De machiniste à ingénieur itinérant, les talents de Walter Percy Chrysler pour l’entretien et la réparation des trains étaient connus dans tout le Mid-West américain. Mais sa fascination pour l’automobile et son rare talent à redresser les finances de grandes compagnies l’amèneront à Détroit, où il sera d’abord contrôleur chez GM, puis vice- président de la division Buick. Après avoir quitté GM en 1919 avec un salaire annuel d’un million de dollars, Chrysler songe un moment à une première retraite. Mais à 45 ans, il sauve la compagnie Willys-Overland de la faillite. Il était donc temps pour lui de fonder la compagnie qui, aujourd’hui, porte encore son nom.
Né en 1875, Walter Percy Chrysler fait parti de cette petite légion d’hommes qui ont participé à la naissance et au développement de l’automobile. Originaire de Wamego, au Kansas, Walter Chrysler est le fils d’un ingénieur à l’emploi du «Union Pacific Railraod». Comme le soulignera un de ses amis d’enfance, Chrysler était un homme à tout faire, et il excellait dans tout ce qu’il faisait. Avec son diplôme du secondaire en poche, Chrysler trouve son premier emploi comme balayeur dans une usine de réparation de locomotive de l’Union Pacific en 1892. Il avait alors 17 ans et gagnait… 5 cents de l’heure! Au cours de la même année, il commence son apprentissage comme machiniste et devient journalier en 1895. À 18 ans, il construit un train à vapeur miniature qui se déplace sur un rail de 1/8 de milles qu’il a construit. Il s’inscrit ensuite dans un cours d’ingénieur par correspondance. Peu de temps après, le jeune Chrysler se promène déjà un peu partout dans le Midwest américain pour exploiter son talent très recherché dans la mécanique des trains.
Savoir comment cela fonctionne
En tant qu’expert itinérant, Chrysler voyage beaucoup et souvent. En 1908, lors d’un de ces nombreux déplacements dans la ville des vents à Chicago, il s’accorde un après-midi de congé pour aller visiter le Salon de l’auto. Il a le coup de foudre pour une locomobile qu’il a bien l’intention d’acheter, mais à 5 000$, ce n’est pas une aubaine. Avec l’aide d’un co-signataire de la Banque Continental de Chicago, Chrysler achète la locomobile qu’il fait livrer (par train, bien sûr) à sa résidence dans l’Iowa. Notre machiniste démontera la voiture plusieurs fois avant de faire une première randonnée. Il veut comprendre comment chaque pièce est machinée, quel est le matériau employé, les méthodes de fabrication… etc. À la fin de cet exercice d’apprentissage, Chrysler comprend que l’avenir appartient à l’automobile, plus polyvalente que le train et avec des possibilités sans limites.
Des roues d’acier aux roues de caoutchouc
En 1910, Walter Chrysler quitte son emploi chez Union Pacific pour devenir directeur d’usine chez American Locomotive Company à Pittsburgh. Son nouveau patron, James J. Storrow est également le président de General Motors, jeune compagnie automobile. Connaissant la compétence de Chrysler et son amour de l’automobile, Storrow incite Chrysler à entrer en contact avec Charles Nash, alors président de la division de Buick (il deviendra plus tard président de GM) qui cherche un bon administrateur. Chrysler accepte l’invitation de Nash et se rend à Flint, au Michigan, afin de visiter les installations de Buick. Il en sort tellement emballé qu’il accepte un poste de contrôleur pour la moitié de son salaire annuel de 12 000$ que lui accorde l’American locomotive Company. Dès sa première année de services, en 1911, Chrysler augmente la marge de profit et l’efficacité et coupe dans les dépenses. Il est un homme de valeur, mais, à 6 000$ par année, il se sent vite exploité. À la fin de 1915, il entre dans le bureau de Charles Nash et exige 25 000$ pour un an; le double l’année suivante. Il obtient son augmentation sur le champ. Mais cela n’était là que le début…
De contrôleur à vice-président
