La Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu a récemment reçu une demande de démolition pour l’ancienne église Saint-Gérard-Majella. Le bâtiment est situé sur le site du Faubourg Majella, un projet domiciliaire qui dénombre déjà 76 logements répartis en trois bâtiments. Après de nombreuses années de tentative de sauvegarde, les promoteurs souhaitent désormais la démolir, afin de construire un ultime bâtiment de 32 logements.
« Présentement, nous n’avons plus aucune avenue pour sauvegarder l’église. J’ai donc déposé une demande de permis de démolition », témoigne Réjean Roy, directeur de Constructions Réjean Roy et fils, en entrevue avec Le Canada Français. Désacralisée en avril 2015, l’église était tombée entre les mains des promoteurs l’année suivante pour une somme de 800 000$.
En piteux état, la bâtisse est dès lors restée désaffectée face à un jeu de chaises musicales entre les promoteurs, la Ville et les citoyens qui s’opposaient à sa disparition. Réjean Roy estime ainsi avoir perdu quelque 3 M$ dans l’ultime phase du Faubourg Majella, sans issue à ce jour.
Si la démolition est approuvée par la Ville, l’église serait remplacée par un bâtiment totalisant 32 logements (12 unités 3 ½ et 20 unités 4 ½) pour un investissement estimé à 7 M$. La bâtisse imaginée par les promoteurs aurait la même identité architecturale que le reste du Faubourg Majella.
Patrimoine
Construite en 1962, l’église Saint-Gérard-Majella est située au 635, rue Dorchester. Elle représente un bijou de l’architecture moderne pour plusieurs associations du patrimoine et pour le Conseil du patrimoine religieux du Québec.
En 2016, Québec avait même étudié la possibilité de classer le bâtiment en vertu de la Loi sur le patrimoine, une démarche qui n’avait finalement jamais abouti avant sa vente. L’église figure toutefois parmi la liste des bâtiments patrimoniaux de la Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu. Notons enfin que l’église comprend encore aujourd’hui des « vitraux » (des murs-rideaux de panneaux en fibre de verre), signés par l’artiste Jean-Paul Mousseau.
Rappelons également qu’un référendum avait eu lieu au sujet de la conservation de l’église, en 2019. C’était la deuxième fois que la population s’exprimait en défaveur de la démolition de l’église : en 2016, les citoyens avaient en effet pu s’exprimer contre un changement de zonage qui prévoyait déjà la destruction du bâtiment.
Le référendum de 2019 avait alors donné lieu à un Projet particulier de construction, de modification ou d’occupation d’un immeuble (PPCMOI) qui imposait aux promoteurs de Constructions Réjean Roy et fils de sauvegarder l’église.
Conservation
Les promoteurs avaient alors soumis plusieurs projets qui incluaient la conservation de l’église. En premier lieu, ils proposaient d’aménager un espace communautaire et six logements dans la bâtisse, en conservant son enveloppe. « L’ingénieur nous a informés qu’on ne pouvait pas le faire, pour des raisons de mise aux normes », souligne M. Roy, indiquant que percer de nouvelles fenêtres dans l’église, nécessaires pour respecter la réglementation, n’était pas réalisable. Le nœud du problème de l’église réside également dans son isolation, presque inexistante.
Réjean Roy avait aussi répondu à l’appel à projets de la Ville concernant l’aménagement d’un boulodrome en 2020. Le projet avait finalement rejoint l’ancienne église Sacré-Cœur. Les promoteurs du Faubourg Majella avaient toutefois adapté leur stationnement souterrain à la potentielle réception du projet, avec un investissement estimé à près de 1 M$.
En 2022, un projet de bibliothèque avait ensuite été imaginé dans l’église. Des recherches avaient été réalisées par des ingénieurs, tout comme des esquisses dessinées par des architectes. Estimé à 8,2 M$ (auxquels un ou deux millions supplémentaires étaient nécessaires pour l’ameublement et les livres), le projet avait été décliné par la Ville, faute de fonds. Là encore, M. Roy explique avoir adapté son ascenseur connectant l’église à la phase 3 du Faubourg Majella, pour faire arriver les personnes à mobilité réduite directement aux mezzanines prévues dans la bibliothèque.
« Je ne suis pas amer envers la Ville, je comprends, c’est une question de finances, estime Réjean Roy. Mais c’est la même chose pour moi », appuie-t-il, soulignant que la rentabilité du projet doit être considérée au même titre que la faisabilité. M. Roy affirme également faire face à un grand silence sur la conservation de l’église, depuis le référendum de 2019.
Consultation publique
Lyne Poitras, conseillère municipale dans le secteur où est située l’ancienne église, affirme être au fait de l’intention de démolir du promoteur. « La Ville a décidé d’être proactive et de préparer une séance d’information et de participation publique », assure l’élue. Des invitations seront envoyées par voie postale aux citoyens concernés, une fois la zone visée établie par la municipalité.
Elle explique qu’après sept ans, le profil du quartier aurait changé et s’interroge sur une mise à jour des opinions divergentes déjà exprimées à deux reprises par le secteur. « Aucune décision ne sera prise sans avoir consulté les citoyens », martèle Mme Poitras.
Du côté de la famille Roy, un nouveau référendum n’est pas souhaité en vue de l’allongement des délais. « Il faut qu’on puisse avancer dans les mois qui viennent, je n’attendrai pas encore cinq ans », commente Réjean Roy. Le promoteur tient à souligner qu’il ne blâme pas la municipalité, mais les carcans légaux qui entourent son projet, au ralenti depuis 2016.
La demande de démolition devra passer entre les mains du Comité sur les demandes de démolitions, puisque l’église est listée aux bâtiments patrimoniaux de la Ville. Si la demande est approuvée, M. Roy affirme déjà avoir ses futurs locataires : environ 40 personnes sont sur la liste d’attente pour le Faubourg Majella.
