Malgré l’arrivée d’une force de police kényane en Haïti, la situation ne semble pas s’améliorer dans ce petit pays des Antilles.
Le principal aéroport du pays a été fermé après que des bandes criminelles eurent ouvert le feu contre des vols commerciaux à la mi-novembre. Des tireurs ont aussi attaqué des quartiers autrefois paisibles afin de s’emparer du contrôle de toute la capitale Port-au-Prince. Ils ont notamment profité des querelles politiques qui ont mené au congédiement soudain du premier ministre, plus tôt ce mois-ci.
Le nouveau premier ministre intérimaire Alix Didier Fils-Aimé est confronté à une redoutable mission: comment résoudra cette crise en apparence insoluble ?
Pour plusieurs observateurs, cette crise est la pire que le pays a traversée depuis sa fondation. Pourtant, Haïti a connu sa large part de coups d’État sanglants et de dictatures brutales.
«J’ai une vision très sombre de l’avenir, dit Robert Fatton, un expert de la politique haïtienne à l’Université de Virginie. La situation est en train de s’effondrer.»
Le gouvernement est anémique, la mission de l’ONU devant soutenir la police haïtienne manque de financement et de personnel. Résultat: les gangs contrôlent 85 % de la capitale.
Et puis, mercredi, une autre mauvaise nouvelle: Médecins sans frontière a annoncé qu’elle cessait ses activités en Haïti, accusant la police de cibler son personnel et les patients. C’est la première fois que ce groupe humanitaire doit interrompre le travail depuis son arrivée dans le pays, il y a trente ans.
L’ambassadeur du Canada en Haïti, André François Giroux, a déclaré samedi à l’Associated Press que son pays et d’autres États souhaitaient renforcer la mission menée par le Kenya. «Elle a réalisé des miracles si on considère tous les défis auxquelles elle a fait face, a-t-il lancé. On doit garder en tête qu’elle est encore à un stade de déploiement. La force ne compte pas encore 400 membres sur le terrain à l’heure actuelle.»
Un porte-parole du nouveau premier ministre n’a pas répondu à une demande d’entrevue.
Dans une déclaration publiée jeudi, le cabinet de M. Fils-Aimé a indiqué que les autorités avaient amélioré la sécurité dans les rues principales de la capitale. Un comité spécial sur la sécurité a été formé.
«Le premier ministre renouvelle son engagement à trouver des solutions durables aux problèmes actuels», peut-on lire dans le communiqué.
Ce communiqué a été publié quelques jours après l’attaque déclenchée avant l’aube par des gangs contre un quartier de la haute société de Port-au-Principale. Les habitants ont résisté en combattant aux côtés des forces policières avec des manchettes et des fusils.
Au moins 28 assaillants ont été tués, mais pas avant que certains aient pu parvenir à un hôtel de luxe longtemps considéré comme sûr.
«Cela indique qu’il n’y a plus d’autorités fonctionnelles à Haïti», soutient M. Fatton.
Plusieurs pays souhaitent l’envoi d’une force de maintien de la paix. La mission actuelle menée par le Kenya ne compte que 400 agents, loin des 2500 personnels nécessaires à assurer la sécurité dans le pays.
«Ce n’est pas une nouvelle vague d’insécurité. C’est une dramatique escalade qui ne montre aucun signe de s’atténuer», a déclaré Miroslav Jenča, sous-secrétaire général de l’ONU pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques.
La Russie et la Chine s’opposent à l’envoi d’une force de maintien de la paix. Quels sont les autres recours ?
M. Giroux dit que le Canada appuiera des opérations de maintien de la paix «lorsque le temps sera venu».
«Tout le monde regarde une opération de maintien de la paix comme une solution miracle.»
Observer qu’un déploiement nécessiterait de six à douze mois, M. Giroux lance un appel au réalisme.
L’ambassadeur canadien espère que 600 autres policiers kényans arriveront en Haïti au cours des prochaines semaines. «Mais tout ça n’a pas d’importance si l’élite politique n’agit pas ensemble», avance-t-il.
Le conseil présidentiel de transition haïtien a été terni par les allégations de corruption et de conflits internes contre ses neuf membres. Ceux-ci ont été critiqués pour avoir limogé le précédent premier ministre.
«Je n’ai aucune solution à court terme à offrir à Haïti ni à long terme non plus, concède M. Fatton. Les bandes savent qu’elles n’ont rien à craindre des forces kényanes.»
Selon lui, le gouvernement devra peut-être se résoudre à négocier avec les bandits.
«En ce moment, cette solution est considérée comme inacceptable, convient-il. Mais si la situation continue de se détériorer, quoi d’autre restera-t-il à faite ?»