Des Français ont manifesté contre l’extrême droite en vue des élections législatives

Jade Le Deley et Élise Morton, The Associated Press
Des Français ont manifesté contre l’extrême droite en vue des élections législatives

Des groupes antiracistes se sont joints aux syndicats français et à une toute nouvelle coalition de gauche pour protester samedi, à Paris et dans toute la France, contre la montée de l’extrême droite nationaliste, alors qu’une campagne frénétique est en cours à l’approche des élections législatives anticipées.

Le ministère français de l’Intérieur a déclaré que 250 000 personnes avaient manifesté, dont 75 000 à Paris. Malgré un temps pluvieux et venteux, ceux qui craignent que les élections ne donnent naissance au premier gouvernement d’extrême droite français depuis la Seconde Guerre mondiale se sont rassemblés place de la République, avant de défiler dans l’est de Paris. Jusqu’à 21 000 policiers et gendarmes ont été déployés.

Les manifestants brandissaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire «Liberté pour tous, Égalité pour tous et Fraternité avec tous» – une référence à la devise nationale de la France – et «Brisons les frontières, des documents pour tous, non au projet de loi sur l’immigration». Certains scandaient «Palestine libre, viva Palestina» et portaient des keffiehs.

Parmi eux se trouvait Nour Cekar, une lycéenne de 16 ans originaire de la région parisienne, de parents français et algériens et qui porte le hijab.

«Pour moi, l’extrême droite est un danger, car elle soutient une idéologie basée sur la peur de l’autre, alors que nous sommes tous citoyens français malgré nos différences», a-t-elle dit à l’Associated Press.

Mme Cekar a déclaré qu’elle voterait pour la coalition de gauche, car «c’est le seul parti politique qui s’attaque au racisme et à l’islamophobie».

«Je crains la montée du Rassemblement national parce que j’ai peur qu’ils interdisent le hijab au nom de la liberté des femmes. Je suis une femme et je devrais pouvoir décider ce que je veux porter. Je suis une femme libre», a-t-elle déclaré, ajoutant qu’elle était quotidiennement insultée sur les réseaux sociaux et dans la rue à cause de son foulard.

Sur fond de musique de la chanteuse franco-malienne Aya Nakamura, la foule a scandé «Tout le monde déteste le racisme».

«La France est composée de personnes d’origines différentes. C’est sa force. Le Rassemblement national veut briser cela», a expliqué à l’AP Mohamed Ben Ammar, 68 ans, médecin français d’origine tunisienne qui travaille dans un hôpital public parisien.

«Nous prodiguons des soins médicaux à chacun, sans nous soucier de sa nationalité, de la couleur de sa peau ou de sa religion, contrairement aux fascistes (dirigeants d’extrême droite) qui pointent du doigt les Noirs, les Arabes ou les musulmans», a-t-il déclaré.

Même si son fils lui a dit que manifester ne servirait à rien, M. Ben Ammar se dit convaincu de l’importance de faire entendre sa voix. «Je suis ici pour envoyer un signal fort aux politiques. Nous ne resterons pas silencieux face à l’extrême droite», a-t-il affirmé.

La police parisienne a fait état de «nombreuses tentatives de dégradations» de la part des manifestants et a indiqué que sept personnes avaient été interpellées. Un journaliste de l’AP a rapporté que la police avait utilisé des gaz lacrymogènes contre des manifestants qui tentaient de vandaliser un arrêt de bus et des panneaux publicitaires.

Unis contre l’extrême droite

À Nice, sur la Côte d’Azur, des manifestants ont défilé sur l’avenue Jean-Médecin, la principale rue commerçante de la ville, scandant des slogans contre le Rassemblement national, son meneur Jordan Bardella ainsi que contre le président Emmanuel Macron. Les organisateurs ont indiqué que 3000 personnes y avaient pris part, tandis que la police en évalue le nombre à 2500.

Nice est traditionnellement un bastion conservateur, mais s’est résolument tourné au cours de la dernière décennie en faveur du Rassemblement national de Marine Le Pen et de son rival d’extrême droite Éric Zemmour.

Les foules se rassemblent quotidiennement depuis que le Rassemblement national anti-immigration a enregistré des gains historiques lors des élections au Parlement européen de dimanche, écrasant les modérés de M. Macron qui a par la suite décidé de dissoudre l’Assemblée nationale.

De nouvelles élections pour la chambre basse du Parlement ont été fixées en deux tours, les 30 juin et 7 juillet. M. Macron reste président jusqu’en 2027 et en charge de la politique étrangère et de la défense, mais sa présidence serait affaiblie si le Rassemblement national l’emportait et prenait le pouvoir.

«Il faut un sursaut démocratique et social. À défaut, l’extrême droite arrivera au pouvoir», ont mis en garde vendredi les syndicats français dans un communiqué conjoint. «Notre République et notre démocratie sont en danger.»

Ils ont souligné qu’en Europe et dans le monde, les dirigeants d’extrême droite ont adopté des lois préjudiciables aux femmes, à la communauté LGBTQ+ et aux personnes de couleur.

Pour empêcher le Rassemblement national de remporter les prochaines élections, les partis de gauche ont finalement convenu vendredi de mettre de côté leurs divergences sur les guerres à Gaza et en Ukraine et de former une coalition: le Front populaire. Ils ont exhorté les citoyens français à vaincre l’extrême droite.

Les sondages d’opinion français suggèrent que le Rassemblement national – dont le fondateur a été condamné à plusieurs reprises pour racisme et antisémitisme – devrait être en tête au premier tour des élections législatives. Le parti est arrivé en tête des élections européennes, recueillant plus de 30 % des suffrages exprimés en France, soit près de deux fois plus de voix que le parti Renaissance d’Emmanuel Macron.

Le mandat d’Emmanuel Macron dure encore trois ans et il conservera le contrôle des affaires étrangères et de la défense, quel que soit le résultat des élections législatives françaises.

Mais sa présidence serait affaiblie en cas de victoire du Rassemblement national, ce qui pourrait permettre à son chef de parti, Bardella, 28 ans, de devenir le prochain premier ministre, avec autorité sur les affaires intérieures et économiques.

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Élise Morton écrivait depuis Londres. La rédactrice d’Associated Press Barbara Surk à Nice, en France, a contribué à cet article.

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