Débat Trump-Biden: une vérification des faits

The Associated Press
Débat Trump-Biden: une vérification des faits

Le président Joe Biden et l’ancien président Donald Trump ont échangé des coups de griffe et une série d’informations fausses et trompeuses lors de leur premier débat en vue de l’élection de 2024, jeudi soir.

M. Trump a présenté de manière erronée l’attaque du 6 janvier au Capitole des États-Unis comme un nombre relativement faible de personnes qui ont été escortées par la police et a donné des informations erronées sur la vigueur de l’économie sous son administration.

M. Biden, qui a tendance à privilégier les exagérations et les embellissements plutôt que les mensonges purs et simples, a exagéré les propos de M. Trump sur l’utilisation de désinfectant pour lutter contre la COVID. Voici un aperçu des affirmations fausses et trompeuses faites par les deux candidats.

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ÉMEUTE DU 6 JANVIER

TRUMP : «Ils parlent d’un nombre relativement faible de personnes qui se sont rendues au Capitole et qui, dans de nombreux cas, ont été introduites par la police.»

LES FAITS : C’est faux. L’attaque du Capitole a été l’assaut le plus meurtrier contre le siège du pouvoir américain en plus de 200 ans. Comme le montrent les vidéos, les photographies et les personnes présentes sur place, des milliers de personnes sont descendues sur le Capitole dans ce qui est devenu une scène brutale de combat au corps à corps avec la police.

Dans une note interne datée du 7 mars 2023, le chef de la police du Capitole, J. Thomas Manger, a déclaré que l’allégation selon laquelle «nos agents ont aidé les émeutiers et se sont comportés comme des ‘guides touristiques'(était) scandaleuse et fausse». Un porte-parole de la police du Capitole a confirmé l’authenticité de la note à l’Associated Press. Plus de 1400 personnes ont été inculpées de crimes fédéraux à la suite de l’émeute. Plus de 850 personnes ont plaidé coupable et 200 autres ont été condamnées lors d’un procès.

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TRUMP, à propos des actions de Nancy Pelosi, alors présidente de la Chambre des représentants, le 6 janvier : «Parce que je lui ai proposé 10 000 soldats ou membres de la Garde nationale et qu’elle les a refusés».

LES FAITS : Mme Pelosi n’a pas demandé l’intervention de la Garde nationale. En outre, lorsque le Capitole a été attaqué, elle et Mitch McConnell, alors chef de la majorité au Sénat, ont demandé une assistance militaire, y compris de la part de la Garde nationale.

C’est le conseil de la police du Capitole qui prend la décision d’appeler ou non les troupes de la Garde nationale au Capitole. Il est composé du sergent d’armes de la Chambre des représentants, du sergent d’armes du Sénat et de l’architecte du Capitole. Le conseil a décidé de ne pas appeler la garde avant l’insurrection, mais a finalement demandé de l’aide alors que l’émeute avait déjà commencé, et les troupes sont arrivées plusieurs heures plus tard.

Le sergent d’armes de la Chambre des représentants rendait compte à Mme Pelosi et le sergent d’armes du Sénat rendait compte à M. McConnell. Rien ne prouve que Mme Pelosi ou M. McConnell aient ordonné aux responsables de la sécurité de ne pas appeler la garde à l’avance. Drew Hammill, porte-parole de Mme Pelosi à l’époque, a déclaré après l’insurrection que Mme Pelosi n’avait jamais été informée d’une telle demande.

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IMPÔTS ET RÉGLEMENTATIONS

TRUMP, à propos de Biden : «Il veut multiplier vos impôts par quatre».

LES FAITS : Ce n’est pas exact.

M. Trump a utilisé cette phrase lors de ses meetings, mais elle n’est pas fondée. M. Biden souhaite en fait empêcher toute augmentation d’impôt pour les personnes gagnant moins de 400 000 $ US, c’est-à-dire la grande majorité des contribuables.

Plus important encore, la proposition de budget de M. Biden n’augmente pas les impôts autant que le prétend M. Trump, bien que les augmentations soient concentrées sur les entreprises et les riches. Les réductions d’impôts accordées aux particuliers par M. Trump en 2017 expireront après 2025, car elles n’ont pas été entièrement financées au moment de leur entrée en vigueur.

