KIGALI, Rwanda — Le président rwandais Paul Kagame a reproché à la communauté internationale son inaction pendant le génocide survenu dans son pays, il y a 30 ans, au cours duquel quelque 800 000 personnes ont été assassinées par des extrémistes appuyés par le gouvernement de l’époque.
M. Kagame a déclaré dimanche que les Rwandais étaient écœurés par ceux qui mettent en doute l’histoire du génocide. «Les Rwandais vont toujours contester [ce négationnisme]», a-t-il dit. Il a ajouté que les mesures visant à empêcher un nouveau génocide ont été mises en place.
«Notre périple a été long et difficile, a-t-il lancé. Le Rwanda a été tout à fait stupéfait par l’ampleur de ses pertes. Les leçons que nous avons apprises sont inscrites dans le sang. Toutefois, les progrès immenses réalisés par notre pays sont offerts à la vue de tous. Ils sont le résultat du choix que nous avons fait ensemble pour ressusciter notre nation.»
Les commémorations menées par le président Kagame ont été sobres dans la capitale Kigali. Parmi les dignitaires étrangers qui y assistent figure une délégation dirigée par l’ancien président américain Bill Clinton, qui était au pouvoir à Washington pendant le génocide, ainsi que le président israélien Isaac Herzog.
Les massacres avaient commencé après qu’un avion transportant le président Juvénal Habyarimana, un Hutu, eut été abattu au-dessus de Kigali. Les Tutsis ont été blâmés pour cet attentat et sont devenus la cible d’extrémistes hutus. La tuerie s’est étendue pendant plus de 100 jours en 1994, malgré la présence d’une mission de maintien de la paix de l’ONU commandée par le général canadien Roméo Dallaire.
«C’est la communauté internationale qui a failli par lâcheté ou par mépris», a accusé M. Kagame dans un discours. Il avait précédemment allumé la flamme de souvenir et déposé une couronne de fleurs sur un site commémoratif abritant les restes de 250 000 victimes du génocide à Kigali.
Il a aussi raconté l’histoire d’une cousine qu’il avait tenté de sauver avec l’aide de Casques bleus. Elle n’a pas survécu à la tragédie.
Dans une déclaration transmise aux médias dimanche matin, le premier ministre canadien Justin Trudeau a rappelé que le gouvernement fédéral se tenait «aux côtés du peuple rwandais pour rendre hommage aux victimes et aux survivants de ce génocide».
«J’invite les Canadiens à commémorer avec moi les victimes du génocide contre les Tutsis au Rwanda ainsi que toutes les victimes de génocide dans le monde. C’est en regardant ces dures vérités en face et en dénonçant la haine que nous pourrons veiller à ce que ces atrocités ne se reproduisent jamais», a dit M. Trudeau.
En conférence de presse sur un autre sujet, dimanche, M. Trudeau a souligné qu’il fallait continuer à explorer les façons dont la communauté internationale peut et doit soutenir les plus vulnérables.
«Je pense qu’on ne peut pas réfléchir au génocide du Rwanda sans avoir en tant que Canadiens, deux réflexions: tout d’abord, le rôle qu’a joué le général Roméo Dallaire (…) et les leçons qu’il a partagées au monde de ce qu’on aurait pu et ce qu’on aurait dû faire pour empêcher le génocide», a-t-il ajouté.
Les autorités rwandaises reprochent depuis longtemps à la communauté internationale d’avoir ignoré les avertissements concernant les meurtres.
Certaines personnalités internationales ont accepté de faire leur mea culpa.
Après avoir quitté ses fonctions, l’ancien président américain Bill Clinton a décrit le génocide rwandais comme un échec de son administration.
Dans une vidéo préenregistrée avant les cérémonies de dimanche, le président français Emmanuel Macron a déclaré jeudi que la France et ses alliés auraient pu arrêter le génocide, mais n’avaient pas la volonté de le faire.
La déclaration de M. Macron survient trois ans après qu’il eut reconnu la «responsabilité accablante» de la France — l’allié européen le plus proche du Rwanda en 1994 — pour n’avoir pas réussi à empêcher cet épisode sombre de l’histoire du Rwanda.
Dimanche, M. Macron a dit qu’il «n’avait aucun mot à ajouter, aucun mot à retrancher» de ce qu’il avait déclaré ce jour-là. «La France assume tout et exactement cela, dans les termes que j’ai employés», a-t-il souligné.
La composition ethnique du Rwanda reste largement inchangée depuis 1994, avec une majorité hutue. Les Tutsis représentent 14 % et les Twa seulement 1 % des 14 millions d’habitants du Rwanda. Le gouvernement tutsi de Kagame a interdit toute forme d’organisation selon des critères ethniques, dans le cadre des efforts pour construire une identité rwandaise uniforme.
Les cartes d’identité nationales n’identifient plus les citoyens par groupe ethnique, et les autorités ont imposé un code pénal sévère pour poursuivre les personnes soupçonnées de nier le génocide ou l’idéologie derrière celui-ci. Certains observateurs disent que la loi a été utilisée pour faire taire les critiques qui remettent en question les politiques du gouvernement.
Des groupes de défense des droits de la personne ont accusé les soldats du gouvernement Kagame d’avoir commis des meurtres pendant et après le génocide par vengeance, mais les autorités rwandaises considèrent ces allégations comme une tentative de réécriture de l’histoire.