Les responsables électoraux en Tunisie ont réitéré lundi leur refus d’accréditer certains groupes d’observateurs, qui ont déclaré que cette décision montre que l’élection présidentielle d’octobre dans ce pays du Maghreb ne sera ni libre ni équitable.
L’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) a affirmé dans un communiqué que plusieurs groupes de la société civile qui avaient demandé une accréditation avaient reçu un «énorme montant» de financement étranger d’une origine suspecte et devaient donc se voir refuser l’accréditation pour observer l’élection.
L’ISIE n’a pas nommé explicitement les groupes en question, mais l’un des membres de sa commission a indiqué la fin de semaine dernière que des allégations formelles ont été portées contre deux groupes spécifiques au procureur de la Tunisie selon lesquelles ils auraient reçu des fonds de l’étranger.
Les deux organisations, I-Watch et Mourakiboun (qui signifie «observateurs» en arabe), ne sont pas les premiers groupes de la société civile à être poursuivis par les autorités tunisiennes. Sous la présidence de Kaïs Saïed, les ONG sont de plus en plus prises pour cible en raison de leur travail, qui va de l’aide aux migrants aux droits de l’homme en passant par les efforts de développement local.
Tout au long de son mandat, M. Saïed a accusé les groupes de la société civile d’avoir des motivations néfastes et d’être des marionnettes de pays étrangers critiques à l’égard de son style de gouvernance. Il a allégué que les ONG qui reçoivent des fonds de l’étranger ont l’intention de perturber le tissu social et la politique intérieure du pays.
Certains des groupes ciblés ont de plus en plus critiqué les décisions des autorités d’arrêter des candidats potentiels et d’interdire à d’autres de se présenter au cours des derniers mois. D’autres groupes, dont I-Watch et Mourakiboun, ont demandé une accréditation pour agir en tant qu’observateurs électoraux indépendants pour le scrutin du 6 octobre.
Dans un communiqué, I-Watch a fustigé les efforts de l’ISIE pour remettre en question son financement et les ont qualifiés de «tentative désespérée de distraire l’opinion publique en cachant les violations qu’elle a commises et son incapacité à appliquer la loi».
Siwar Gmati, membre du groupe de surveillance, a déclaré à l’Associated Press que tout financement étranger qu’I-Watch a reçu pour des projets spécifiques dans le passé a été fourni conformément à la loi tunisienne et divulgué de manière transparente.
«Nous n’avons pas demandé de financement aux donateurs pour cette mission de surveillance électorale», a-t-elle soutenu, niant les allégations de l’ISIE.
Les informations financières publiées sur le site Internet d’I-Watch montrent que certains de ses programmes passés ont été financés par des groupes tels que Transparency International et Deutsche Welle Akademie, ainsi que par l’Union européenne (UE) et l’ambassade des États-Unis.
Mme Gmati a déclaré qu’I-Watch n’accepte plus de financement américain et que le groupe est actuellement engagé dans deux projets avec l’UE pour lesquels il a reçu un financement l’année dernière.
Série de controverses
La querelle avec les observateurs électoraux potentiels est la dernière d’une série de controverses qui ont tourmenté l’ISIE ces derniers mois, au cours desquels les critiques l’ont accusée de manquer d’indépendance et d’agir au nom du président. La semaine dernière, des dizaines de Tunisiens critiques du rôle de la commission ont manifesté devant son siège.
Les tensions ont augmenté la semaine dernière après que l’autorité électorale a publié une liste définitive de candidats comprenant M. Saïed et seulement deux autres candidats, rejetant une ordonnance du tribunal exigeant qu’elle réintègre trois autres qu’elle avait précédemment exclus.
La commission électorale a fait valoir qu’elle n’avait pas reçu la décision du tribunal dans le délai légal. Les critiques ont qualifié cette révocation de politiquement motivée et un porte-parole du tribunal a déclaré que le fait d’ignorer une décision de justice de cette manière était sans précédent en Tunisie.
L’ISIE a rejeté la demande d’I-Watch d’observer l’élection en juillet. L’ONG a fait appel et a demandé des éclaircissements en août.
I-Watch a qualifié les déclarations publiques de l’ISIE de «prétexte fragile» pour exclure les observateurs électoraux du scrutin présidentiel du 6 octobre.