PÉKIN, Chine — Il est clair que les efforts de la Chine pour restaurer la confiance envers son économie qui ralentit figureront en tête de l’ordre du jour de sa législature nationale solennelle, qui se réunira mardi à Pékin.
Ce qui reste incertain, c’est la manière dont le parti communiste au pouvoir peut s’orienter vers une croissance plus forte et durable, alors que la main-d’œuvre chinoise vieillit, que les relations avec Washington sont tendues et que la construction de logements ― l’un des principaux moteurs de l’économie ― est en crise.
Les espoirs d’une reprise forte, alimentée par les consommateurs, après la fin des contrôles sanitaires sévères à la fin de 2022, n’ont pas été comblés. Les gouvernements locaux sont embourbés dans des milliers de milliards de dollars de dettes et les investissements directs des entreprises étrangères en Chine ont chuté d’environ 80 % l’année dernière.
Alors que plus de 5000 dirigeants chinois se réunissent à Pékin pour les plus grands événements politiques de l’année, l’ambiance dans les rues et sur les marchés financiers reste morose.
Cela contraste avec le message officiel, alors que le pays fête les 75 ans de la fondation de la République populaire en 1949.
«Nous sommes confiants dans la consolidation et le renforcement de la tendance à la reprise et à la croissance de l’économie», a écrit le Quotidien du peuple, le journal du parti, dans un commentaire samedi.
«Nous sommes tout à fait capables de transformer la pression en force motrice, d’accumuler et de transformer les avantages en tendances victorieuses et de diriger l’avancée du grand navire de l’économie tout en bravant le vent et les vagues», a-t-il ajouté.
Le congrès entérine les décisions déjà prises par les hauts dirigeants, offrant ainsi une plateforme pour faire connaître les projets du gouvernement et donner des instructions aux fonctionnaires sur ce qu’ils doivent faire.
Xi Jinping, le dirigeant le plus puissant de Chine depuis des décennies, présidera le congrès. Il a placé des fidèles aux postes les plus élevés afin de renforcer le contrôle du parti sur l’économie et la société. Xi, 70 ans, en est à son troisième mandat quinquennal en tant que secrétaire général du parti et peut occuper ce poste à vie.
Le premier ministre Li Qiang devrait annoncer un objectif officiel de croissance économique lors de la réunion du Congrès national du peuple, qui se tiendra mardi dans le Grand Hall du peuple à Pékin. Les médias d’État laissent entendre qu’il s’agira d’une croissance d’environ 5 %, comparable à celle de l’année dernière (5,2 %).
De nombreux économistes prévoient un ralentissement de la croissance bien en deçà de 5 %. En 2022, elle est tombée à 3 %, soit le deuxième niveau le plus bas depuis au moins les années 1970.
Le rapport annuel de M. Li comprendra des plans visant à «promouvoir un développement de haute qualité et à faire progresser la modernisation de la Chine», a rapporté l’agence de presse officielle Chine nouvelle.
De nombreux Chinois espèrent que cela se traduira par une augmentation des dépenses publiques, a dit Logan Wright du Rhodium Group, un cabinet de recherche indépendant.
«Tout le monde sera attentif à l’éventualité d’une relance budgétaire significative», a déclaré M. Wright. Mais les dépenses seules ne suffiront pas. «Il est temps de résoudre les problèmes à court terme et d’éviter qu’ils ne se transforment en problèmes à long terme. Quel est donc le plan?», a ajouté M. Wright.
Le ralentissement du marché de l’immobilier a fait suite à la répression des emprunts excessifs contractés par les promoteurs immobiliers. Depuis, des dizaines d’entre eux n’ont pas remboursé leurs dettes. Le plus important d’entre eux, Country Garden, fait l’objet d’une procédure de liquidation. Un autre, China Evergrande, est en cours de liquidation avec plus de 300 milliards $ US de dettes.
L’effondrement des recettes fiscales provenant des ventes immobilières pèse également sur le système financier. Pour encourager les prêts immobiliers, la banque centrale a réduit son taux préférentiel à cinq ans. De nombreuses villes ont assoupli les contrôles sur les transactions immobilières imposés précédemment pour calmer les bulles de prix, et quelque 6000 projets immobiliers ont reçu le feu vert pour l’octroi de prêts.
