TEL-AVIV, Israël — Le secrétaire américain de la Défense, Lloyd Austin, devrait faire pression sur Israël pour qu’il mette fin aux principales opérations de combat à Gaza lors d’une visite lundi, dans le cadre du dernier test visant à déterminer si les États-Unis peuvent tirer parti de leur soutien indéfectible à l’offensive pour atténuer son impact dévastateur sur les civils palestiniens.
La France, le Royaume-Uni et l’Allemagne, qui comptent parmi les plus proches alliés d’Israël, se sont joints aux appels internationaux en faveur d’un cessez-le-feu au cours du week-end, et les manifestants israéliens ont demandé au gouvernement de relancer les négociations avec le Hamas en vue de la libération d’autres otages, après que trois d’entre eux aient été tués par erreur par les troupes israéliennes alors qu’ils brandissaient un drapeau blanc.
Le premier ministre Benjamin Nétanyahou a insisté sur le fait qu’Israël continuerait à se battre jusqu’à ce qu’il chasse le Hamas du pouvoir, qu’il écrase ses capacités militaires encore redoutables et qu’il libère les dizaines d’otages encore détenus par le groupe après l’attaque du 7 octobre, qui a déclenché la guerre.
Les États-Unis ont opposé leur veto aux appels au cessez-le-feu lancés par l’ONU et ont envoyé des munitions en urgence à Israël, tout en le pressant de prendre des mesures plus strictes pour éviter de blesser des civils. Plus de 100 personnes ont été tuées lors de frappes sur des immeubles résidentiels dans le nord de la bande de Gaza dimanche, selon un responsable du ministère de la santé de ce territoire dirigé par le Hamas.
La guerre, qui dure depuis dix semaines, a tué plus de 18 700 Palestiniens et transformé une grande partie du nord en un paysage lunaire. Quelque 1,9 million de Palestiniens, soit près de 85 % de la population de Gaza, ont fui leur domicile, la plupart se réfugiant dans des abris et des camps de tentes gérés par l’ONU dans la partie sud du territoire assiégé.
PRESSION DES ÉTATS-UNIS SUR ISRAËL
M. Austin et le général CQ Brown, le chef de l’état-major interarmées, qui sont arrivés à Tel-Aviv lundi, devraient faire pression sur les dirigeants israéliens pour qu’ils passent à une nouvelle phase de la guerre après des semaines de bombardements intensifs et d’offensive terrestre.
Les responsables américains ont appelé à des opérations ciblées visant à tuer les chefs du Hamas, à détruire les tunnels et à secourir les otages. Ces appels ont été lancés après que le président américain Joe Biden eut averti qu’Israël perdait le soutien de la communauté internationale en raison de ses «bombardements aveugles».
Le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a toutefois déclaré la semaine dernière que son pays continuerait à mener des opérations de combat d’envergure contre le Hamas pendant encore plusieurs mois.
Jusqu’à présent, sous la pression des États-Unis, Israël a donné des instructions d’évacuation plus précises lorsque les troupes sont entrées dans la ville de Khan Younis, dans le sud du pays, au début du mois, bien que les Palestiniens affirment que nulle part dans la bande de Gaza n’est sûr, Israël continuant à mener des frappes dans toutes les parties du territoire.
Israël a rouvert son principal point de passage avec Gaza pour permettre l’acheminement d’une plus grande quantité d’aide, également à la demande des États-Unis. Toutefois, cette quantité reste inférieure à la moitié des importations d’avant-guerre, alors que les besoins ont augmenté et que les combats entravent l’acheminement dans de nombreuses régions.
L’organisation Human Rights Watch, basée à New York, a accusé lundi Israël d’affamer délibérément la population de Gaza ― ce qui constituerait un crime de guerre ― en citant des déclarations de hauts responsables israéliens exprimant l’intention de priver les civils de nourriture, d’eau et de carburant ou de lier l’entrée de l’aide à la libération d’otages.
L’armée israélienne n’a pas répondu immédiatement à une demande de commentaire.
DES MORTS ET DES DESTRUCTIONS SANS PRÉCÉDENT
La guerre a commencé par une attaque-surprise sans précédent du Hamas qui a submergé les défenses frontalières d’Israël. Des milliers de militants se sont déchaînés dans le sud d’Israël, tuant quelque 1200 personnes, pour la plupart des civils, et enlevant environ 240 hommes, femmes et enfants.
