C’est en 1994 que l’écrivain Victor-Lévy Beaulieu a relevé le défi de créer les Éditions Trois-Pistoles, loin géographiquement des grands centres. Depuis 1995, cette maison d’édition a publié plus de 300 ouvrages et créé diverses collections dont les Œuvres complètes de VLB, les Œuvres complètes de Renaud Longchamps, les Contes, légendes et récits du Québec et d’ailleurs, Écrire, Inédits et La Saberdache. Un nouveau titre vient aujourd’hui s’ajouter aux Contes, légendes et récits d’Eugène Achard, un livre qui interpelle les Haut-Richelois.
En effet, Eugène Achard, né en Auvergne (France) en 1884, «entre chez les Maristes à l’âge de 14 ans, prononce ses vœux en 1889 puis, en 1902, obtient son brevet de frère enseignant». Mais, la France, au début des années 1900, laïcise ses écoles et oblige les communautés religieuses à fermer leurs institutions. Dans le Québec d’alors les «Frères maristes convenaient parfaitement à un pouvoir religieux ultramontain qui avait l’exclusivité de l’enseignement au Québec.» La communauté s’est alors vue confier, dès 1884, «la direction des écoles d’Iberville et de Sorel.»
C’est ainsi qu’Eugène Achard arrive chez nous en 1903, enseigne à Iberville, puis prend la direction de l’école. Entre temps, il retourne en Europe afin de «parfaire ses études religieuses et obtenir un baccalauréat en lettres de l’Université de Lille. De retour au pays, il est atteint par la grippe espagnole dont il gardera une séquelle qui, de façon imprévue, réorientera son avenir: sa maladie l’ayant rendu sourd.»
Obligé de quitter l’enseignement, Achard «se sépare de sa communauté…, se marie et se lance à fond de train dans l’écriture.» Victor-Lévy Beaulieu, qui signe ce recueil de textes, ne fait pas de surenchère quand il écrit qu’Achard se lance à fond de train car, laïcisé, il publie dès sa première année pas moins de cinq ouvrages. Sa production ne cessera jamais, on dit même qu’il a fait paraître plus de 80 ouvrages.
Comment alors des essais aussi sérieux que l’Histoire de la littérature québécoise de Biron, Dumont et Nardout-Lafarge ont-ils complètement ignoré l’œuvre d’Eugène Achard? Cela s’explique peut-être parce qu’avant la fin des années 1960, sauf environ une douzaine d’auteurs, certains écrivains étaient surtout connus des écoliers puisque leurs livres, recevant la bénédiction de l’Église, circulaient presque exclusivement en milieu scolaire. D’ailleurs, «Achard est l’un des écrivains les mieux cotés auprès de l’Instruction publique».
C’est le souvenir des récits de cette époque qui a donné l’idée à VLB de publier ce recueil qui compte 26 textes tirés de l’œuvre de l’ancien mariste devenu un auteur prolifique, un éditeur et un libraire passionné. Le Pistolois s’est rappelé les livres que ses succès scolaires lui ont permis de rapporter chez lui. «En cinquième année, je mis la main sur Les contes du Richelieu qu’Achard publia en 1951. Je me souviens avoir appris par cœur l’un d’eux, intitulé «Zozor», parce qu’il convenait bien à l’enfant que j’étais…»
Si ce récit est le dernier parmi les Contes, légendes et récits d’Eugène Achard qui figurent dans ce livre, il faut se faire plaisir et découvrir les 25 textes qui le précèdent, car ceux-ci nous permettent non seulement de connaître les sujets qui intéressaient les jeunes lecteurs d’une autre époque, mais aussi quelle était l’origine de nombreuses légendes populaires, elles-mêmes à la source de croyances, vraies ou fausses, ancrées dans les us et coutumes de nos aînés.