NAIROBI, Kenya — Des milliers de personnes ont défilé samedi dans les rues de villes et de villages du Kenya pour manifester contre les récents meurtres de plus d’une dizaine de femmes. La manifestation anti-féminicide était le plus grand événement jamais organisé dans le pays contre la violence sexuelle et fondée sur le genre.
Dans la capitale nationale, Nairobi, les gens portaient des chandails sur lesquels on avait imprimé les noms des femmes victimes d’homicide ce mois-ci. La foule, composée majoritairement de femmes, a paralysé la circulation.
«Arrêtez de nous tuer!» ont scandé les manifestantes, en brandissant des pancartes avec des messages mentionnant qu’il y a «aucune justification pour tuer des femmes».
La foule à Nairobi était hostile aux tentatives de la représentante parlementaire pour les femmes, Esther Passaris, de s’adresser à elle. Accusant cette dernière d’être restée silencieuse lors de la dernière vague de meurtres, les manifestantes l’ont interrompue en scandant: «où étiez-vous?» et «rentrez chez vous!»
«Un pays est jugé non pas sur la façon dont il traite ses riches, mais sur la façon dont il prend soin des faibles et des vulnérables», a lancé le président du Barreau du Kenya, Eric Theuri, qui faisait partie des manifestants.
Les médias kenyans ont rapporté le meurtre d’au moins 14 femmes depuis le début de l’année, selon Patricia Andago, journaliste de données à Odipo Dev, une entreprise de médias et de recherche, qui s’est également jointe à la marche.
Odipo Dev a indiqué cette semaine qu’au moins 500 femmes avaient été tuées dans des actes de féminicide entre janvier 2016 et décembre 2023, selon des reportages publiés dans les médias. De nombreux autres cas ne sont pas signalés, a précisé Patricia Andago.
Deux cas qui ont particulièrement ébranlé le Kenya ce mois-ci concernaient deux femmes qui ont été tuées dans un logement Airbnb.
Une des victimes était une étudiante universitaire qui a été démembrée et décapitée après avoir été kidnappée dans le but d’exiger une rançon.
La tête de l’étudiante de l’Université d’agriculture et de technologie Jomo Kenyatta, a été retrouvée lundi dans un barrage, une semaine après que son corps démembré eut été retrouvé dans une poubelle de la maison louée. Deux hommes nigérians ont été arrêtés en lien avec sa mort.
Une semaine plus tôt, le corps d’une autre jeune femme avait été retrouvé dans un appartement avec plusieurs coups de couteau. La victime s’y était rendue avec un homme rencontré en ligne. La police détient un suspect identifié comme étant John Matara. Plusieurs femmes ont déclaré qu’elles avaient déjà informé la police des actes de torture présumés commis par Matara, mais qu’il n’avait jamais été inculpé.
Eric Theuri a déclaré que les cas de violence sexiste mettent trop de temps à être entendus devant les tribunaux, ce qui, selon lui, encourage les auteurs de ces violences à commettre des crimes contre les femmes.
«Au moment où on se parle, il nous manque environ 100 juges. Nous manquons de 200 magistrats et arbitres, ce qui signifie que la roue de la justice tourne lentement en raison d’un manque de ressources», a-t-il déploré.