Le Hamas et d’autres militants détiennent encore environ 129 otages, la plupart des autres ayant été libérés en échange de la libération par Israël de 240 prisonniers palestiniens au cours d’une trêve le mois dernier. Le Hamas a déclaré qu’aucun autre otage ne serait libéré tant que la guerre ne serait pas terminée.
Plus de 18 700 Palestiniens ont été tués, selon le ministère de la Santé, qui a déclaré que la plupart d’entre eux étaient des femmes et des mineurs, et que des milliers d’autres étaient enterrés sous les décombres. Le ministère ne fait pas de distinction entre les morts civils et les morts combattants.
L’armée israélienne affirme que 127 de ses soldats ont été tués lors de l’offensive terrestre à Gaza. Elle assure avoir tué des milliers de militants, sans fournir de preuves.
Israël impute la mort des civils au Hamas, qui les utiliserait comme boucliers humains. Mais l’armée commente rarement les frappes individuelles.
Dimanche, au moins 110 personnes ont été tuées lors du bombardement par Israël d’immeubles résidentiels dans le camp de réfugiés urbain de Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza, a déclaré Munir al-Boursh, un haut fonctionnaire du ministère de la Santé, à la chaîne de télévision Al Jazeera.
La zone a été le théâtre de violents combats ces derniers jours. «Personne ne peut récupérer les martyrs ou emmener les blessés à l’hôpital», a déclaré Amal Radwan, qui vit dans un abri de l’ONU à Jabaliya.
Entre-temps, l’armée a publié des photos de ce qu’elle a déclaré être environ 1,3 million de dollars en monnaie israélienne trouvés dans la maison d’un haut responsable du Hamas dans le camp.
ISRAËL LANCE UN RAID SUR UN AUTRE HÔPITAL
Les violents combats autour des hôpitaux de Gaza ont contraint la plupart d’entre eux à fermer leurs portes. Israël accuse les militants de s’abriter dans les établissements de santé et a fourni des preuves dans certains cas. Les responsables de la santé nient ces allégations.
L’Organisation mondiale de la santé s’est déclarée «consternée» par le raid israélien mené ces derniers jours contre l’hôpital Kamal Adwan, dans le nord de la bande de Gaza. Le chef de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a déclaré dimanche en fin de journée qu’au moins huit patients étaient décédés, dont un enfant de neuf ans, et que plusieurs d’entre eux avaient fui à pied parce que les ambulances ne pouvaient pas atteindre l’établissement.
L’armée a dit que les troupes opérant à l’intérieur et autour de l’hôpital avaient arrêté des dizaines de militants présumés, dont certains avaient participé à l’attaque du 7 octobre, et qu’elles avaient saisi de «nombreuses» armes. L’armée a ajouté que l’hôpital avait été utilisé comme centre de commandement par le Hamas, sans fournir de preuves.
TENSIONS RÉGIONALES
La guerre s’est étendue à plusieurs reprises à d’autres zones de la région.
Israël et le Hezbollah libanais ont échangé des tirs le long de la frontière presque tous les jours depuis le début de la guerre, et d’autres groupes militants soutenus par l’Iran ont attaqué des cibles américaines en Syrie et en Irak. Au Yémen, les rebelles houthis soutenus par l’Iran ont pris pour cible des navires en mer Rouge à l’aide de missiles et de drones.
Un responsable américain a déclaré que plusieurs projectiles avaient été tirés sur le Swan Atlantic, un pétrolier battant pavillon des îles Caïmans, en mer Rouge, au large du Yémen, lundi. Le responsable a indiqué que l’USS Carney, un navire de guerre américain, a réagi, sans fournir d’autres détails. Le fonctionnaire n’était pas autorisé à parler publiquement de l’attaque et s’est donc exprimé sous le couvert de l’anonymat.
Le géant britannique des hydrocarbures BP a annoncé lundi qu’il suspendait ses passages dans la mer Rouge en raison de la situation.
En Cisjordanie occupée par Israël, plus de 300 Palestiniens ont été tués depuis le début de la guerre, dont quatre cette nuit lors d’un raid militaire israélien dans le camp de réfugiés de Faraa, selon le ministère palestinien de la Santé.
Il s’agit de l’année la plus meurtrière pour les Palestiniens de Cisjordanie depuis 2005. La plupart ont été tués lors de raids militaires, qui déclenchent souvent des fusillades, ou lors de manifestations violentes.