Le gouvernement fédéral a annoncé lundi la mise en place de nouvelles mesures concernant l’embauche de travailleurs étrangers temporaires (TET). Selon l’entreprise johannaise Tremcar et la Chambre de commerce et de l’industrie du Haut-Richelieu (CCIHR), ces règles sont menaçantes pour l’économie locale et elles engendreront des impacts majeurs.
Dès le 8 novembre, le salaire horaire médian augmentera de 20% au pays, soit de 5,49$. Pour qualifier un salarié comme étant bien rémunéré, les employeurs seront donc tenus d’augmenter le salaire médian de leurs travailleurs pour passer de 27,47$ à 32,96$ de l’heure.
Face à cette situation, le manufacturier Tremcar s’inquiète de perdre 27 de ses ouvriers spécialisés et soudeurs, actuellement payés entre 22$ et 31,04$ de l’heure. « On ne peut tout simplement pas se permettre une telle hausse. Le salaire actuel de ces employés est largement plus élevé, considérant les bénéfices marginaux auxquels nous versons des sommes d’argent importantes, comme notre contribution à leur fonds de pension, les heures supplémentaires et les assurances », souligne Maude Poudrier, directrice des ressources humaines de l’entreprise.
Limite
Dans certains secteurs, la limite actuelle de 20% du nombre de TET dans des postes à bas salaire sera réduite à 10% des travailleurs. La durée maximale d’emploi de ces postes sera aussi réduite de 2 ans à 1 an. « L’accueil d’un travailleur étranger en entreprise demande davantage de temps et de ressources pour son intégration, la mise à jour de ses compétences, sa formation à la tâche et son apprentissage de la langue. L’industrie se retrouvera à investir du temps et de l’argent pour un travailleur étranger qui devra quitter avant qu’elle puisse pleinement en bénéficier », soutient Michel Milot, président-directeur général de la CCIHR.
Selon Tremcar, chaque embauche de ce type de travailleur représente un investissement d’environ 75 000$ pour l’entreprise. Ce sont présentement 41 de ses 392 employés, soit plus de 10% de sa main-d’œuvre, qui sont des travailleurs étrangers.
Ce ne sont pas les seules mesures auxquelles font face les entreprises ayant besoin de TET. En septembre, le gouvernement avait déjà ajouté des mesures affectant radicalement les modalités d’embauche dans certaines régions du Québec, dont le Haut-Richelieu. « Nous sommes entre autres bloqués en ce qui a trait aux démarches pour que les TET obtien- nent ou renouvellent un visa », indique Mme Poudrier.
Pénurie
Ces mesures du gouvernement fédéral visent à prioriser l’embauche de travailleurs canadiens. Or, la réalité du marché montre que les postes concernés ne peuvent être pourvus par les travailleurs locaux en raison d’une pénurie de main-d’œuvre.
« Les nouvelles mesures ne favoriseront pas l’embauche de travailleurs canadiens, déjà freinée par la pénurie de logements et le manque d’accessibilité du territoire par les transports en commun. Elles créeront cependant une pression énorme sur les entreprises d’ici qui comptent sur ces travailleurs étrangers pour maintenir leurs opérations », ajoute M. Milot.
Tremcar fait notamment face à une pénurie de main-d’œuvre spécialisée depuis 2015. L’équipe dit faire de nombreux efforts pour y remédier, dont la création d’une école en usine et ses investissements en automatisation.
« Cela ne suffit pas. Au Québec, on observe un déclin progressif de compétences manuelles comme la dextérité, l’utilisation d’outils et la capacité à mesurer, à calculer et à bien comprendre des plans. Même avec le recrutement à l’international, il nous manque toujours de travailleurs », souligne Maude Poudrier.
Impacts
Les deux organisations sont d’avis que ces mesures auront des impacts considérables sur l’économie locale. « Pour nous, c’est un frein majeur pour notre capacité de production et cela affaiblira notre compétitivité contre de grands joueurs en Amérique du Nord. Si cela reste ainsi, nous devrons probablement envisager d’investir davantage dans nos installations américaines pour rester compétitifs. Nos principaux concurrents détiennent des usines aux États-Unis et au Mexique, où la main-d’œuvre est plus abordable », mentionne Mme Poudrier.
« On souhaite que les mesures soient revues afin de voir s’il est possible de faire des exceptions pour certains métiers », poursuit cette dernière.