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TRUMP, faisant référence au 6 janvier 2021, jour où une foule de ses partisans a pris d’assaut le Capitole pour tenter d’empêcher la certification de la victoire de M. Biden : «Le 6 janvier, nous avions les impôts les plus bas de tous les temps. Le 6 janvier, nous avions les réglementations les plus basses jamais adoptées».

LES FAITS : L’actuel impôt fédéral sur le revenu n’a été institué qu’en 1913, et les taux d’imposition ont connu d’importantes fluctuations au cours des décennies qui ont suivi. Les taux étaient plus bas dans les années 1920, juste avant la Grande Dépression. M. Trump a certes réduit les impôts pendant son mandat à la Maison-Blanche, mais les taux n’étaient pas les plus bas de l’histoire.

Les réglementations gouvernementales ont également connu des hauts et des bas au cours de l’histoire du pays, mais elles ont globalement augmenté au fur et à mesure que le pays se modernisait et que sa population s’accroissait. Il existe aujourd’hui beaucoup plus de réglementations concernant l’environnement, l’emploi, les transactions financières et d’autres aspects de la vie quotidienne. Si M. Trump a supprimé certaines réglementations, il n’a pas ramené le pays à l’époque où il était moins réglementé.

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CHANGEMENT CLIMATIQUE

TRUMP, vantant son bilan en matière d’environnement, a déclaré que «pendant mes quatre années de mandat, j’ai eu les meilleurs chiffres jamais enregistrés en matière d’environnement» et qu’il soutenait un air et une eau «immaculés».

LES FAITS : C’est loin d’être le cas. Au cours de sa présidence, M. Trump a annulé certaines dispositions de la loi sur la propreté de l’eau, a assoupli les réglementations applicables aux entreprises des secteurs du charbon, du pétrole et du gaz et a retiré les États-Unis de l’accord de Paris sur le climat. Lorsque des incendies de forêt ont frappé la Californie en 2020, M. Trump a rejeté le consensus scientifique selon lequel le changement climatique avait joué un rôle. M. Trump a également rejeté les avertissements des scientifiques concernant le changement climatique et a régulièrement proposé des coupes profondes dans l’Agence de protection de l’environnement. Ces réductions ont été bloquées par les législateurs démocrates et républicains.

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AVORTEMENT

TRUMP : «Le problème qu’ils ont, c’est qu’ils sont radicaux parce qu’ils vont prendre la vie d’un enfant au huitième mois, au neuvième mois, et même après la naissance, après la naissance».

LES FAITS : M. Trump a parlé à tort d’avortements après la naissance. L’infanticide est criminalisé dans tous les États, et aucun État n’a adopté de loi autorisant le meurtre d’un bébé après la naissance.

Les défenseurs du droit à l’avortement affirment que des termes comme celui-ci et les «avortements tardifs» tentent de stigmatiser les avortements pratiqués à un stade plus avancé de la grossesse. Les avortements tardifs sont extrêmement rares. En 2020, moins de 1 % des avortements pratiqués aux États-Unis l’ont été à 21 semaines ou après, selon les Centres de contrôle et de prévention des maladies.

Les avortements tardifs sont généralement le résultat de complications graves, telles que des anomalies fœtales, qui mettent en danger la vie de la femme ou du fœtus, selon les experts médicaux. Dans la plupart des cas, il s’agit de grossesses désirées.

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RUSSIE

TRUMP sur le journaliste du Wall Street Journal Evan Gershkovich, détenu en Russie : «(Biden) aurait dû le faire sortir il y a longtemps, mais Poutine demande probablement des milliards et des milliards de dollars parce que ce type paie à chaque fois.»

LES FAITS : M. Trump a tort de dire que M. Biden paie «à chaque fois» une somme quelconque pour obtenir la libération d’otages et d’Américains détenus à tort. Rien ne prouve non plus que Poutine demande de l’argent pour libérer M. Gershkovich. Tout comme dans l’administration Trump, les accords conclus sous l’administration Biden qui ont permis de ramener des otages et des détenus à la maison impliquaient des échanges de prisonniers, et non des transferts d’argent.

La référence de M. Trump à l’argent semble concerner l’accord de 2023 dans lequel les États-Unis ont obtenu la libération de cinq Américains détenus en Iran après que des milliards de dollars d’actifs iraniens gelés ont été transférés de banques en Corée du Sud vers le Qatar. Les États-Unis ont déclaré que l’argent serait détenu sur des comptes restreints et ne pourrait être utilisé que pour des biens humanitaires, tels que des médicaments et de la nourriture.

