre de Mississauga est situé dans un ancien parc de bureaux de quatre étages, sur lequel la région de Peel a signé un bail de 10 ans, plus tôt cette année, pour servir de centre d’accueil des réfugiés.
Le premier étage est actuellement le seul à être ouvert et compte désormais 88 lits, d’après Mme Hart. La construction est presque terminée sur le reste du bâtiment, qui devrait être entièrement ouvert au début de l’année prochaine.
L’emplacement dans une zone industrielle légère a été choisi en raison de sa proximité avec les transports en commun et d’autres services, comme les agences d’emploi, a-t-elle souligné.
Le document de planification de la Ville d’Ottawa fait référence à des structures Sprung similaires utilisées en Californie et en Oregon. Elles ne sont pas non plus entièrement nouvelles à Ottawa, car l’hôpital d’Ottawa utilise actuellement une structure Sprung pour faire face au débordement de son centre d’intervention d’urgence.
«Si, dans quelques années, il n’y a plus de besoin d’elles, elles pourraient être réaffectées pour répondre à un autre besoin. Elles pourraient être relocalisées pour répondre à un autre type de besoin récréatif ailleurs», a fait valoir le conseiller municipal Sean Devine.
«Mais, sachant que nous ne pouvons pas prédire l’avenir, nous ferions mieux de bien nous préparer pour le présent. Je pense que trouver une sorte de solution gérable et efficace dans certains endroits est une responsabilité à laquelle tous les niveaux de gouvernement doivent s’attaquer», a-t-il soutenu.