Trois jours plus tard, un portrait énigmatique émerge de l’homme de 20 ans qui a failli tuer l’ancien président Donald Trump avec une balle à haute vélocité : c’était un solitaire intelligent avec peu d’amis, une empreinte apparemment mince sur les médias sociaux et aucun indice de croyances politiques fortes qui suggérerait un motif pour une tentative d’assassinat.
Même après que le FBI ait piraté le téléphone portable de Thomas Matthew Crooks, fouillé son ordinateur, sa maison et sa voiture, et interrogé plus de cent personnes, le mystère de la raison pour laquelle il a ouvert le feu sur le rassemblement de M. Trump samedi, une balle frôlant l’oreille du candidat républicain, reste aussi insaisissable qu’au moment où cela s’est produit.
«Il s’assoyait tout seul, ne parlait à personne, n’essayait même pas de faire la conversation», a déclaré Liam Campbell, 17 ans, se faisant l’écho des commentaires de ses camarades de classe qui se souviennent du tireur dans cette communauté tranquille à l’extérieur de Pittsburgh.
«C’était un garçon bizarre, mais rien ne semblait dangereux chez lui, a-t-il ajouté. C’était juste une personne normale qui semblait ne pas aimer parler aux gens.»
Jusqu’à présent, il n’a pas été rendu public que le tireur avait laissé des écrits, une lettre de suicide, un message sur les réseaux sociaux ou tout autre indicateur expliquant les raisons qui l’ont poussé à s’en prendre à M. Trump. Un responsable des forces de l’ordre informé de l’enquête en cours a révélé à l’Associated Press, sous couvert d’anonymat, que le téléphone de Crooks n’avait pas donné d’indices significatifs sur son mobile, ni sur le fait qu’il ait agi seul ou avec d’autres personnes.
Les tendances politiques de Crooks sont également floues. Crooks était enregistré comme républicain en Pennsylvanie, mais les rapports fédéraux sur le financement des campagnes électorales montrent également qu’il a donné 15 $ US à un comité d’action politique progressiste le 20 janvier 2021, le jour où le président démocrate Joe Biden a prêté serment.
L’absence d’explication satisfaisante a conduit le secrétaire à la Sécurité intérieure, Alejandro Mayorkas, à rappeler la longue enquête fédérale sur la fusillade de masse de 2017 à Las Vegas, l’attaque de ce type la plus meurtrière de l’histoire du pays. Cette enquête s’est achevée au bout de 17 mois sans qu’aucun motif n’ait été trouvé pour expliquer ce qui a poussé le tireur de 64 ans à tirer plus de 1000 balles sur une foule de spectateurs, si ce n’est d’«atteindre un certain degré d’infamie».
Crooks, de corpulence légère, avec des lunettes à monture métallique et des cheveux fins séparés au milieu, se faisait appeler «Tom». Ses camarades de classe de l’école secondaire de Bethel Park le décrivent comme intelligent mais distant, portant souvent des écouteurs et préférant s’asseoir seul à l’heure du diner pour regarder son téléphone. Certains ont indiqué que les autres élèves se moquaient souvent de lui en raison des vêtements qu’il portait, notamment des tenues de chasse, et parce qu’il continuait à porter un masque après la fin de la pandémie.
«Il était victime d’intimidation presque tous les jours, a déclaré Jason Kohler, un camarade de classe. Il était tout simplement un paria.»
Après avoir obtenu son diplôme de fin d’études secondaires en 2022, Crooks s’est inscrit au Community College of Allegheny County, où il a obtenu en mai un diplôme d’associé avec mention en sciences de l’ingénieur. Il a également travaillé dans une maison de retraite en tant qu’aide diététique.
Une étude réalisée en 1997 par les services secrets sur les personnes ayant tenté de commettre des assassinats depuis 1949 a révélé qu’il n’existait pas d’indicateur unique permettant de déterminer si une personne pouvait chercher à attenter à la vie d’une personnalité publique. Cependant, les deux tiers de tous les attaquants ont été décrits comme des «isolés sociaux».
