Un groupe militant kurde interdit a revendiqué vendredi la responsabilité d’une attaque contre le siège d’une entreprise de défense clé à Ankara qui a tué au moins cinq personnes.
Un communiqué de l’aile militaire du Parti des travailleurs du Kurdistan, ou PKK, a déclaré que l’attaque de mercredi contre les locaux de la société aérospatiale et de défense TUSAS a été menée par deux membres de son soi-disant «Bataillon immortel» en réponse aux «massacres» turcs et à d’autres actions dans les régions kurdes.
Un homme et une femme ont pris d’assaut les locaux de TUSAS à la périphérie d’Ankara, déclenchant des explosifs et ouvrant le feu. Quatre employés du motoriste aéronautique y ont été tués. Les assaillants sont arrivés sur les lieux dans un taxi qu’ils avaient réquisitionné en tuant son chauffeur. Plus de 20 personnes ont été blessées dans l’attaque.
L’agresseur s’est suicidé en déclenchant un engin explosif après avoir été blessé lors d’un échange de tirs à l’entrée du complexe, a indiqué le ministre de l’Intérieur, Ali Yerlikaya. L’agresseur a lancé des grenades à main sur les forces de sécurité qui s’approchaient, puis s’est fait exploser dans les toilettes d’un bâtiment voisin «réalisant qu’il n’y avait aucune issue», a détaillé le ministre.
La Turquie a imputé l’attaque au PKK et a immédiatement lancé une série de frappes aériennes sur des sites et des installations suspectés d’être utilisés par le groupe militant dans le nord de l’Irak ou par ses affiliés dans le nord de la Syrie.
Une attaque au milieu des tentatives de dialogue
L’attaque contre TUSAS est survenue à un moment où les signes d’une nouvelle tentative de dialogue pour mettre fin au conflit vieux de plus de quatre décennies entre le PKK et l’armée turque se multiplient.
Plus tôt cette semaine, le chef du parti nationaliste d’extrême droite turc, allié au président Recep Tayyip Erdogan, a évoqué la possibilité qu’Abdullah Öcalan, le chef emprisonné du PKK, puisse bénéficier d’une libération conditionnelle s’il renonce à la violence et dissout son organisation.
Öcalan, qui purge une peine de prison à vie sur une île pénitentiaire au large d’Istanbul, a déclaré dans un message transmis par son neveu jeudi qu’il était prêt à travailler pour la paix.
L’aile militaire du PKK, les Forces de défense du peuple, a nié que l’attaque soit liée au dernier «programme politique», insistant sur le fait qu’elle avait été planifiée bien avant.
La branche armée du PKK a déclaré que TUSAS avait été choisi comme cible parce que les armes produites là-bas «ont tué des milliers de civils, dont des enfants et des femmes, au Kurdistan».
TUSAS conçoit, fabrique et assemble des avions civils et militaires, des véhicules aériens sans pilote et d’autres systèmes industriels de défense et spatiaux. Ses systèmes de défense ont été crédités comme étant essentiels pour que la Turquie prenne le dessus dans sa lutte contre les militants kurdes.
Vendredi, un responsable de la sécurité irakienne a indiqué que les avions de guerre turcs ont intensifié leurs frappes aériennes sur des sites appartenant au PKK et à d’autres forces loyales dans le district de Sinjar, au nord de l’Irak. Les bombardements intensifs ont ciblé des tunnels, des quartiers généraux ainsi que des points militaires du PKK et des Unités de résistance de Sinjar, dans la région des monts Sinjar.
Un responsable local et un responsable de la sécurité ont déclaré que les bombardements avaient tué cinq Yézidis. Les responsables ont parlé sous couvert d’anonymat, conformément à la réglementation.
Le ministère turc de la Défense a déclaré que 34 cibles présumées du PKK, dont des grottes, des abris, des dépôts et d’autres installations, ont été touchées lors d’une opération aérienne dans la nuit. L’agence de presse turque Anadolu a révélé que des drones exploités par l’agence nationale de renseignement ont frappé 120 sites suspects depuis l’attaque de mercredi.
Les Forces démocratiques syriennes, dirigées par les Kurdes, ont déclaré jeudi que les avions de guerre et les drones turcs ont frappé des boulangeries, une centrale électrique, des installations pétrolières et des postes de contrôle de la police locale. Au moins 12 civils ont été tués et 25 autres blessés.
Les Forces de défense du peuple ont affirmé qu’il n’y avait pas eu de victimes parmi les combattants du PKK dans les frappes aériennes.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a confié à un groupe de journalistes à son retour d’un voyage en Russie jeudi soir que les deux assaillants du TUSAS s’étaient infiltrés depuis la Syrie, mais n’a pas fourni de détails.
Dans un discours prononcé vendredi, à Istanbul, lors d’un salon de l’industrie de la défense, il a martelé que la Turquie était déterminée à éradiquer le groupe militant.
«Bien que notre douleur soit grande à cause de nos martyrs, notre détermination à lutter contre les scélérats est bien plus grande, a dit M. Erdogan. Nous continuerons à écraser ceux qui pensent pouvoir nous faire reculer avec une telle trahison.»
Vendredi, la police turque a arrêté 176 membres présumés du PKK lors d’opérations à travers la Turquie, a annoncé le ministère de l’Intérieur.
La police a également arrêté un homme qui a jeté des pierres à l’entrée du siège du Parti de l’égalité et de la démocratie des peuples, abrégé en DEM, un parti turc prokurde, a rapporté Anadolu. La porte-parole du parti DEM, Aysegul Dogan, a déclaré sur la plateforme X que la porte d’entrée et les fenêtres avaient été brisées lors de l’attaque.
Le PKK se bat pour l’autonomie dans le sud-est de la Turquie dans un conflit qui a tué des dizaines de milliers de personnes depuis les années 1980. Il est considéré comme un groupe terroriste par la Turquie et ses alliés occidentaux.
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Suzan Fraser, rédactrice de l’Associated Press, a contribué à cet article depuis Ankara, en Turquie.