Je me surprends moi-même à écrire ces lignes, mais nous voici prêts à retenter l’expérience de la Basse Californie. Je m’attends au pire. Vagues gigantesques, vents incontrôlables et estomac complètement chamboulé.
Dans le milieu, on appelle ça «faire le bash». On défie la nature en naviguant contre le vent, contre le courant et contre les vagues. Tout ça, dans un environnement qui propose déjà son lot de défis.
Mais bon, Jeff et moi avons accepté de le faire pour rendre service au capitaine du Patricia Belle. Il a été tellement gentil et accueillant avec nous qu’on se voit mal le laisser lorsque l’aventure se corse.
Qui plus est, la mère de Jeff et son beau-père seront aussi de la partie. Ils veulent vivre une vraie expérience de voile. Entre vous et moi, je crois qu’ils n’ont pas choisi le bon moment pour ça.
Mer de Cortez
À notre départ de la marina de Mazatlàn, la température s’annonçait clémente sur la mer de Cortez. Le schooner est lourd et nous avons besoin de beaucoup de vent pour le faire bouger.
Le capitaine avait malgré tout espoir de n’utiliser que les voiles. Il a dû y renoncer. Nous avons donc fait appel au moteur pendant les trois jours de la traversée. Il faudra s’y faire, ce sera ainsi tout au long du voyage.
Cela ne nous empêche toutefois pas de hisser les voiles. Elles nous permettent d’augmenter la stabilité du bateau et sa vitesse de croisière. Et ça nous remonte le moral.
Départ
À notre arrivée à Cabo San Lucas, les nouvelles étaient mauvaises. Les prévisions météorologiques faisaient état de vents qui atteindraient les 30 nœuds le long de la côte. Résultat: quatre jours de congé forcé.
Une autre sage décision du capitaine. Les vents ont effectivement causé bien des ennuis aux navires. Notre ancre n’a d’ailleurs pas résisté à une telle force et nous avons dérivé pendant toute une nuit.
C’est ce que j’aime sur le Patricia Belle. Captaine Pat et son épouse ne s’aventurent pas en mer s’ils ne sont pas certains, dans la mesure du possible, que les conditions seront optimales.
Et ils ne partent jamais un vendredi. Ça, c’est une vieille tradition de marins. Je n’ai pas réussi à connaître sa réelle origine, mais certains avancent avec humour que les vendredis soirs étant parfaits pour faire la fête, les matelots ne voulaient pas quitter le port avant minuit.
Une fête
Lorsque nous avons finalement mis le cap sur San Diego, avec des arrêts prévus à Bahia Tortugas et Ensenada, c’était le calme plat. Tellement en fait que l’océan ressemblait par moment à un miroir.
C’est inhabituel, mais ça faisait mon bonheur. La journée de ma fête, j’ai passé près d’une heure assise sur le beaupré du bateau, regardant les petits crabes rouges qui nageaient par millier près de nous.
Et les dauphins. J’ai même eu la chance d’apercevoir des dizaines de baleines pilotes cette journée-là. Inutile de dire que cet anniversaire va rester longtemps gravé dans ma mémoire. Ce fut sans conteste le plus calme, le plus serein de ma vie. Là, quelque part sur l’océan.
Au revoir
Au final, la température a joué en notre faveur tout au long de ce voyage. À une exception près. La nuit précédant notre arrivée à Ensenada, nous avons été pris au cœur d’une tempête de pluie.
La mère de Jeff, qui assurait la surveillance de minuit à 4 heures, nous racontait qu’elle ne pouvait voir plus loin que quelques pieds à côté d’elle. Le bateau n’étant pas équipé de radar, elle a trouvé l’expérience stressante.
C’est finalement le cœur gros, mais la tête remplie de bons souvenirs que nous avons quitté le Patricia Belle. On serait bien resté plus longtemps, mais une nouvelle aventure nous attend.
Eh oui! Après plusieurs essais et erreurs, notre rêve deviendra réalité. Nous traverserons l’océan Pacifique à bord d’un voilier. Excités vous dites? La semaine prochaine on s’envole en direction de Manzanillo (Mexique) afin de rencontrer les propriétaires de ce bateau qui nous mènera jusqu’en Polynésie française.
