Pour la deuxième année consécutive, la Terre sera presque certainement la plus chaude de son histoire. Et pour la première fois, le globe a atteint cette année plus de 1,5 degré Celsius de réchauffement par rapport à la moyenne préindustrielle, a déclaré jeudi l’agence climatique européenne Copernicus.
«C’est cette nature implacable du réchauffement qui me semble inquiétante», a déclaré Carlo Buontempo, directeur de l’agence.
M. Buontempo a affirmé que les données montrent clairement que la planète ne connaîtrait pas une séquence aussi longue de températures record sans l’augmentation constante des gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
Il a cité d’autres facteurs qui contribuent à des années exceptionnellement chaudes, comme l’année dernière et celle en cours. Il a nommé entre autres El Niño — le réchauffement temporaire de certaines parties du Pacifique qui modifie le climat dans le monde entier — les éruptions volcaniques qui rejettent de la vapeur d’eau dans l’air ainsi que les variations de l’énergie du soleil. Mais lui et d’autres scientifiques estiment que l’augmentation à long terme des températures au-delà des fluctuations, comme El Niño est un mauvais signe.
«Un événement El Niño très fort nous offre un aperçu de ce que sera la nouvelle normalité dans une décennie», a prévenu Zeke Hausfather, chercheur scientifique à l’association à but non lucratif Berkeley Earth.
Dans quelques jours débutera la prochaine conférence de l’ONU sur le climat, la COP29, en Azerbaïdjan. Les discussions devraient se concentrer sur la manière de générer des milliers de milliards de dollars pour aider le monde dans la transition vers les énergies propres, comme l’éolien et le solaire.
M. Buontempo a souligné que dépasser le seuil de 1,5 degré Celsius de réchauffement en une seule année est différent de l’objectif adopté dans l’Accord de Paris de 2015. Cet objectif était censé tenter de limiter le réchauffement à 1,5 degré Celsius en moyenne par rapport à l’époque préindustrielle, sur 20 ou 30 ans.
Un rapport des Nations Unies publié cette année indiquait que, depuis le milieu des années 1800, le monde s’est déjà réchauffé de 1,3 degré Celsius en moyenne, contre des estimations précédentes de 1,1 degré ou 1,2 degré. L’ONU affirme que les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre des nations du monde ne sont toujours pas assez ambitieux pour maintenir l’objectif de 1,5 degré Celsius sur la bonne voie.
L’objectif a été choisi pour tenter d’éviter les pires effets du changement climatique sur l’humanité, notamment les conditions météorologiques extrêmes. «Les vagues de chaleur, les dégâts causés par les tempêtes et les sécheresses que nous connaissons actuellement ne sont que la pointe de l’iceberg», a prévenu Natalie Mahowald, présidente du département des sciences de la Terre et de l’atmosphère à l’université Cornell.
Le dépassement de ce chiffre en 2024 ne signifie pas que la tendance générale du réchauffement climatique a évolué, mais «en l’absence d’action concertée, ce sera bientôt le cas», a expliqué Michael Mann, climatologue à l’Université de Pennsylvanie.
Le climatologue de l’Université de Stanford Rob Jackson l’a exprimé en termes plus crus. «Je pense que nous avons raté la fenêtre des 1,5 degré» , a déclaré M. Jackson, qui préside le Global Carbon Project, un groupe de scientifiques qui surveillent les émissions de dioxyde de carbone des pays. «Le réchauffement est trop important.»
La climatologue de l’État de l’Indiana Beth Hall a déclaré qu’elle n’était pas surprise par le dernier rapport de Copernicus, mais a souligné que les gens devraient se rappeler que le climat est un problème mondial au-delà de leurs expériences locales avec les changements climatiques. «Nous avons tendance à être cloisonnés dans notre propre monde individuel», a-t-elle déclaré. Des rapports comme celui-ci «prennent en compte de très nombreux endroits qui ne sont pas dans notre arrière-cour». M. Buontempo a souligné l’importance des observations mondiales, renforcées par la coopération internationale, qui permettent aux scientifiques d’avoir confiance dans les conclusions du nouveau rapport: Copernicus obtient ses résultats à partir de milliards de mesures effectuées par des satellites, des navires, des avions et des stations météorologiques du monde entier.
Il a affirmé que dépasser la limite de 1,5 degré Celsius cette année est «psychologiquement important» alors que les nations prennent des décisions en interne et abordent les négociations lors du sommet annuel de l’ONU sur le changement climatique qui se tiendra du 11 au 22 novembre en Azerbaïdjan.
«La décision nous appartient clairement. Elle appartient à chacun d’entre nous. Et c’est la décision de notre société et de nos décideurs politiques en conséquence, a-t-il déclaré. Mais je pense que ces décisions sont mieux prises si elles sont fondées sur des preuves et des faits.»