La coalition de gauche Nouveau Front populaire (NFP) a causé la surprise, arrivant en tête du second tour des élections législatives françaises avec 182 sièges, selon les résultats officiels définitifs. Elle n’obtient toutefois pas la majorité.
L’alliance centriste du président Emmanuel Macron, Ensemble, est quant à elle arrivée en deuxième position et disposera de 168 sièges à l’Assemblée nationale.
Le Rassemblement national (RN), parti d’extrême droite qui avait fini en tête au premier tour, est arrivé troisième contre toute attente. Il a cependant obtenu un nombre record de sièges et sera représenté par 143 députés.
Un minimum de 289 sièges était nécessaire pour obtenir une majorité absolue à l’Assemblée nationale et ainsi être en position de gouverner le pays.
L’une des têtes d’affiche de la gauche française, Jean-Luc Mélenchon, fondateur de La France insoumise, a qualifié les premières estimations d’«immense soulagement pour une écrasante majorité de personnes dans notre pays» dans un discours peu après 20 h, heure locale, et a exigé la démission du premier ministre Gabriel Attal. M. Mélenchon est le plus éminent des dirigeants de gauche qui se sont réunis de manière inattendue avant les élections pour former le NFP.
«Ce soir, le Rassemblement national est loin d’avoir la majorité absolue que les commentateurs lui prédisaient il y a une semaine à peine. C’est même tout le contraire», a-t-il lancé.
«La défaite du président de la république et de sa coalition est clairement confirmée», a-t-il dit au sujet d’Emmanuel Macron et de sa coalition Ensemble. «Le président doit s’incliner et admettre cette défaite sans tenter de la contourner de quelque façon que ce soit», a-t-il ajouté.
Un autre meneur du NFP, Olivier Faure, a dit dans un discours après l’annonce des estimations que l’alliance ne prêtera à «aucune coalition des contraires qui viendrait trahir le vote des Français».
M. Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, a aussi affirmé que la France avait besoin de «retrouver la force d’un pays qui se réunit sur des bases claires, sur des valeurs claires: celles de la république».
Le premier ministre, Gabriel Attal, a annoncé qu’il remettrait sa démission au président Macron lundi matin, comme le veut la tradition. Selon la coutume, le premier ministre sortant présente sa démission après le vote, et ce, peu importe le résultat.
«J’assumerai bien évidemment mes fonctions aussi longtemps que le devoir l’exigera», a indiqué M. Attal, alors que Paris accueillera les Jeux olympiques du 26 juillet au 11 août.
«Ce soir, une nouvelle ère commence», a dit M. Attal.
C’est Emmanuel Macron qui choisira qui sera le prochain premier ministre.
Jordan Bardella, président du RN, a attribué la défaite de sa formation à «l’alliance du déshonneur et les arrangements électoraux dangereux passés par Emmanuel Macron et Gabriel Attal avec les formations d’extrême gauche», faisant référence au désistement de candidats d’Ensemble qui étaient arrivés troisièmes au premier tour en vue du second scrutin.
«Ce soir, ces accords électoraux jettent la France dans les bras de l’extrême gauche de Jean-Luc Mélenchon.»
M. Bardella a toutefois salué les gains du RN, qui «double son nombre de députés».
L’absence de majorité pour un parti ou une coalition plonge la France dans une incertitude politique et économique.
Le pays est désormais confronté à la perspective de semaines de machinations politiques pour déterminer qui sera premier ministre et dirigera l’Assemblée nationale. M. Macron fait face à la perspective de diriger le pays aux côtés d’un premier ministre opposé à la plupart de ses politiques intérieures.
Pari perdu
Emmanuel Macron a pris un pari énorme quand il a dissous la chambre basse du Parlement et convoqué des élections rapides après que ses centristes ont été battus aux élections européennes du 9 juin.
Les résultats des élections anticipées dans ce pays doté de l’arme nucléaire influenceront la guerre en Ukraine, la diplomatie et la stabilité économique de l’Europe, et ont affaibli le président Emmanuel Macron pour les trois années restantes de sa présidence.
Le premier tour, le 30 juin, avait vu les gains les plus importants jamais enregistrés pour le RN anti-immigration et nationaliste, dirigé par Marine Le Pen.
Un peu plus de 49 millions de personnes étaient inscrites sur les listes électorales pour ces élections qui déterminaient quel parti contrôlera les 577 membres de l’Assemblée nationale, l’influente chambre basse du Parlement français, et qui sera premier ministre. Avec le soutient à M. Macron érodé, le président sera contraint de partager le pouvoir avec des partis opposés à la plupart de ses politiques pro-entreprises et pro-Union européenne.
Le racisme et l’antisémitisme ont entaché la campagne électorale et plus de 50 candidats ont déclaré avoir été agressés physiquement, fait inhabituel en France. Le gouvernement a déployé 30 000 policiers le jour du scrutin.
Ces tensions accrues surviennent alors que la France se prépare pour un été unique: Paris accueillera des Jeux olympiques particulièrement ambitieux, l’équipe nationale de soccer a atteint la demi-finale de l’Euro 2024 et le Tour de France sillonne le pays aux côtés de la flamme olympique.
Les électeurs résidant dans les Amériques et dans les territoires français d’outre-mer de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Guadeloupe, Martinique, Guyane et Polynésie française ont voté samedi.
La «cohabitation» ou un gouvernement technique envisagés
Ces élections auraient pu donner à la France son premier gouvernement d’extrême droite depuis l’occupation nazie pendant la Seconde Guerre mondiale si le RN remportait la majorité absolue et que son leader Jordan Bardella, 28 ans, devenait premier ministre. Le parti est arrivé en tête au premier tour de la semaine précédente, suivi par la coalition de partis de centre gauche, d’extrême gauche et des Verts, et par l’alliance centriste de Macron.
S’il remportait la majorité, Emmanuel Macron aurait été contraint de partager le pouvoir dans un arrangement délicat connu en France sous le nom de «cohabitation».
Finalement, aucun parti n’a la majorité, ce qui pourrait inciter M. Macron à poursuivre les négociations afin de former une coalition avec les partis de centre gauche ou à nommer un gouvernement technique, soit sans affiliation politique.
Cette situation est sans précédent pour la France moderne et rendra plus difficile pour la deuxième économie de l’Union européenne de prendre des décisions audacieuses concernant l’armement de l’Ukraine, la réforme de la législation du travail ou la réduction de son énorme déficit. Les marchés financiers sont nerveux depuis que M. Macron a surpris tout le monde, y compris ses plus proches alliés, en juin, en annonçant des élections anticipées.
Au préalable de l’élection, le président Macron a assuré qu’il ne démissionnerait pas et qu’il resterait président jusqu’à la fin de son mandat en 2027.
De nombreux électeurs français, en particulier dans les petites villes et les zones rurales, sont mécontents de leur situation financière et par une direction politique parisienne considérée comme élitiste et indifférente aux luttes quotidiennes des travailleurs. Le RN s’est rapproché de ces électeurs, souvent en accusant l’immigration d’être responsable des problèmes de la France, et a obtenu un soutien indéfectible au cours de la dernière décennie.
Marine Le Pen a assoupli de nombreuses positions du parti – elle n’appelle plus à quitter l’OTAN ou l’Union européenne – pour le rendre plus accessible. Mais les valeurs fondamentales d’extrême droite du parti demeurent. Il souhaite un référendum sur la question de savoir si le fait d’être né en France suffit à mériter la citoyenneté, pour restreindre les droits de personnes ayant la double citoyenneté et à accorder à la police plus de liberté pour utiliser des armes.