Les plaidoiries finales au procès pour espionnage du journaliste américain Evan Gershkovich auront lieu vendredi, a annoncé le tribunal, alors que la procédure dans le système judiciaire hautement politisé russe s’accélère dans une affaire qui a vu le reporter du «Wall Street Journal» emprisonné depuis plus d’un an.
M. Gershkovich a assisté jeudi à son procès pour une deuxième journée à huis clos, a indiqué le tribunal. Il fait face à des accusations que lui, son employeur et le gouvernement américain nient avec véhémence.
Contrairement aux audiences précédentes au cours desquelles les journalistes avaient été autorisés à voir l’accusé brièvement avant le début de la procédure, il n’y avait pas d’accès à la salle d’audience et il n’a pas été vu. Les affaires d’espionnage et de trahison sont généralement entourées du plus grand secret.
Evan Gershkovich, âgé de 32 ans, a été arrêté le 29 mars 2023 alors qu’il effectuait un reportage. Les autorités ont affirmé, sans apporter aucune preuve, qu’il colligeait des informations secrètes pour le compte des États-Unis. Né aux États-Unis de parents qui avaient émigré d’Union soviétique, M. Gershkovich est le premier journaliste occidental arrêté pour espionnage dans la Russie post-soviétique.
Le département d’État américain l’a déclaré «détenu à tort», engageant ainsi le gouvernement à demander avec fermeté sa libération.
Evan Gershkovich risque jusqu’à 20 ans de prison si le tribunal le déclare coupable, ce qui est presque certain. Les tribunaux russes condamnent plus de 99 % des accusés qui leur sont présentés, et les procureurs peuvent faire appel des peines qu’ils jugent trop clémentes – même sur des acquittements.
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a révélé mercredi que les services de renseignement de Moscou et de Washington discutaient d’un échange impliquant M. Gershkovich, selon l’agence de presse officielle russe Tass.
La Russie a déjà évoqué la possibilité d’un échange impliquant M. Gershkovich, mais elle prévient qu’un verdict devrait d’abord être rendu.
Le procès de M. Gershkovich a débuté le 26 juin à Iekaterinbourg, dans les montagnes de l’Oural; il avait passé environ 15 mois dans la tristement célèbre prison de Lefortovo, à Moscou.
Lors de la première audience du procès, le tribunal avait ajourné jusqu’à la mi-août. Mais les avocats de M. Gershkovich ont demandé que la deuxième audience ait lieu plus tôt, ont rapporté mardi l’agence de presse officielle russe RIA Novosti et le site d’information indépendant Mediazona, citant des responsables du tribunal.
Le bureau du procureur général russe a affirmé le mois dernier que le journaliste était accusé d’avoir «recueilli des informations secrètes» sur ordre de la CIA au sujet d’Uralvagonzavod, une usine située à environ 150 km au nord d’Iekaterinbourg qui produit et répare des chars et d’autres équipements militaires.
L’employeur de M. Gershkovich et les responsables américains ont rejeté ces accusations comme étant fabriquées de toutes pièces et ont dénoncé le procès comme étant illégitime et un simulacre.
«Evan n’a jamais été employé par le gouvernement américain. Evan n’est pas un espion. Le journalisme n’est pas un crime. Et Evan n’aurait jamais dû être arrêté en premier lieu», a soutenu le mois dernier le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche, John Kirby.
En outre, l’interprétation russe de ce qui constitue des crimes graves comme l’espionnage et la trahison est large, les autorités s’en prenant souvent aux personnes qui partagent des informations accessibles au public avec des étrangers et les accusant de divulguer des secrets d’État.
Les arrestations d’Américains sont de plus en plus fréquentes en Russie: neuf citoyens américains y sont actuellement détenus alors que les tensions entre les deux pays se sont intensifiées à cause des combats en Ukraine.