JÉRUSALEM — L’armée israélienne a annoncé mercredi qu’elle avait rouvert le poste-frontière de Kerem Shalom, dans le sud de la bande de Gaza, après plusieurs jours de fermeture, mais l’ONU a déclaré qu’aucune aide humanitaire n’était encore entrée et qu’il n’y avait personne pour la recevoir du côté palestinien, après la fuite des travailleurs lors de l’incursion militaire israélienne dans cette région.
Le passage de Kerem Shalom entre la bande de Gaza et Israël avait été fermé en fin de semaine dernière après qu’une attaque à la roquette du Hamas a tué quatre soldats israéliens à proximité. Mardi, une brigade de chars israéliens s’est emparée du passage voisin de Rafah, entre la bande de Gaza et l’Égypte, forçant sa fermeture.
Ces deux passages sont les principales portes d’entrée de nourriture, de médicaments et d’autres fournitures essentielles à la survie de la population de la bande de Gaza, composée de 2,3 millions de Palestiniens.
L’incursion israélienne ne semble pas être le début de l’invasion à grande échelle de la ville de Rafah, comme Israël l’a promis à plusieurs reprises. Mais les responsables humanitaires préviennent que la fermeture prolongée de ces deux points de passage pourrait provoquer l’effondrement des opérations d’aide, aggravant ainsi la crise humanitaire dans la bande de Gaza, où l’ONU affirme qu’une «famine à grande échelle» est déjà en cours dans le nord.
Les États-Unis ont suspendu la livraison de bombes à l’État hébreu la semaine dernière, craignant qu’Israël ne soit sur le point de prendre la décision de lancer une attaque à grande échelle sur Rafah, ce qui aggraverait encore les divisions entre les deux proches alliés.
Mercredi, le président des États-Unis, Joe Biden, a déclaré qu’il ne fournirait pas d’armes offensives qu’Israël pourrait utiliser pour lancer une attaque à grande échelle à Rafah.
Il a affirmé lors d’une entrevue avec la chaîne CNN que les États-Unis étaient toujours engagés dans la défense d’Israël et fourniraient des systèmes de défense contre les roquettes et d’autres armes défensives.
Toutefois, si Israël entre dans Rafah, «nous n’allons pas fournir les armes et les obus d’artillerie qui ont été utilisés», a averti le président.
Les États-Unis se disent préoccupés par le sort d’environ 1,3 million de Palestiniens entassés à Rafah, dont la plupart ont fui les combats ailleurs dans le territoire. Israël affirme que Rafah est le dernier bastion du Hamas et qu’une offensive plus large est nécessaire pour démanteler les capacités militaires et gouvernementales de cette organisation.
Les États-Unis, l’Égypte et le Qatar intensifient leurs efforts pour combler les lacunes d’un éventuel accord prévoyant au moins un cessez-le-feu temporaire et la libération de certains des nombreux otages israéliens toujours détenus par le Hamas. Israël a lié la menace de l’opération à Rafah au sort de ces négociations.
Le chef du renseignement américain (CIA), William Burns, qui fait la navette dans la région pour des négociations sur l’accord de cessez-le-feu, a rencontré mercredi le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a dit un responsable américain, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat pour discuter des négociations à huis clos.
Des points de passage sous contrôle israélien
Avec la prise de Rafah, Israël contrôle désormais tous les points de passage de la bande de Gaza pour la première fois depuis qu’il a retiré ses troupes et ses colons du territoire il y a près de vingt ans, même si l’État hébreu a maintenu un blocus, avec la coopération de l’Égypte, pendant la majeure partie de cette période.
Le poste-frontière de Rafah avec l’Égypte est un canal vital pour l’aide humanitaire depuis le début de la guerre et constitue le seul endroit où les gens peuvent entrer et sortir. Le poste israélien de Kerem Shalom constitue le principal terminal de fret vers la bande de Gaza.
Le directeur exécutif adjoint du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies, Carl Skau, a déclaré à l’Associated Press que l’agence avait perdu l’accès à son entrepôt alimentaire dans la bande de Gaza, à Rafah, qui selon lui était «signalé comme zone interdite».
«On sait qu’il est toujours là, mais nous sommes extrêmement inquiets du pillage», a déclaré M. Skau lors d’une visite au Liban voisin, ajoutant qu’un entrepôt logistique de l’ONU à Rafah avait déjà été pillé. Il a précisé que le PAM avait pu sécuriser un entrepôt à Deir el-Balah, entre les villes de Gaza et Rafah, mais ne l’avait pas encore approvisionné en nourriture.
Les journalistes de l’Associated Press ont entendu pendant la nuit des explosions sporadiques et des coups de feu dans la zone du terminal de Rafah, dont deux explosions importantes mercredi matin. L’armée israélienne avait signalé mardi six lancements depuis Rafah vers le terminal de Kerem Shalom.
Le COGAT, l’organisme militaire israélien en charge des affaires civiles palestiniennes, a déclaré que le terminal de Kerem Shalom avait rouvert tôt mercredi.
Mais Juliette Touma, directrice des communications de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), a souligné qu’aucune aide n’était arrivée mercredi en fin d’après-midi et que l’agence avait été contrainte de rationner le carburant importé via Rafah.
En même temps, le ministère de la Santé de la bande de Gaza a déclaré qu’au moins 46 patients et blessés qui devaient partir mardi pour recevoir des soins médicaux étaient restés bloqués.