RAFAH, Palestine — Les Palestiniens ont commencé à jeûner pour le Ramadan lundi alors que le mois sacré musulman arrivait avec des pourparlers de cessez-le-feu au point mort, une aggravation de la faim dans la bande de Gaza et aucune fin en vue à la guerre de cinq mois entre Israël et le Hamas.
Des prières ont eu lieu à l’extérieur, au milieu des décombres des bâtiments démolis, dimanche soir. Certaines personnes ont accroché des guirlandes lumineuses et des décorations dans des camps de tentes bondés, et une vidéo d’une école de l’Organisation des Nations unies (ONU) transformée en refuge montrait des enfants dansant pendant qu’un homme chantait dans un haut-parleur.
Mais il n’y avait pas grand-chose à célébrer après cinq mois de guerre qui a tué plus de 30 000 Palestiniens et laissé une grande partie de Gaza en ruines. Les familles rompent généralement le jeûne quotidien avec des festins, mais même là où la nourriture est disponible, il n’y a pas plus que des conserves et les prix sont trop élevés pour beaucoup.
«On ne voit personne avec de la joie dans les yeux, a déclaré Sabah al-Hendi, qui faisait des courses dimanche à Rafah, la ville la plus au sud du territoire. Chaque famille est triste. Chaque famille a un martyr.»
Les États-Unis, le Qatar et l’Égypte avaient espéré négocier un cessez-le-feu avant ces festivités normalement joyeuses, qui aurait inclus la libération de dizaines d’otages israéliens et de prisonniers palestiniens ainsi que l’entrée d’aide humanitaire, mais les négociations ont stagné la semaine dernière.
Le Hamas exige des garanties qu’un tel accord mettrait fin à la guerre, tandis que le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou s’est engagé à poursuivre l’offensive jusqu’à la «victoire totale» contre le groupe militant et la libération de tous les otages restants.
M. Nétanyahou a affirmé lundi qu’Israël avait tué le «numéro quatre» du Hamas et a ajouté que d’autres assassinats ciblés allaient avoir lieu.
«Trois, deux et un sont en route. Ce sont tous des hommes morts. Nous les atteindrons tous», a-t-il déclaré.
Le premier ministre faisait probablement référence à l’assassinat de Saleh Arouri, chef politique adjoint du Hamas et fondateur de la branche militaire du groupe, tué dans une explosion à Beyrouth en janvier. Beaucoup pensent qu’Israël est à l’origine de l’explosion, même si le pays n’a pas revendiqué l’assassinat.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a exhorté Israël et le Hamas à honorer l’esprit du ramadan en «faisant taire les armes» et en libérant tous les otages.
«Les yeux du monde regardent. Les yeux de l’histoire regardent. Nous ne pouvons pas détourner le regard, a-t-il déclaré. Nous devons agir pour éviter davantage de morts évitables … Les civils désespérés ont besoin d’une action – d’une action immédiate.»
La guerre a éclaté lorsque des militants dirigés par le Hamas ont fait irruption dans le sud d’Israël le 7 octobre, tuant quelque 1200 personnes, pour la plupart des civils, et prenant environ 250 otages. On pense que le Hamas détient toujours une centaine de prisonniers et les dépouilles de 30 autres personnes à la suite d’un échange l’année dernière.
La guerre a chassé de leurs foyers environ 80 % des 2,3 millions d’habitants de Gaza et poussé des centaines de milliers de personnes au bord de la famine. Les responsables de la santé affirment qu’au moins 20 personnes, pour la plupart des enfants, sont mortes de malnutrition et de déshydratation dans le nord de Gaza.
Offensive à Rafah
Les forces israéliennes ont largement bouclé le nord depuis octobre, et les groupes humanitaires affirment que les restrictions israéliennes, les hostilités en cours et l’effondrement de l’ordre public ont rendu presque impossible la livraison en toute sécurité de la nourriture dont une grande partie du territoire a besoin.
Israël s’est entre-temps engagé à étendre son offensive à la ville méridionale de Rafah, où la moitié de la population de Gaza a cherché refuge, sans dire où les civils iraient pour échapper à l’attaque. Le président Joe Biden a déclaré qu’une attaque contre Rafah constituerait une «ligne rouge» pour lui, mais que les États-Unis continueraient de fournir une aide militaire à Israël.
M. Biden a reconnu dans son message annuel du Ramadan que le mois sacré survient «à un moment de douleur intense».
«Alors que les musulmans se rassembleront dans le monde entier dans les jours et semaines à venir pour rompre leur jeûne, la souffrance du peuple palestinien sera au premier plan pour beaucoup. C’est une priorité pour moi», a-t-il assuré.
Les États-Unis et d’autres pays ont commencé à larguer de l’aide ces derniers jours, mais les groupes humanitaires estiment que ces efforts sont coûteux et insuffisants. L’armée américaine a également commencé à transporter du matériel pour construire un pont maritime destiné à acheminer l’aide, mais il faudra probablement plusieurs semaines avant qu’il soit opérationnel.
De l’aide attendue par bateau
Un navire appartenant au groupe humanitaire espagnol Open Arms transportant 200 tonnes d’aide alimentaire devait effectuer un voyage pilote vers Gaza depuis Chypre, mais on ne sait pas exactement quand il partira. Israël affirme qu’il accueillera les livraisons maritimes et qu’il inspectera les marchandises à destination de Gaza avant qu’elles ne quittent Chypre.
Le navire à Chypre devrait mettre deux à trois jours pour arriver dans un lieu tenu secret à Gaza. La nourriture est fournie par World Central Kitchen, une organisation caritative américaine fondée par le célèbre chef José Andrés, qui a déclaré que les travaux de construction d’une jetée à Gaza avaient commencé dimanche. Une fois que le navire atteindra Gaza, l’aide sera déchargée par une grue, placée sur des camions et conduite vers le nord.
Les États-Unis ont fourni un soutien militaire crucial à Israël et l’ont protégé des appels internationaux au cessez-le-feu tout en l’exhortant à faire davantage pour éviter de nuire aux civils et faciliter l’aide humanitaire.
Le ministère de la Santé de Gaza a indiqué qu’au moins 31 112 Palestiniens avaient été tués depuis le début de la guerre, dont 67 corps transportés dans les hôpitaux au cours des dernières 24 heures. Le ministère ne fait pas de différence entre les civils et les combattants dans son bilan, mais affirme que les femmes et les enfants représentent les deux tiers des morts.
Israël impute le bilan des morts civiles au Hamas parce que les militants combattent dans des zones résidentielles denses et positionnent leurs combattants, des tunnels et des lance-roquettes à proximité des maisons, des écoles et des mosquées. L’armée affirme avoir tué 13 000 combattants du Hamas, sans fournir de preuves.
S’adressant samedi à MSNBC, le président Biden a dit qu’Israël avait le droit de répondre à l’attaque du 7 octobre, mais que M. Nétanyahou «devait accorder plus d’attention aux vies innocentes perdues». Il a ajouté qu’«on ne pouvait pas avoir 30 000 Palestiniens morts de plus».