Les partis d’extrême droite ont réalisé de tels progrès aux élections parlementaires de l’Union européenne (UE) qu’ils ont infligé des défaites retentissantes à deux des dirigeants les plus importants du bloc : le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz.
En France, le Rassemblement national de Marine Le Pen a dominé les projections à tel point que M. Macron a immédiatement dissous le Parlement national et convoqué de nouvelles élections. Il s’agit d’un risque politique énorme puisque son parti pourrait subir davantage de pertes et miner le reste de son mandat présidentiel, qui se termine en 2027.
Ajoutant l’insulte à l’injure, le candidat en tête de liste du Rassemblement national, Jordan Bardella, a pris un ton présidentiel avec son discours de victoire à Paris, commençant par «Mes chers compatriotes» et ajoutant «le peuple français a rendu son verdict».
«J’ai entendu votre message, vos préoccupations, et je ne les laisserai pas sans réponse», a déclaré de son côté M. Macron.
Les élections de quatre jours dans les 27 pays de l’UE constituent le deuxième plus grand exercice démocratique au monde, après les récentes élections en Inde.
Si, dans l’ensemble de l’UE, deux groupes dominants et pro-européens, les démocrates-chrétiens et les socialistes, sont restés les forces dominantes, les gains de l’extrême droite se sont faits au détriment des Verts, qui devraient perdre environ 20 sièges et retomber à la sixième position au Parlement.
Le groupe de centristes et de libéraux Renew Europe a également beaucoup perdu.
Pendant des décennies, l’Union européenne, qui trouve ses racines dans la défaite de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste, a confiné la droite dure dans sa marginalité. Forte de sa solide performance lors de ces élections, l’extrême droite pourrait désormais devenir un acteur majeur dans des politiques européennes, allant de la migration à la sécurité et au climat.
Pour éviter cela, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a proposé de former une coalition avec les sociaux-démocrates et les libéraux pro-entreprises. Puisque les démocrates-chrétiens ont remporté des sièges tandis que les deux autres en ont perdu, cette proposition a un certain poids.
S’exprimant quant à la montée de l’extrême droite et à la bonne performance de l’extrême gauche, celle-ci a ajouté que le résultat «s’accompagne d’une grande stabilité pour les partis du centre». «Nous avons tous intérêt à la stabilité et nous voulons tous une Europe forte et efficace», a-t-elle soutenu.
Au Parlement européen, les résultats provisoires ont montré que les chrétiens-démocrates obtiendraient 189 sièges, soit une hausse de 13, les sociaux-démocrates, 135, soit une baisse de 4, et le groupe favorable aux entreprises, Renew Europe, 83, soit une baisse de 19. Les Verts ont chuté à 53, ce qui représente une baisse de 18.
Les législateurs européens, qui ont un mandat de cinq ans, ont leur mot à dire sur des questions allant des règles financières à la politique climatique et agricole. Ils approuvent le budget de l’UE, qui finance des priorités telles que des projets d’infrastructures, des subventions agricoles et l’aide apportée à l’Ukraine. Ils détiennent un veto sur les nominations à la puissante Commission européenne.
Les élections surviennent à un moment où la confiance des électeurs dans un bloc de quelque 450 millions d’habitants est mise à l’épreuve. Au cours des cinq dernières années, l’UE a été secouée par la pandémie de COVID-19, un marasme économique et une crise énergétique alimentés par le plus grand conflit foncier en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Mais les campagnes politiques se concentrent souvent sur des questions propres à chaque pays plutôt que sur des intérêts européens en général.
Depuis les dernières élections européennes de 2019, les partis populistes ou d’extrême droite dirigent désormais les gouvernements de trois pays – la Hongrie, la Slovaquie et l’Italie – et font partie de coalitions au pouvoir dans d’autres, notamment en Suède, en Finlande et, bientôt, aux Pays-Bas. Les sondages donnent l’avantage aux populistes en France, en Belgique, en Autriche et en Italie.
Le virage électoral vers la droite pourrait rendre plus difficile l’adoption de lois par l’UE, et le processus décisionnel pourrait parfois être paralysé dans le plus grand bloc commercial du monde.
Allemagne
En Allemagne, le parti social-démocrate de M. Scholz s’est retrouvé derrière l’Alternative pour l’Allemagne d’extrême droite, qui s’est hissée en deuxième place.
