Les quatre principaux partis politiques d’Afrique du Sud ont entamé samedi leur dernier week-end de campagne avant des élections potentiellement cruciales qui pourraient apporter le changement le plus important que le pays ait connu depuis trois décennies.
Les partisans du Congrès national africain (ANC), qui est au gouvernement depuis la fin du régime de la minorité blanche en 1994, se sont rassemblés dans un stade de football à Johannesburg pour entendre un discours du chef du parti et président sud-africain, Cyril Ramaphosa.
L’ANC subit une pression sans précédent pour conserver sa majorité parlementaire dans le pays le plus avancé d’Afrique.
Après avoir vu sa popularité décliner régulièrement au cours des deux dernières décennies, l’élection de mercredi pourrait être un moment historique, lorsque le parti autrefois dirigé par Nelson Mandela chutera pour la première fois sous la barre des 50% des voix nationales, même si l’on s’attend toujours à ce qu’il obtienne la plus grande part.
Plusieurs sondages accordent un soutien inférieur à 50% à l’ANC, ce qui soulève la possibilité qu’il doive former une coalition nationale. Ce serait également une première pour la jeune démocratie sud-africaine, établie il y a seulement 30 ans avec le premier vote multiracial mettant officiellement fin au système d’apartheid de ségrégation raciale.
Alors que des milliers de partisans aux couleurs noir, vert et or de l’ANC assistaient à son dernier grand rassemblement avant les élections, M. Ramaphosa a reconnu certains des griefs des Sud-Africains, notamment les niveaux élevés de pauvreté et de chômage qui affectent principalement la majorité noire du pays.
«Nous avons un plan pour inciter davantage de Sud-Africains à travailler, a-t-il annoncé. Tout au long de cette campagne, chez nos concitoyens, sur les lieux de travail, dans les rues de nos townships et de nos villages, un grand nombre de nos concitoyens nous ont parlé de leurs difficultés à trouver du travail et à subvenir aux besoins de leur famille.
«Êtes-vous prêts pour le changement?»
Le principal parti d’opposition, l’Alliance démocratique (DA), a organisé un rassemblement au Cap, la deuxième plus grande ville d’Afrique du Sud et son fief. Le chef du parti, John Steenhuisen, a prononcé un discours tandis que les partisans aux couleurs bleues du DA brandissaient des parapluies bleus.
«Démocrates, mes amis, êtes-vous prêts pour le changement?» a demandé Steenhuisen. La foule a répondu «Oui!»
Même si le soutien à l’ANC a diminué au cours de trois élections nationales successives et semble devoir continuer à baisser, aucun parti n’a émergé pour le dépasser – ou même le défier.
Mais perdre sa majorité serait le rejet le plus clair à ce jour du célèbre parti qui était à l’avant-garde du mouvement antiapartheid et qui est reconnu pour avoir conduit les Sud-Africains vers la liberté.
Certains partisans de l’ANC ont également exprimé leur frustration, alors que le pays de 62 millions d’habitants lutte contre la pauvreté, un chômage désespérément élevé, des niveaux d’inégalité parmi les pires au monde et d’autres problèmes de corruption, de criminalité violente et de défaillance des services gouvernementaux de base dans certains lieux.
Tout en reconnaissant certains échecs, l’ANC a souligné que l’Afrique du Sud est un bien meilleur endroit qu’elle ne l’était pendant l’apartheid, lorsqu’un ensemble de lois fondées sur la race opprimaient la majorité noire du pays en faveur d’une petite minorité blanche. L’ANC a également été largement reconnu pour avoir réussi à étendre ses services à des millions de Sud-Africains pauvres au cours de la décennie qui a suivi l’apartheid, même si les critiques disent qu’elle s’est récemment égarée.
Morcellement politique
Le détournement de certains électeurs de l’ANC a conduit à une lente fracture de la politique sud-africaine, plutôt qu’à la naissance d’un seul parti d’opposition. Les Sud-Africains mécontents se sont tournés vers différents partis d’opposition, dont certains sont nouveaux. Des dizaines de partis sont enregistrés pour se présenter aux élections de la semaine prochaine.
Les Sud-Africains votent pour des partis et non directement pour leur président lors des élections nationales. Les partis obtiennent ensuite des sièges au Parlement en fonction de leur part des voix et les législateurs élisent le président – c’est pourquoi la perte de la majorité de l’ANC affecterait les espoirs de M. Ramaphosa, 71 ans, d’être réélu en douceur pour un deuxième et dernier quinquennat.
Si l’ANC descend en dessous de 50 %, il lui faudra probablement un accord avec d’autres partis pour obtenir les voix au Parlement afin de réélire Cyril Ramaphosa, autrefois protégé de Mandela.
Les Combattants de la liberté économique, d’extrême gauche, ont tenu leur dernier grand rassemblement préélectoral à Polokwane, dans le nord du pays, ville natale du fougueux leader Julius Malema. «Le peuple sud-africain doit décider s’il veut le chômage», a déclaré M. Malema.
Le nouveau parti MK de l’ancien président sud-africain et ancien chef de l’ANC Jacob Zuma faisait également campagne dans un township juste à l’extérieur de la ville de Durban, sur la côte est, bien que M. Zuma n’ait pas assisté à l’événement. Jacob Zuma, 82 ans, a secoué la politique sud-africaine lorsqu’il a annoncé, à la fin de l’année dernière, qu’il tournait le dos à l’ANC et rejoignait MK, tout en critiquant farouchement l’ANC sous M. Ramaphosa.
M. Zuma a été disqualifié de sa candidature au Parlement en raison d’une condamnation pénale antérieure, mais MK est toujours autorisé à utiliser son image de leader et le parti continue de faire campagne. Sa fille, Duduzile Zuma-Sambudla, a assisté au rassemblement, où les partisans du député ont scandé: «Courez, Ramaphosa, courez».
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Gerald Imray a écrit du Cap et Farai Mutsaka de Durban.