«Le marché de l’immobilier a été une source importante de la croissance de la Chine et maintenant il s’est inversé, a expliqué M. Wright, tout en notant qu’il y a des signes de stabilisation du marché. Si l’on observe la façon dont la Chine réagit à cette situation, cela indique un ralentissement plus sévère que ce que les données officielles suggèrent.»
Les problèmes se sont aggravés avec les chocs provoqués par la pandémie, lorsque les contrôles anti-virus ont conduit certaines villes à des fermetures de plusieurs semaines et que les usines se sont retrouvées avec d’énormes retards. Aujourd’hui, au lieu d’une flambée des prix, la Chine tente de lutter contre un cycle potentiellement débilitant de déflation, c’est-à-dire de baisse chronique des prix.
Les exportations, autre moteur principal de la croissance, ont chuté en 2023 pour la première fois en sept ans, alors même que l’économie américaine continuait à défier les prévisions selon lesquelles elle entrerait en récession.
Malgré les indications officielles selon lesquelles les mesures anti-monopoles et les mesures de sécurité des données prises par la Chine pendant des années à l’encontre des entreprises technologiques ont pris fin, les entrepreneurs sont inquiets. De nombreuses petites entreprises se plaignent de ne pas pouvoir recouvrer les factures qui leur sont dues, et les faillites se sont multipliées.
Entre-temps, les entreprises internationales ont déplacé leurs investissements vers des pays tels que l’Inde et le Viêt Nam afin de minimiser les risques liés aux tensions politiques entre la Chine et les États-Unis et aux contrôles internes plus stricts du parti, en procédant dans certains cas à des descentes dans les bureaux chinois des entreprises étrangères.
«Le système n’est pas très transparent et le manque de transparence crée beaucoup d’incertitude, a déclaré James Zimmerman, avocat et ancien directeur de la Chambre de commerce américaine à Pékin. C’est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit de questions de sécurité nationale, où le simple fait d’effectuer des recherches dans le cadre de la diligence raisonnable peut conduire à l’emprisonnement.»
Les entretiens de M. Xi avec le président Joe Biden et les chefs d’entreprise américains lors d’un sommet régional à San Francisco en septembre ont fait passer le message que «la Chine est ouverte aux affaires, a déclaré M. Zimmerman, mais il n’y a rien eu dans sa présentation qui soit allé dans le détail des réformes et du type de changements qui vont se produire, vous savez, pour donner aux gens le niveau de confort nécessaire».
Ces défis surviennent à un moment de transition.
La main-d’œuvre chinoise diminue depuis plus d’une décennie, ce qui pèse sur une économie qui repose encore sur des industries à forte intensité de main-d’œuvre. Avec la chute des prix de l’immobilier et la faiblesse des cours boursiers, même les familles de la classe moyenne économisent au lieu de dépenser.
Selon Michael Pettis, éminent spécialiste de l’économie chinoise et professeur à l’université de Pékin, une stratégie consisterait à transférer davantage de richesses nationales dans les poches des travailleurs.
«Le problème de la Chine est le même depuis dix ans, à savoir que la demande intérieure, tirée par la consommation, est très faible, a-t-il analysé. Entre-temps, l’excès d’investissement dans la construction produit des rendements décroissants.»
«Cette année est donc vraiment une année au cours de laquelle ils essaient de résoudre ces déséquilibres. Ils veulent augmenter la consommation. Mais il est très difficile de le faire, car cela implique une redistribution majeure des revenus», a dit M. Pettis.
La crainte que la Chine ne tente d’exporter pour se sortir de ses difficultés suscite déjà l’inquiétude aux États-Unis et en Europe, car les banques chinoises multiplient les prêts aux fabricants de véhicules électriques, de panneaux solaires et de nombreux autres produits industriels. La question occupe déjà une place importante dans les discussions entre Pékin et Washington.
«Si vous fabriquez de plus en plus de produits et que vous ne les consommez pas, vous avez besoin d’excédents commerciaux pour les absorber», a rappelé M. Pettis.
Certaines localités chinoises tentent une autre approche en créant des programmes de logements abordables qui investissent dans des appartements inoccupés. Une telle démarche peut permettre de lutter contre les inégalités croissantes et de libérer davantage de revenus pour les dépenses.
«Je pense qu’il faut combiner des mesures à court et à long terme, a déclaré Louis Kuijs, économiste en chef pour l’Asie-Pacifique chez S&P Global. Je pense que tout ce qui peut être fait pour donner de l’élan à l’économie sera utile.»