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COVID-19

BIDEN : Trump a dit aux Américains de «s’injecter de l’eau de Javel» dans les bras pour traiter la COVID-19.

LES FAITS : C’est exagéré. M. Trump a plutôt demandé s’il était possible d’injecter un désinfectant dans les poumons.

«Et puis je vois le désinfectant, qui l’élimine en une minute, a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse en avril 2020. Et y a-t-il un moyen de faire quelque chose comme ça, par injection à l’intérieur ou presque un nettoyage, parce que vous voyez qu’il pénètre dans les poumons et qu’il fait un effet énorme sur les poumons, donc il serait intéressant de vérifier cela, donc vous allez devoir faire appel à des médecins, mais ça me semble intéressant. Nous verrons bien, mais le concept de la lumière, la façon dont elle tue en une minute, c’est assez puissant. C’est assez puissant.»

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SUPER PRÉDATEURS

TRUMP : «Ce qu’il a fait à la population noire est horrible, y compris le fait que pendant 10 ans, il les a appelés «super prédateurs» … Nous ne pouvons pas oublier cela – des super prédateurs … Et ils ont été très offensés par cela.»

LES FAITS : Cette affirmation maintes fois répétée par M. Trump depuis la campagne de 2020 est fausse. C’est Hillary Clinton, alors première dame, qui a utilisé le terme «super prédateur» pour défendre le projet de loi sur la criminalité de 1994, dont M. Biden était coauteur il y a plus de trente ans. M. Biden a effectivement mis en garde contre les «prédateurs» dans un discours prononcé à l’appui de son projet de loi.

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MIGRANTS

TRUMP, faisant référence à Biden : «C’est lui qui a tué les gens avec une mauvaise frontière et qui a inondé le pays avec des centaines de milliers de personnes qui tuent également nos citoyens lorsqu’ils entrenté»

LES FAITS : L’afflux massif de migrants entrant illégalement aux États-Unis par la frontière méridionale a donné lieu à un certain nombre d’affirmations fausses et trompeuses de la part de M. Trump. Par exemple, il prétend régulièrement que d’autres pays vident leurs prisons et leurs institutions psychiatriques pour les envoyer aux États-Unis.

M. Trump a également affirmé que l’afflux d’immigrants provoquait une hausse de la criminalité aux États-Unis, alors que les statistiques montrent que les crimes violents sont en baisse.

Il y a eu récemment des crimes odieux et très médiatisés qui auraient été commis par des personnes en situation irrégulière. Mais les statistiques du FBI ne distinguent pas les crimes en fonction du statut d’immigration de l’agresseur, et rien ne prouve qu’il y ait eu un pic de crimes perpétrés par des migrants, que ce soit le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique ou dans les villes où l’afflux de migrants est le plus important, comme New York. Des études ont montré que les personnes vivant illégalement dans le pays sont moins susceptibles que les Américains de naissance d’avoir été arrêtées pour des délits violents, des délits liés à la drogue et des délits contre les biens. Depuis plus d’un siècle, les détracteurs de l’immigration cherchent à établir un lien entre les nouveaux arrivants et la criminalité. En 1931, la commission Wickersham n’a trouvé aucune preuve d’un lien entre l’immigration et l’augmentation de la criminalité, et de nombreuses études ont depuis lors abouti à des conclusions similaires.

Le Texas est le seul État à comptabiliser les crimes en fonction du statut d’immigration. Une étude publiée en 2020 par l’Académie nationale des sciences a révélé des «taux d’arrestation pour crime considérablement plus faibles» chez les personnes séjournant illégalement aux États-Unis que chez les immigrants légaux ou les personnes nées dans le pays.

On peut s’attendre à une certaine criminalité compte tenu de l’importance de la population immigrée. Selon la dernière estimation du Pew Research Center, 10,5 millions de personnes se trouvaient illégalement dans le pays en 2021, un chiffre qui a très certainement augmenté en raison de l’afflux massif de migrants à la frontière. En 2022, le Census Bureau a estimé la population née à l’étranger à 46,2 millions de personnes, soit près de 14 % du total, la plupart des États ayant connu des augmentations à deux chiffres au cours des douze dernières années.

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CHARLOTTESVILLE

BIDEN, faisant référence à Trump après le rassemblement nationaliste blanc meurtrier de Charlottesville, en Virginie, en 2017 : «Il a dit que je pense qu’il y a des gens bien des deux côtés.»

