Du cuir végétal conçu à partir de résidus de pommes

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Par Stéphanie MacFarlane
Du cuir végétal conçu à partir de résidus de pommes
Fannie Laroche est copropriétaire de Flaura Cuir végétal, une entreprise qui fabrique du cuir à base de pommes. (Photo : Le Canada Français - Jessyca Viens-Gaboriau)

Fannie Laroche, une entrepreneure de Saint-Jean-sur-Richelieu, s’est associé avec le chimiste Gregory Hersant pour lancer Flaura, cuir végétal. Leur objectif? Devenir des leaders dans la production de cuir conçu à partir des résidus de pommes.

Styliste de formation et propriétaire de l’entreprise L’Habilleuse, Fannie Laroche a eu l’envie d’explorer de nouveaux textiles. Ses recherches sur le Web l’ont menée sur le site d’une entreprise du Danemark qui commercialise du cuir de pommes.

La Johannaise a commandé des échantillons et a été charmée par le produit. Les longs délais de livraison l’ont amenée à se pencher sur la possibilité de produire son propre cuir, ici, à partir des résidus de pommes produits par les nombreux vergers de la Montérégie.

La matière première de ce cuir, le marc de pommes, est issue des résidus générés par la fabrication du cidre et du jus. Au Québec, il y aurait présentement 37 000 tonnes de pommes issues de la transformation alimentaire qui ne sont pas valorisées, selon la Cité de l’innovation circulaire.

Des échantillons de cuir produit à partir de résidus de pommes. Un léger effluve de pommes s’échappe du textile.

Chimie
Pour fabriquer le cuir végétal, Fannie Laroche s’est mise à la recherche d’un chimiste. Gregory Hersant, spécialisé en valorisation des déchets, était la perle rare. C’est lui qui a développé la recette pour créer le textile.

Flaura, cuir végétal, est née de leur association en 2021. Les deux associés se sont incorporés et ont été acceptés dans la première cohorte de 2 Degrés, un incubateur spécialisé en technologies propres, situé à Québec. Les résidus de pommes d’un verger de Mont-Saint-Grégoire ont servi aux tests.

Flaura a récemment attaché son premier financement. Grâce au projet ICICLE, notamment financé par le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, l’entreprise pourra finaliser sa recherche et son développement ainsi que son prototype.

«On a l’opportunité de travailler avec un verger d’Hemmingford, qui a des surplus de marc de pommes, et un transformateur, qui le déshydrate et le réduit en poudre», explique Fannie Laroche.

Rester local
@R:Flaura, cuir végétal travaille avec le Groupe CTT, soit le Centre collégial de transfert de technologie du Cégep de Saint-Hyacinthe. Cet organisme à but non lucratif est spécialisé en recherche appliquée, en développement et en analyses dans le domaine des textiles.

«Ils peaufinent la formule et font les tests de caractérisation», expose Fannie Laroche. L’entreprise travaillera avec le Groupe CTT jusqu’à la précommercialisation de son produit. Elle souhaite ensuite sous-traiter la production. Elle aimerait aussi développer un réseau d’approvisionnement auprès des vergers de Mont-Saint-Grégoire. «Le but est de rester local», précise l’entrepreneure.

Nuance
Flaura ne produira pas du cuir végane, mais bien du cuir végétal. Une nuance qui est fort importante. «Notre cuir n’aura aucun produit pétrochimique ni aucun plastique à usage unique. Il sera 100% biosourcé et biodégradable [après plusieurs décennies et dans un environnement contrôlé]. On part de la terre et on revient à la terre», souligne Mme Laroche.

De la teinture naturelle, principalement faite avec des légumes, sera utilisée pour colorer le cuir. Le produit s’arrime avec les valeurs de Fannie Laroche, qui est végétalienne.

Elle souhaite produire un cuir végétal haut de gamme qui se compare au cuir traditionnel de haute de qualité. «Il ne sera pas plus cher», dit-elle. Elle souhaite ainsi faire un pied de nez au gaspillage vestimentaire. «Je n’ai aucun jugement. J’en ai déjà fait partie. Je souhaite offrir une meilleure qualité pour que les gens achètent moins, mais qu’ils achètent mieux. Less is more», dit-elle.

Fannie Laroche souligne que ses premières ventes sont prévues à la fin de l’été ou au début de l’automne 2023. Flaura produira et distribuera son cuir végétal. Au départ, le marché québécois et canadien est visé. Dans un horizon de trois ans, elle aimerait exporter aux États-Unis. L’entreprise souhaite desservir le marché de la mode et du design d’intérieur. Éventuellement, le marché de l’automobile pourra aussi être développé.

Reconnaissance
Flaura cuir végétal travaille avec le marc de pommes. Mais Fannie Laroche a l’ambition de valoriser d’autres déchets agroalimentaires. Du cuir pourrait être produit à partir de marc de café ou de champignons, par exemple. «On commence avec les pommes, mais il y a tellement d’autres choses avec lesquelles on peut travailler. On aide à réduire le gaspillage alimentaire et le gaspillage vestimentaire», note-t-elle.

Malgré sa jeune histoire, Flaura cuir végétal fait déjà parler d’elle. L’entreprise a notamment été sélectionnée parmi les 25 entrepreneurs émergents de C2Montréal en 2022. Fannie Laroche a aussi été finaliste au gala mmode, la grappe métropolitaine de mode, pour le prix Distinction coup de cœur du président 2022.

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