SÉOUL, Corée, République de — Des travailleurs, des militants et d’autres personnes à travers l’Europe et l’Asie sont descendus dans la rue mercredi pour marquer le 1er mai en protestant contre la hausse des prix et les politiques gouvernementales en matière d’emploi, et en réclamant des droits plus étendus pour les travailleurs.
À Istanbul, la police a utilisé des gaz lacrymogènes et tiré des balles en caoutchouc pour disperser des milliers de personnes qui tentaient de franchir une barricade et d’atteindre la principale place de la ville, Taksim, en dépit de l’interdiction gouvernementale de célébrer la fête du travail sur cette place emblématique.
Au moins 30 personnes, pour la plupart membres d’un parti de gauche, ont été arrêtées plus tôt pour avoir tenté de franchir les barrières d’un autre barrage de police.
Le gouvernement du président Recep Tayyip Erdogan a depuis longtemps déclaré que Taksim était interdite aux rassemblements et aux manifestations pour des raisons de sécurité, mais certains partis politiques et syndicats ont promis de marcher sur la place, qui a une valeur symbolique pour les syndicats.
En 1977, des hommes armés non identifiés ont ouvert le feu lors d’une célébration du 1er mai à Taksim, provoquant une bousculade et tuant 34 personnes.
Mercredi, la police avait érigé des barricades et fermé toutes les routes menant à la place centrale d’Istanbul. Les transports publics dans la zone avaient également été restreints. Seul un petit groupe de représentants syndicaux avait été autorisé à entrer sur la place pour déposer une gerbe sur un monument à la mémoire des victimes de l’incident de 1977.
La journée du 1er mai est soulignée dans de nombreux pays pour célébrer les droits des travailleurs. Les manifestations du 1er mai ont également donné l’occasion à de nombreuses personnes d’exprimer des griefs économiques généraux ou des revendications politiques.
À Athènes, plusieurs milliers de manifestants se sont joints aux marches du 1er mai, tandis que des grèves ont perturbé les transports publics et les services ferroviaires nationaux dans toute la Grèce.
Les grèves nationales ont été menées par le plus grand syndicat du pays, qui a demandé un retour à la négociation collective après que les droits du travail aient été supprimés pendant la grave crise financière de 2010-18 en Grèce.
À Paris, des manifestants se sont rassemblés sur la place de la République pour participer à une marche organisée par les principaux syndicats français, afin d’obtenir de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail. Des groupes pro-palestiniens et des militants anti-olympiques devraient se joindre à la marche dans la capitale française, qui accueillera les Jeux d’été dans moins de trois mois.
La France reste sous tension, avec des protestations récentes d’enseignants, de policiers et d’agriculteurs, qui font suite aux grandes manifestations de l’année dernière contre le relèvement de l’âge de la retraite.
Les syndicats ont déposé un préavis de grève illimitée afin de faire pression sur le gouvernement pour qu’il fasse des concessions. Ils ont déclaré que tous les secteurs, y compris les hôpitaux, se mettraient en grève pendant les Jeux si le gouvernement n’indemnisait pas correctement les personnes contraintes de travailler pendant les vacances d’été.
En Indonésie, les travailleurs ont exprimé leur colère face à une nouvelle loi qui, selon eux, viole leurs droits et nuit à leur bien-être, et ont demandé des protections pour les travailleurs migrants à l’étranger ainsi qu’une augmentation du salaire minimum.
Des milliers de travailleurs des villes satellites de Jakarta, Bogor, Depok, Tangerang et Bekasi, devraient participer aux marches organisées dans la capitale, a déclaré Said Iqbal, président de la Confédération des syndicats indonésiens.
Ils se sont rassemblés au milieu d’une forte présence policière près du parc du monument national, brandissant des drapeaux colorés et scandant des slogans contre la loi sur la création d’emplois et l’assouplissement des règles d’externalisation au cours d’une marche vers le principal stade sportif de Jakarta, Gelora Bung Karno.
À Séoul, la capitale sud-coréenne, des milliers de manifestants ont chanté, brandi des drapeaux et crié des slogans favorables aux travailleurs au début d’un rassemblement mercredi. Les organisateurs ont déclaré que ce rassemblement avait pour but d’intensifier leur critique de ce qu’ils appellent les politiques anti-ouvrières menées par le gouvernement conservateur dirigé par le président Yoon Suk Yeol.
«Ces deux dernières années, sous le gouvernement de Yoon Suk Yeol, la vie de nos travailleurs a sombré dans le désespoir, a déclaré dans un discours Yang Kyung-soo, dirigeant de la Confédération coréenne des syndicats, qui a organisé le rassemblement. Nous ne pouvons pas ignorer le gouvernement de Yoon Suk Yeol. Nous les ferons tomber du pouvoir pour nous-mêmes.»
Les membres de la KCTU ont dénoncé le veto opposé en décembre par M. Yoon à un projet de loi visant à limiter les droits des entreprises à demander des compensations pour les dommages causés par les grèves des syndicats. Ils accusent également le gouvernement de M. Yoon d’avoir agi de manière trop agressive lors des grèves de camionneurs de 2022.
Depuis son entrée en fonction en 2022, M. Yoon a fait pression en faveur de réformes du travail pour soutenir la croissance économique et la création d’emplois. Son gouvernement s’est engagé à traiter sévèrement les grèves illégales et à exiger des syndicats une comptabilité plus transparente.
«La croissance remarquable de la République de Corée est due à la sueur et aux efforts de nos travailleurs. Je remercie nos 28,4 millions de travailleurs, a déclaré M. Yoon dans un message publié sur Facebook à l’occasion du 1er mai. Mon gouvernement et moi-même protégerons la valeur précieuse du travail.»
Les participants au rassemblement de Séoul ont ensuite défilé dans les rues du centre-ville. Des rassemblements similaires ont eu lieu dans plus de dix endroits en Corée du Sud mercredi. La police a annoncé avoir mobilisé des milliers d’agents pour maintenir l’ordre, mais aucun acte de violence n’a été signalé dans l’immédiat.
Au Japon, plus de dix mille personnes se sont rassemblées au parc Yoyogi, dans le centre de Tokyo, à l’occasion d’une manifestation du 1er mai, pour réclamer des augmentations de salaire qui, selon elles, pourraient suffire à amortir des hausses de prix. Au cours du rassemblement, Masako Obata, dirigeante de la Confédération nationale des syndicats (gauche), a déclaré que la baisse des salaires avait rendu les conditions de vie plus difficiles pour de nombreuses personnes et creusé les disparités de revenus.
Dans la capitale philippine, Manille, des centaines de travailleurs et de militants de gauche ont défilé et organisé un rassemblement dans la chaleur torride de l’été pour réclamer des augmentations de salaire et la sécurité de l’emploi dans un contexte de flambée des prix des denrées alimentaires et du pétrole.
La police anti-émeute a empêché les manifestants de s’approcher du palais présidentiel. Ils agitaient des drapeaux rouges et brandissaient des affiches sur lesquelles on pouvait lire : «Nous travaillons pour vivre, pas pour mourir» et «Baissez les prix, augmentez les salaires». Les manifestants ont scandé et prononcé des discours sur les difficultés rencontrées par les travailleurs philippins.
Les chauffeurs se sont également joints à la manifestation et ont appelé le gouvernement à mettre fin à un programme de modernisation dont ils craignent qu’il ne conduise au retrait des rues de Manille de leurs jeepneys délabrés, qui constituent le principal mode de transport public.