L’expansion de groupes extrémistes en Afrique inquiète l’Occident

Lolita C. Baldor, The Associated Press
L’expansion de groupes extrémistes en Afrique inquiète l’Occident

Les groupes extrémistes violents liés à Al-Qaida et au groupe État islamique gagnent en taille et en influence à travers l’Afrique, alimentant les craintes qu’en améliorant leurs tactiques, ils puissent attaquer les États-Unis ou leurs alliés occidentaux.

Les responsables américains de la défense et de l’armée ont décrit les menaces et leurs inquiétudes face à l’instabilité croissante en Afrique, où un certain nombre de coups d’État ont donné le contrôle à des juntes militaires, conduisant au départ des troupes américaines et à un déclin de la collecte de renseignements américains.

«Des menaces telles que Wagner, les groupes terroristes et les organisations criminelles transnationales continuent de semer l’instabilité dans plusieurs régions», a déclaré mardi le général de l’armée de l’air CQ Brown, président des chefs d’état-major interarmées, dans son discours d’ouverture lors d’une conférence des chefs de la défense africains au Botswana. «Je pense que nous pouvons tous être d’accord sur le fait que ce qui se passe dans une partie du monde ne reste pas dans cette seule partie du monde.»

Wagner est le groupe de mercenaires russes s’étant rendu dans les pays africains pour assurer la sécurité quand les forces occidentales, notamment celles des États-Unis et de la France, ont été chassées. Le groupe est connu pour sa brutalité et les organisations de défense des droits humains ont accusé ses membres d’avoir violé et tué des civils.

Même si M. Brown n’a évoqué que brièvement la menace terroriste dans la région, il s’agissait d’un sujet clé parmi d’autres lors de la conférence et a suscité des questions de la part des chefs militaires présents dans l’auditoire après son discours. Ils voulaient savoir ce que les États-Unis pouvaient faire pour aider à endiguer la propagation des insurgés en Afrique de l’Ouest, dans le golfe de Guinée et au Sahel.

C’est la première fois que la conférence des chefs d’état-major de la défense se tient sur le sol africain. Et c’est la première fois que le président américain de cette conférence se rend dans un pays subsaharien depuis 1994, lorsque le général John Shalikashvili s’était rendu au Rwanda et au Zaïre.

Menaces

Un haut responsable américain de la défense a déclaré que les groupes liés à Al-Qaida – tels qu’Al-Shabab en Somalie et Jama’a Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin, connu sous le nom de JNIM, dans la région du Sahel – constituent les insurrections les plus importantes et les plus viables financièrement. JNIM est actif au Mali, au Burkina Faso et au Niger et cherche à s’étendre au Bénin et au Togo, qu’il utilise comme plaques tournantes pour se reposer, obtenir des financements et rassembler des armes, mais où il a également multiplié les attaques.

Au même moment, le groupe État islamique dispose de cellules clés en Afrique de l’Ouest et au Sahel. Le responsable de la défense, qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat pour discuter de l’évaluation de la menace, a déclaré que les cellules de l’État islamique recevaient de plus en plus de directives de la part des dirigeants du groupe qui ont déménagé dans le nord de la Somalie.

Ces directives expliquent notamment comment kidnapper des Occidentaux contre rançon, comment apprendre de meilleures tactiques militaires, comment se cacher des drones et comment construire ses propres petits quadricoptères.

Une frappe aérienne militaire américaine en Somalie le 31 mai a ciblé des militants de l’État islamique et en a tué trois, selon le Commandement américain pour l’Afrique. Les responsables américains ont déclaré que la frappe visait le chef du groupe, mais le responsable de la défense a déclaré lundi qu’il n’était toujours pas clair s’il avait été tué.

Environ 200 insurgés de l’État islamique sont présents en Somalie, ils sont donc largement dépassés en nombre par Al-Shabab, dont le nombre est désormais compris entre 10 000 et 12 000.

Continent propice au djihadisme

La croissance des groupes insurgés en Afrique témoigne de la conviction d’Al-Qaida et du groupe État islamique que le continent est un endroit propice au djihadisme, où l’idéologie extrémiste peut prendre racine et se développer, a déclaré le responsable.

Et cela survient alors que les États-Unis ont reçu l’ordre de retirer leurs 1000 soldats du Niger à la suite du coup d’État de juillet dernier, ainsi qu’environ 75 soldats du Tchad. Ces réductions de troupes, qui ont entraîné la fermeture d’une base américaine essentielle de lutte contre le terrorisme et de drones à Agadez, entravent la collecte de renseignements au Niger, a déclaré le général Michael Langley, chef du Commandement américain pour l’Afrique.

Les opérations de surveillance menées avant le coup d’État ont donné aux États-Unis une plus grande capacité à obtenir des renseignements sur les mouvements insurgés. Désormais, l’objectif principal est un retrait sûr et sécurisé du personnel et des équipements d’Agadez et d’une plus petite installation américaine proche de l’aéroport, a ajouté le général Langley.

Celui-ci a rencontré lors de la conférence le plus haut chef militaire du Niger, le brigadier général Moussa Salaou Barmou. Il a déclaré que les communications entre militaires se poursuivaient, mais qu’il restait encore à déterminer dans quelle mesure le nouveau gouvernement de transition traiterait avec les États-Unis.

Actuellement, a indiqué M. Langley, il y a encore environ 400 soldats à Agadez et 200 près de l’aéroport. Mais il a ajouté qu’« alors que nous sommes en transition et en réinitialisation, nous devons maintenir nos capacités pour obtenir suffisamment de renseignements pour identifier les avertissements d’une menace ».

M. Langley a déclaré que les États-Unis essayaient toujours d’évaluer les capacités des groupes militants à mesure qu’ils se développaient.

«Oui, ils sont de plus en plus nombreux. Ont-ils acquis des capacités accrues leur permettant de mener ce que nous appelons des attaques opérationnelles externes contre le pays et des attaques contre les alliés, qu’il s’agisse de l’Europe ou de n’importe qui d’autre? C’est ce que nous surveillons de près , a-t-il déclaré. Je dirais que cela est possible à mesure qu’ils grandissent en nombre.»

Des relations fragiles

MM. Langley et Brown ont tous deux parlé plus longuement de la nécessité pour les États-Unis et les pays africains de communiquer plus efficacement et de travailler ensemble pour résoudre les problèmes de sécurité et autres.

M. Brown a reconnu que les États-Unis doivent «mieux comprendre les points de vue des autres, en veillant à ce que leurs voix et leur expertise ne soient pas étouffées».

Les États-Unis ont eu du mal à maintenir leurs relations avec les pays africains, dont beaucoup entretiennent des liens croissants avec la Russie et la Chine.

Certains pays africains ont exprimé leur frustration à l’égard des États-Unis qui imposent des questions telles que la démocratie et les droits humains, que beaucoup considèrent comme de l’hypocrisie, compte tenu des liens étroits qu’entretient Washington avec certains dirigeants autocratiques d’ailleurs. Pendant ce temps, la Russie offre une assistance en matière de sécurité sans s’ingérer dans la politique, ce qui en fait un partenaire attrayant pour les juntes militaires qui ont pris le pouvoir dans des pays comme le Mali, le Niger et le Burkina Faso ces dernières années.

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