L’Allemagne, bastion traditionnel des écologistes, a illustré cette défaite des Verts, qui selon les prévisions passeraient de 20 % à 12 % des suffrages.
Avec de nouvelles pertes attendues en France et ailleurs, la défaite des Verts pourrait bien avoir un impact sur la politique globale de l’UE en matière de changement climatique, qui reste la plus progressiste au monde.
Hongrie
«La droite, c’est bien», a déclaré aux journalistes le premier ministre hongrois Viktor Orbán, qui dirige un gouvernement résolument nationaliste et anti-migrants, après avoir voté. «Aller à la droite, c’est toujours bien. Allons à la droite!»
Celui-ci a remporté une nouvelle victoire électorale, bien qu’un nouvel adversaire a bouleversé son emprise sur la politique hongroise.
Le parti Fidesz de Viktor Orbán devrait remporter 43 % des voix, selon les estimations du Parlement européen. Or, si le Fidesz a obtenu une pluralité de voix, il a perdu près de 10 points par rapport à son résultat des dernières élections européennes de 2019 et semblait sur le point de perdre deux sièges dans ce qui a été largement considéré comme un référendum sur la popularité du premier ministre.
Une profonde crise économique et une récente série de scandales impliquant des politiciens du Fidesz ont ébranlé le parti qui se targue de défendre les valeurs familiales et le conservatisme chrétien.
Le leader d’opposition Péter Magyar a rompu les liens avec le parti de M. Orbán en février et a mis en place le parti d’opposition le plus puissant de Hongrie en seulement quelques mois. Son parti du mouvement Tisza devrait recueillir 31 % des voix.
Péter Magyar a fait campagne en affirmant que le gouvernement de Viktor Orbán était corrompu et que sa mauvaise gestion nuisait à la Hongrie. Son parti s’est donc présenté comme une alternative plus centriste au populisme antilibéral du premier ministre.
Italie
Le parti des Frères d’Italie de la première ministre Giorgia Meloni, aux racines néofascistes, devrait plus que doubler son nombre de sièges au Parlement européen depuis les dernières élections. Ce qui lui donnera de nouveaux pouvoirs afin d’influencer la politique au sein de l’UE.
Ses politiques pro-ukrainiennes et pro-israéliennes se sont révélées rassurantes pour ses alliés centristes américains et européens, mais elle mène des guerres culturelles dans son pays qui préservent ses racines d’extrême droite.
Le Parti démocrate d’opposition de centre gauche est arrivé en deuxième position, suivi de l’autre principal parti d’opposition, le Mouvement 5 étoiles.
En Italie, le vote ne devrait pas déstabiliser le gouvernement, même si les gains de Mme Meloni se feront aux dépens de ses partenaires de la coalition gouvernementale, la Ligue populiste et anti-migrants de droite, dirigée par Matteo Salvini, et le parti de centre droit Forza Italia, dirigé par le ministre des Affaires étrangères Antonio Tajani.
L’Italie dispose de 76 sièges au Parlement européen.
Slovaquie
Un groupe libéral pro-occidental a remporté les élections européennes en Slovaquie, battant le parti du premier ministre populiste et pro-russe Robert Fico, quelques semaines seulement après que ce dernier ait survécu à une tentative d’assassinat.
L’attaque contre M. Fico a provoqué une onde de choc dans ce pays de 5,4 millions d’habitants et a semblé augmenter le taux de participation électorale, qui avait été le plus bas de tout le bloc en 2014 et 2019, et qui a atteint un record de 34,4 % dimanche.
La tentative d’assassinat n’a pas aidé le parti de gauche Smer-SD de M. Fico, principal acteur de la coalition gouvernementale, à remporter des voix. Smer-SD s’oppose au soutien de l’UE à l’Ukraine, ainsi qu’à d’autres politiques en matière d’immigration, de changement climatique et de droits LGBTQ+.
Smer-SD s’est retrouvé dans une course serrée contre le principal parti d’opposition, la Slovaquie progressiste, qui a remporté 27,8% des suffrages, soit six sièges au Parlement européen, selon les résultats provisoires. Smer-SD suit avec 24,8% des voix, soit cinq sièges. Le parti d’opposition d’extrême droite qui souhaite que la Slovaquie sorte de l’OTAN a terminé troisième et a remporté ainsi deux sièges.