Comme Crooks, peu d’entre eux avaient des antécédents de crimes violents ou un casier judiciaire. Selon l’étude, la plupart des agresseurs avaient également l’habitude de manipuler des armes, mais ne possédaient pas d’armes officielles ou n’avaient pas suivi de formation militaire.
En première secondaire, Crooks avait essayé de faire partie de l’équipe de tir de son école, mais il avait été rejeté en raison de son manque d’adresse au tir, comme l’a rapporté l’AP. Par l’intermédiaire de sa famille, il était membre du Clairton Sportsmen’s Club, un champ de tir situé à environ 17 kilomètres à l’est de Bethel Park.
«Nous savons très peu de choses sur lui», a déclaré le président du club, Bill Sellitto, à l’AP. C’est une chose terrible, terrible qui s’est produite samedi – ce n’est pas du tout ce que nous faisons ».
Le club dispose d’un stand de tir extérieur pour les fusils de grande puissance, avec des cibles placées à des distances allant jusqu’à 170 mètres (187 verges).
Crooks se trouvait largement à l’intérieur de cette distance lorsqu’il a ouvert le feu sur M. Trump samedi, à environ 135 mètres de l’endroit où ce dernier s’exprimait, tirant deux volées rapides de balles sur l’ancien président à l’aide d’un fusil de type AR-15.
Son père, Matthew Crooks, avait acheté l’arme à West Mifflin, en Pennsylvanie, en 2013 chez Gander Mountain, une chaîne de magasins de plein air.
La veille de la fusillade, Thomas Crooks s’est rendu au club de sport et s’est entraîné sur le champ de tir, selon un rapport des services de renseignement fédéraux obtenu par l’AP. Le jour de l’attaque, il a acheté 50 cartouches de 5,56 mm pour son fusil dans une armurerie locale et s’est rendu seul à Butler, en Pennsylvanie, où se tenait le rassemblement de Trump.
Il s’est garé sur le stationnement d’une station-service à quelques centaines de mètres de l’événement. Il portait un T-shirt gris avec le logo d’une chaîne YouTube populaire consacrée aux armes à feu, un short camouflage et une ceinture noire.
Des témoins et des représentants des forces de l’ordre affirment que Crooks a marché pendant au moins une demi-heure avant de monter sur le toit d’un bâtiment adjacent au Butler Farm Show, où M. Trump s’exprimait. Alors que les spectateurs criaient pour que la police intervienne, Crooks a ouvert le feu, lâchant deux rafales rapides. Un contre-tireur des services secrets a riposté dans les 15 secondes qui ont suivi, tuant Crooks d’une balle dans la tête.
M. Trump a déclaré cette semaine qu’une balle avait touché son oreille droite et que seule une rotation de la tête à la dernière seconde l’avait empêché d’être mortellement blessé. L’une des balles visant M. Trump a tué Corey Comperatore, un pompier de 50 ans qui se trouvait dans les gradins. Deux autres personnes ont été grièvement blessées.
En l’absence d’une vision claire des motivations de Crooks, de nombreuses personnes des deux côtés de l’échiquier politique américain ont tenté de combler le vide avec leurs propres hypothèses partisanes, des spéculations sans preuves et des théories du complot dans les jours qui ont suivi la fusillade.
Certains républicains ont reproché aux démocrates d’avoir qualifié M. Trump de menace pour la démocratie. Les démocrates, quant à eux, ont souligné l’inscription de Crooks au Parti républicain et la longue histoire de la rhétorique provocatrice de M. Trump, y compris son éloge continu des émeutiers du 6 janvier.
L’accès à la maison des Crooks reste bloqué par un ruban jaune de la police, avec des officiers qui surveillent et empêchent les journalistes de s’approcher.