Le monde fait fausse route dans ses efforts pour freiner le réchauffement de la planète pour 41 des 42 mesures importantes et va même dans la mauvaise direction pour six mesures cruciales, prévient un nouveau rapport international.
Le seul point positif est que les ventes mondiales de véhicules électriques sont désormais en passe de correspondre à ce qui est nécessaire ― avec de nombreux autres changements ― pour limiter le réchauffement futur à quelques dixièmes de degré supplémentaires, selon le rapport «State of Climate Action» publié mardi par le World Resources Institute, Climate Action Tracker, le Bezos Earth Fund et d’autres organismes.
D’un autre côté, l’argent public dépensé pour augmenter l’utilisation des combustibles fossiles va dans la mauvaise direction et plus rapidement que par le passé, a rappelé Kelly Levin, la co-auteure de l’étude et la directrice de la science et des données au Bezos Earth Fund.
«L’heure n’est pas aux demi-mesures, mais plutôt à la décarbonisation radicale de tous les secteurs de l’économie, a déclaré Mme Levin.
«Nous sommes terriblement loin du compte et nous voyons l’impact de l’inaction se manifester dans le monde entier, qu’il s’agisse des vastes incendies de forêt au Canada, des décès liés à la chaleur en Méditerranée, des températures record en Asie du Sud ou d’autres encore», a-t-elle ajouté.
À la fin du mois, des négociations internationales cruciales sur le climat s’ouvriront à Dubaï. Pour la première fois, les négociateurs mondiaux feront le point sur les progrès accomplis par la société dans la réalisation de ses objectifs climatiques pour 2015. Avant le sommet des Nations unies, de nombreux rapports d’experts sont publiés pour évaluer les progrès de la Terre ― ou plutôt l’absence de progrès. Les 42 indicateurs publiés mardi constituent l’un des bilans les plus sombres, détaillant les multiples échecs de la société.
Le rapport examine ce qui est nécessaire dans plusieurs secteurs de l’économie mondiale ― l’énergie, les transports, les bâtiments, l’industrie, la finance et la sylviculture ― pour s’adapter à un monde qui limite le réchauffement à 1,5 degré Celsius par rapport à l’ère préindustrielle, l’objectif que le monde a adopté à Paris en 2015. La planète s’est déjà réchauffée d’environ 1,2 degré Celsius depuis le milieu du XIXe siècle.
Six catégories ― l’intensité carbone de la production mondiale d’acier, le nombre de kilomètres parcourus par les voitures particulières, les bus électriques vendus, la perte de forêts de mangroves, la quantité de déchets alimentaires et le financement public de l’utilisation des combustibles fossiles ― vont dans la mauvaise direction, selon le rapport.
«Les subventions à la consommation de combustibles fossiles, en particulier, ont atteint un niveau record l’année dernière, soit plus de mille milliards de dollars, en raison de la guerre en Ukraine et de la flambée des prix de l’énergie qui en a résulté«, a dénoncé Joe Thwaites, le coauteur du rapport et un membre du groupe de défense des ressources naturelles Natural Resources Defense Council (NRDC).
Six autres catégories ont été considérées comme «hors piste», mais allant dans la bonne direction, ce qui est le plus proche d’être sur la bonne voie et meilleur que les 24 mesures qui sont «bien hors piste».
Les catégories les plus éloignées sont la production d’électricité sans émission de carbone, les véhicules électriques en pourcentage du parc automobile, les ventes de véhicules électriques à deux et trois roues, la production de viande d’animaux de pâturage, le reboisement et la part des émissions de gaz à effet de serre faisant l’objet d’un rapport obligatoire des entreprises sur les risques liés au climat.
Les gens devraient s’inquiéter du fait que ce rapport est «trop peu, trop tard», a estimé Katharine Jacobs, une climatologue de l’Université de l’Arizona qui n’a pas participé à l’élaboration du rapport, mais qui l’a loué pour son exhaustivité.
«Je ne suis pas choquée par le fait qu’à l’échelle mondiale, nous ne répondons pas aux attentes en matière de réduction des émissions, a écrit Mme Jacobs dans un courriel. Nous ne pouvons pas ignorer le fait que les engagements mondiaux en matière de réduction (des gaz à effet de serre) sont pour l’essentiel inapplicables et qu’un certain nombre de revers majeurs ont pesé sur nos progrès.»
Lorsqu’on essaie de changer une économie, la clé est de commencer par les «fruits à portée de main, c’est-à-dire les secteurs de l’économie qui sont les plus faciles à transformer et qui permettent d’en avoir pour son argent», a rappelé Justin Mankin, un climatologue de l’université Dartmouth qui n’a pas participé à l’élaboration du rapport.
Mais selon lui, le rapport montre que «nous avons vraiment du mal à cueillir les fruits les plus faciles à cueillir».
Note aux lecteurs: Version corrigée. Une erreur s’était glissée dans l’acronyme du groupe Natural Resources Defense Council. Il s’agit bien de NRDC, et non NRC.