Le président Emmanuel Macron refuse la démission du premier ministre Gabriel Attal

Sylvie Corbet et Lori Hinnant, The Associated Press
Le président Emmanuel Macron refuse la démission du premier ministre Gabriel Attal

Le président de la France, Emmanuel Macron, a refusé la démission du premier ministre du pays, Gabriel Attal, lui demandant plutôt de rester temporairement à la tête du gouvernement puisque les résultats chaotiques des élections législatives ont laissé le gouvernement dans les limbes.

Les électeurs ont divisé le Parlement entre la gauche, le centre et l’extrême droite, ne laissant aucune faction ne serait-ce que proche de la majorité nécessaire pour former un gouvernement. Les résultats du vote de dimanche ont accru le risque de paralysie pour la deuxième économie de l’Union européenne.

Le président Macron avait parié que sa décision de déclencher des élections anticipées allait mener la France à un «moment de clarification», mais le résultat a été tout autre, à moins de trois semaines du début des Jeux olympiques de Paris.

La bourse française a chuté dès son ouverture avant de se redresser rapidement, peut-être parce que les marchés craignaient une victoire pure et simple de l’extrême droite ou de la coalition de gauche.

Le premier ministre Gabriel Attal avait déclaré qu’il resterait en fonction si nécessaire, mais a proposé sa démission lundi matin. Emmanuel Macron, qui l’a nommé il y a sept mois à peine, lui a immédiatement demandé de rester «pour assurer la stabilité du pays». Les principaux alliés politiques de M. Macron ont rejoint la réunion avec M. Attal au palais présidentiel, qui s’est terminée au bout d’environ 90 minutes.

Dimanche, M. Attal a clairement indiqué qu’il n’était pas d’accord avec la décision de M. Macron de convoquer des élections surprises. Les résultats des deux tours de scrutin n’ont laissé aucune voie évidente pour former un gouvernement pour la coalition de gauche arrivée en tête, l’alliance centriste de Macron ou l’extrême droite.

Négociations pour former un gouvernement

Les législateurs nouvellement élus et réélus se sont réunis lundi à l’Assemblée nationale pour entamer sérieusement les négociations sur un nouveau gouvernement. Emmanuel Macron partira en milieu de semaine pour un sommet de l’OTAN à Washington.

Les discussions sur qui devrait former un nouveau gouvernement et qui devrait diriger les ministères des Affaires étrangères, de l’Intérieur et des Finances, entre autres, devraient être extrêmement difficiles et longues étant donné que les partis politiques qui négocient un accord ont des politiques diamétralement opposées et se méprisent les uns les autres.

«Nous sommes dans une situation totalement inédite», a déclaré Jean-Didier Berger, député nouvellement élu du parti conservateur Les Républicains.

Aurélien Rousseau, député nouvellement élu du Nouveau Front populaire et ancien ministre du gouvernement Macron, a reconnu des désaccords au sein de l’alliance de gauche sur la formation du gouvernement, mais a affirmé qu’un accord demeurait possible.

«Nous devons construire des compromis, mais nous devons prendre le temps de discuter, de savoir sur quoi nous sommes d’accord ou en désaccord au sein de la gauche», a expliqué M. Rousseau.

Un autre député du Nouveau Front populaire, Jérôme Guedj, du Parti socialiste français, a déclaré que l’alliance de gauche ne céderait pas à la pression pour nommer son candidat au poste de premier ministre qui pourrait gouverner aux côtés du président Macron.

«C’est un moment déroutant (et) nous n’allons pas ajouter d’anxiété, de division inutile à un moment où nous devons trouver le bon chemin», a-t-il affirmé.

Impacts à l’international

Une impasse politique pourrait avoir des conséquences considérables sur une invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, sur la diplomatie mondiale et sur la stabilité économique de l’Europe. Pourtant, au moins un dirigeant a déclaré que le résultat était un soulagement.

«À Paris l’enthousiasme, à Moscou la déception, à Kyiv le soulagement. Assez pour être heureux à Varsovie», a publié dimanche soir, sur X, le premier ministre polonais Donald Tusk, ancien président du Conseil européen.

Selon les résultats officiels publiés lundi matin, les trois principaux blocs sont loin d’atteindre les 289 sièges nécessaires pour contrôler les 577 que compte l’Assemblée nationale, la plus puissante des deux chambres législatives françaises.

Les résultats ont montré un peu plus de 180 sièges pour la coalition de gauche du Nouveau Front populaire, qui s’est classée première, devançant l’alliance centriste de Macron, avec un peu plus de 160 sièges. Le Rassemblement national d’extrême droite de Marine Le Pen et ses alliés ont été limités à la troisième place, même si leurs plus de 140 sièges étaient encore loin devant le précédent meilleur résultat du parti, de 89 sièges en 2022.

Il reste encore trois ans au mandat présidentiel d’Emmanuel Macron.

À la recherche d’un consensus

Plutôt que de se rallier à M. Macron comme celui-ci l’espérait, des millions de personnes ont profité du vote pour exprimer leur colère face à l’inflation, à la criminalité, à l’immigration et à d’autres griefs, notamment son style de gouvernement.

Les dirigeants du Nouveau Front populaire ont immédiatement poussé M. Macron à leur donner la première chance de former un gouvernement et de proposer un premier ministre. La faction s’engage à annuler bon nombre des réformes phares d’Emmanuel Macron, à se lancer dans un programme coûteux de dépenses publiques et à adopter une ligne plus dure contre Israël en raison de la guerre avec le Hamas. Mais il n’est pas clair, même au sein de la gauche, qui pourrait diriger le gouvernement sans s’aliéner des alliés essentiels.

«Il faut quelqu’un de consensuel, (…) un profil qui puisse dialoguer avec l’extérieur», a déclaré Olivier Faure, chef du Parti socialiste, qui a rejoint la coalition de gauche et qui était encore en train de déterminer le nombre de sièges qu’il remporterait, lundi.

M. Macron prévient que le programme économique de la gauche prévoyant plusieurs dizaines de milliards d’euros de dépenses publiques, financées en partie par des impôts sur la fortune et des hausses pour les hauts revenus, pourrait être ruineux pour la France, déjà critiquée par les organismes de surveillance de l’UE pour sa dette.

Un Parlement sans majorité est un territoire inconnu pour la France moderne, et de nombreuses personnes ont réagi avec un mélange de soulagement et d’appréhension.

L’ascencion du RN bloquée

L’accord politique entre la gauche et le centre pour bloquer le Rassemblement national a été largement couronné de succès. De nombreux électeurs ont décidé qu’il était plus important de garder l’extrême droite loin du pouvoir, en soutenant ses opposants lors du second tour, même s’ils n’appartenaient pas au camp politique qu’ils soutiennent habituellement.

Marine Le Pen, qui devrait se présenter une quatrième fois à la présidence française en 2027, a déclaré que les élections jetaient les bases de «la victoire de demain».

Le racisme et l’antisémitisme ont entaché la campagne électorale, ainsi que les campagnes de désinformation russes, et plus de 50 candidats ont déclaré avoir été agressés physiquement, ce qui est très inhabituel en France.

Contrairement à d’autres pays d’Europe plus habitués aux gouvernements de coalition, la France n’a pas pour tradition de réunir des législateurs de camps politiques rivaux pour former une majorité. La France est également plus centralisée que de nombreux autres pays européens, avec beaucoup plus de décisions prises à Paris.

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