LES FAITS : M. Trump a effectivement utilisé ces mots pour décrire les participants au rassemblement meurtrier, qui avait été planifié par des nationalistes blancs. Mais comme l’ont souligné les partisans de M. Trump, il a également déclaré ce jour-là qu’il ne parlait pas des néonazis et des nationalistes blancs présents.

«Il y avait de très mauvaises personnes dans ce groupe, a déclaré M. Trump lors d’une conférence de presse organisée quelques jours après le rassemblement, mais il y avait aussi des gens très bien, des deux côtés.»

Il a ensuite ajouté qu’il ne parlait pas des «néo-nazis et des nationalistes blancs, car ils devraient être totalement condamnés». Il a ajouté que la presse avait été injuste dans son traitement des manifestants qui étaient là pour protester innocemment et légalement contre le retrait d’une statue du général confédéré Robert E. Lee.

Le rassemblement prévu par les nationalistes blancs a choqué la nation lorsqu’il a explosé dans le chaos : violentes bagarres dans les rues, chants racistes et antisémites, bombes fumigènes et, enfin, une voiture fonçant à toute allure sur une foule de contre-manifestants, tuant une personne et en blessant des dizaines d’autres.

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ÉCONOMIE

TRUMP : «Nous avons eu la meilleure économie de l’histoire.»

LES FAITS : Ce n’est pas exact. Tout d’abord, la pandémie a déclenché une récession massive pendant sa présidence. Le gouvernement a emprunté 3100 milliards $ US en 2020 pour stabiliser l’économie. M. Trump a eu l’ignominie de quitter la Maison-Blanche avec moins d’emplois qu’à son arrivée.

Mais même si l’on exclut les problèmes causés par la pandémie, la croissance économique s’est élevée en moyenne à 2,67 % au cours des trois premières années du mandat de M. Trump. C’est plutôt solide. Mais elle est loin des 4 % enregistrés en moyenne pendant les deux mandats de Bill Clinton, de 1993 à 2001, selon le Bureau of Economic Analysis. En fait, la croissance a été plus forte jusqu’à présent sous M. Biden que sous M. Trump.

Ce dernier a fait descendre le taux de chômage à 3,5 % avant la pandémie. Mais là encore, le taux d’activité des personnes âgées de 25 à 54 ans ― le cœur de la population active américaine ― était plus élevé sous M. Clinton. Le taux de participation a également été plus élevé sous M. Biden que sous M. Trump.

M. Trump aime également évoquer la faiblesse de l’inflation sous son mandat. L’essence est descendue jusqu’à 1,77 $ US le gallon. Mais, bien sûr, cette chute des prix s’est produite pendant la pandémie, alors que peu de gens conduisaient. Les prix bas étaient dus à une crise sanitaire mondiale, et non aux politiques de Trump.

De même, les taux hypothécaires moyens à 30 ans sont tombés à 2,65 % pendant la pandémie. Ces taux bas étaient un sous-produit des efforts de la Réserve fédérale pour soutenir une économie faible, plutôt que le signe de force que M. Trump suggère aujourd’hui.

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DÉCÈS DE MILITAIRES

BIDEN : «La vérité, c’est que je suis le seul président de ce siècle qui n’a pas eu ― cette décennie ― de troupes mourant n’importe où dans le monde comme il l’a fait.»

LES FAITS : Au moins 16 membres des forces armées ont été tués dans des actions hostiles depuis que M. Biden a pris ses fonctions en janvier 2021. Le 26 août 2021, 13 personnes sont mortes lors d’un attentat suicide à l’aéroport international Hamid Karzai de Kaboul, en Afghanistan, alors que les troupes américaines se retiraient du pays. Le 28 janvier de cette année, un drone ennemi a tué trois militaires américains dans une base déserte en Jordanie.

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PROTESTATIONS DE GEORGE FLOYD

TRUMP, à propos des manifestations à Minneapolis après l’assassinat de George Floyd : «Si je n’avais pas fait intervenir la Garde nationale, cette ville aurait été détruite.»

LES FAITS : M. Trump n’a pas appelé la Garde nationale à Minneapolis lors des troubles qui ont suivi la mort de George Floyd. Le gouverneur du Minnesota, Tim Walz, a déployé la Garde nationale dans la ville.

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