Les procureurs fédéraux américains ont convenu de recommander une peine de prison ne dépassant pas 40 ans pour un ancien policier de Memphis, au Tennessee, qui a plaidé coupable vendredi de violations des droits civiques lors du tabassage qui a mené à la mort de Tyre Nichols en 2023.
Emmitt Martin est le deuxième ancien officier à plaider coupable du meurtre qui a suscité l’indignation et renouvelé les appels à une réforme de la police. Trois anciens officiers seront jugés devant un tribunal fédéral le mois prochain, et deux de leurs anciens collègues pourraient témoigner contre eux.
M. Martin a présenté son changement de plaidoyer devant le juge de district américain Mark Norris à Memphis en vertu d’un accord avec les procureurs, plaidant coupable d’usage excessif de la force et de subornation de témoins. La condamnation est prévue pour le 5 décembre.
La mère de M. Nichols, RowVaughn Wells, était dans la salle d’audience. Elle a hoché la tête et a souri lorsque le juge a accepté le changement de plaidoyer de l’ancien officier Martin.
Lors d’une conférence de presse avec l’avocat des droits civiques Ben Crump après l’audience, Mme Wells a confié que c’était à la fois «très émouvant» et «doux-amer». Elle a ajouté que le dernier plaidoyer était un pas dans la bonne direction, mais qu’elle ne serait pas satisfaite tant que tous les officiers ne seraient pas traduits en justice.
«Tyre rentrait juste à la maison. Il s’occupait juste de ses affaires», a-t-elle rappelé.
M. Nichols est décédé dans un hôpital le 10 janvier 2023, trois jours après avoir été frappé à coups de pied, de poing et de matraque de police après un contrôle routier. Les policiers ont déclaré avoir arrêté M. Nichols parce qu’il conduisait de manière imprudente, mais la cheffe de la police Cerelyn «CJ» Davis a indiqué qu’aucune preuve n’avait été trouvée pour étayer cette allégation.
«Ils ont assassiné mon fils pour rien»
Une vidéo de la police diffusée le 27 janvier a montré les policiers en train de battre M. Nichols alors qu’il criait pour appeler sa mère à environ un pâté de maisons de la résidence qu’ils partageaient. La vidéo a également montré les policiers en train de s’affairer et de discuter entre eux pendant que M. Nichols souffrait de ses blessures.
Un rapport d’autopsie a montré que Tyre Nichols est mort de coups à la tête et que la cause du décès était un homicide. Le rapport décrit des lésions cérébrales, des coupures et des ecchymoses à la tête et sur d’autres parties du corps.
«Je ne retrouverai jamais mon fils. Je n’entendrai plus jamais sa voix», s,est émue Mme Wells devant les journalistes vendredi. «Ils ont assassiné mon fils pour rien. Et tant que nous n’aurons pas obtenu justice de chacun d’entre eux, je ne serai pas satisfaite.»
En novembre, l’ancien policier de Memphis, Desmond Mills Jr., a conclu un accord similaire avec les procureurs fédéraux et a changé son plaidoyer, se déclarant coupable. Les procureurs ont recommandé une peine de prison de 15 ans pour M. Mills.
M. Mills et M. Martin pourraient tous deux être appelés à témoigner contre les trois derniers – Tadarrius Bean, Demetrius Haley et Justin Smith – qui restent accusés de violations fédérales des droits civiques et ont plaidé non coupables. Le juge a fixé une date limite à lundi pour tout accord de plaidoyer dans cette affaire.
Tribunal d’État
Les cinq anciens policiers accusés de la mort de M. Nichols ont aussi été inculpés devant un tribunal d’État pour meurtre au deuxième degré. Ce procès est reporté jusqu’à ce que la procédure fédérale soit terminée. Mills a précédemment accepté de plaider coupable devant un tribunal d’État. Le procureur général du comté de Shelby, Steve Mulroy, a publié une déclaration vendredi disant qu’il s’attend à ce que Martin fasse un plaidoyer similaire devant un tribunal d’État au moment opportun.
M. Nichols était un père de famille de 29 ans, originaire de Sacramento, en Californie. Il travaillait chez Fedex avec son beau-père et aimait faire du skateboard et de la photographie pendant son temps libre. M. Nichols était noir.
Les cinq anciens officiers accusés sont également noirs. Ils ont été licenciés après le meurtre de M. Nichols pour avoir violé les politiques du département de police de Memphis.
Martin, qui était le deuxième officier à entrer en contact avec M. Nichols lors du contrôle routier du 7 janvier, a aidé Haley à forcer M. Nichols à sortir de son véhicule, selon les documents déposés dans le dossier visant à interdire définitivement à Martin de travailler dans les forces de l’ordre au Tennessee.
M. Nichols s’est éloigné de Martin et de ses deux collègues après qu’ils l’aient menacé et aspergé de poivre de cayenne, mais il s’est fait rattraper dans les six minutes suivantes. Alors que d’autres officiers tentaient de menotter M. Nichols, qui était au sol, Martin lui a donné un coup de pied dans le haut du torse et l’a frappé au visage tandis que deux autres officiers tenaient M. Nichols par les bras, montrent les documents.
L’avocat de Martin, Stephen Ross Johnson, a déclaré après l’audience que son client était «poussé par la colère» lorsqu’il «a violé les droits civiques de M. Nichols et a fait un usage excessif de la force», mais qu’il était «poussé par la peur lorsqu’il a ensuite tenté de dissimuler cela – la peur des conséquences de ce qu’il avait fait».
«Aujourd’hui, nous sommes tous témoins de la prise de responsabilité de M. Martin pour ce qu’il a fait», a fait valoir Me Johnson.
Les accusations criminelles sont distinctes de l’enquête du ministère américain de la Justice sur les «modèles et la pratique» entourant l’utilisation de la force et les arrestations des policiers de Memphis, et sur la question de savoir si le service de la ville, à majorité noire, se livre à une politique discriminatoire sur le plan racial.
Le ministère de la Justice a également annoncé une étude distincte concernant l’usage de la force, les stratégies de désescalade et les unités spécialisées au sein de la police de Memphis.
En outre, la mère de M. Nichols a intenté une action en justice de 550 millions $ contre la ville et la cheffe de sa police.