Entretemps, le fondateur de GM, William Durant, qui avait perdu sa compagnie aux mains des banquiers en 1910, rachète son siège de président grâce aux actions de Chevrolet. Il reprend sa place en juin 1916 et reçoit presque aussitôt une lettre de démission de Chrysler qui connaissait le style de gestion ingérante de Durant et qui n’appréciait pas qu’on lui dise comment mener sa barque. Durant séjournait à New York, quand il a appris les intentions de Chrysler. Il a donc pris le premier train pour Flint, histoire de convaincre Chrysler de demeurer au sein de la famille. Durant offrit un contrat faramineux à Chrysler: 10 000 $ par mois, en plus de 500 000 $ comptant à la fin de l’année ou, au choix, 500 000$ en actions de GM sur une base renouvelable pendant trois ans. Difficile de dire non lorsque l’on sait que le salaire moyen aux États-Unis était à cette époque de 3 000 $ par année. Chrysler dirigera la destinée de Buick durant trois ans et sera nommé vice-président de GM en 1919. Il quittera GM cette même année au terme de son contrat, car, malgré la promesse formelle de non-ingérence de Durant trois ans plus tôt, ce dernier ne peut s’empêcher de mettre son nez partout. Chrysler et lui ne pouvaient plus se supporter. Chrysler gagnait un million par année lorsqu’il quitta General Motors en 1919.
Une première retraite
Pour une courte période de temps, Chrysler, 45 ans, se retrouve sans emploi et songe pendant un moment à la retraite. Mais quelques mois après son départ, il reçoit un appel du banquier qui lui avait avancé l’argent pour acheté sa locomobile en 1908. La compagnie Willys-Overland (l’ancêtre de Jeep) a besoin d’un sauveur. Chrysler accepte le poste de président de la compagnie moyennant 750 000$ par année plus bonis pour un total d’un million par année. Chrysler ressuscite la compagnie et acquiert rapidement la réputation d’un artiste des causes perdues. En 1923, Willis-Overland occupe le quatrième rang chez les manufacturiers américains derrière Ford (qui possède 55 % du marché), Chevrolet et Dodge. Buick est cinquième. Maintenant que la compagnie est revenue sur le chemin de la profitabilité, Chrysler rêve de bâtir des voitures qui porteront son nom. En juin 1923, Chrysler jette les bases de son premier véhicule à ses ingénieurs. Il veut un véhicule moderne capable de faire 100 km/h. Le 31 juillet de la même année, le prototype roulant est déjà prêt et on lui fait faire 25 000 kilomètres en cinq semaines. La Chrysler 70 fit son apparition sur le marché en 1924 avec moteur six cylindres de 201 chevaux et quatre freins hydrauliques pour 1335$. Le nom 70 venait de sa vitesse de pointe 70 milles à l’heure, rapide pour 1924. Chrysler Motor était née (Chrysler Canada verra le jour en 1925)
Une expansion impressionnante
En 1927, Chrysler construit 182 000 voitures, mais n’occupe que le septième rang des grands constructeurs. Il désire aller plus loin. En 1928, il achète la compagnie Dodge pour 170 millions de dollars. Les frères Horace et John Dodge étaient morts tous les deux en 1920 et la banque, qui avait racheté la compagnie aux veuves des défunts pour 146 millions, était fière de la revendre. L’expansion continue avec la création de la division Plymouth et De Soto. Chrysler vaut maintenant 500 millions! La crise économique de 1929 fait par contre des ravages partout. Les ventes de Chrysler sont en baisse de 40.5%. C’est la division Plymouth avec ses voitures bon marché qui gardera Chrysler en vie durant la dépression. En 1934, Chrysler introduit le design Airflow, trop moderne pour l’époque et qui malheureusement ne survivra que quelques années. À la fin des années 30, Chrysler produit un million de véhicules par année. Pendant ce temps, Walter Percy Chrysler laisse la présidence de la compagnie à K.T Keller. Deux ans plus tard, malade et affaibli, Chrysler quitte définitivement la compagnie qu’il a fondée. Il a 63 ans. Sa femme Della meurt à l’automne 1938 et Chrysler meurt deux ans plus tard, le 18 août 1940.