Un transformateur calciné provenant d’une des centrales électriques ukrainiennes gravement endommagées est arrivé sur une place du centre-ville de Kyiv, un rappel brutal de l’ampleur des destructions causées par les frappes russes sur le système énergétique du pays.
L’énorme carcasse noircie installé sur la place Kontraktova — ou place des Contrats en l’honneur du passé commercial du lieu — sert également de contraste entre le temps de paix d’autrefois et la dure réalité de la guerre en Ukraine.
L’exposition organisée par la société énergétique privée DTEK, une organisation non gouvernementale et le ministère ukrainien de l’Énergie, a ouvert ses portes jeudi avec un message exhortant les gens à ressentir «la douleur et le désespoir face aux équipements détruits» que les travailleurs du secteur de l’énergie subissent sur place.
Les organisateurs ont déclaré que même s’ils se rendent compte que le transformateur crée une atmosphère sombre, leur intention n’était pas de «déprimer qui que ce soit», mais de sensibiliser à la difficulté de ramener la lumière dans les maisons en Ukraine après chaque attaque russe.
L’exposition restera à Kyiv pendant les deux prochains mois — d’ici là, l’Ukraine se rapprochera de ce qui sera probablement un nouvel hiver de guerre.
Le gouvernement a averti les habitants de se préparer à leur hiver le plus rude depuis le début de l’invasion à grande échelle de la Russie en février 2022, alors que les frappes aériennes contre les infrastructures énergétiques assiégées du pays s’intensifient.
La Russie continue d’attaquer la capacité de production d’énergie de l’Ukraine, laissant le pays fortement dépendant de ses trois centrales nucléaires en activité et des importations d’électricité des pays de l’Union européenne.
Plus de 1000 attaques sur le réseau électrique
Selon le ministre de l’Énergie Herman Halushchenko, plus de 1000 attaques ont ciblé le réseau électrique du pays.
«Il n’y a aucun endroit, aucune région, aucun type d’infrastructure énergétique qui n’ait été touché par ces attaques», a-t-il déclaré dans un communiqué.
Les Ukrainiens, quant à eux, doivent faire face à de fréquentes coupures d’électricité dans tout le pays, endurant des heures sans électricité. Les pénuries ont exacerbé la fatigue de la guerre car il ne semble pas y avoir de fin du conflit en vue.
Dmytro Tiuzin, un spécialiste informatique de 37 ans qui vit près de la place Kontraktova, a déclaré qu’il était venu voir le transformateur en personne jeudi après avoir vu des images de l’installation sur les réseaux sociaux.
«Je m’inquiète, a-t-il expliqué à propos de la destruction du système électrique ukrainien. Je travaille à distance et je suis très dépendant de l’électricité et d’Internet.»
Entre mars et août, la Russie a lancé neuf attaques coordonnées contre les infrastructures électriques en Ukraine, détruisant environ neuf gigawatts de capacité de production d’électricité, selon un rapport de l’ONU publié jeudi.
Selon le rapport de la Mission de surveillance des droits de la personne des Nations Unies, cette somme représente la moitié des besoins énergétiques de l’Ukraine pendant les mois d’hiver.
«Cet hiver sera déjà assez dur, avec des coupures d’électricité programmées dans tout le pays, a déclaré Danielle Bell, chef de la mission. Toute attaque supplémentaire entraînant des coupures d’électricité prolongées pourrait avoir des conséquences catastrophiques.»
La reconstruction des dégâts causés pourrait prendre des années. Dans une évaluation publiée en mai, l’École d’économie de Kyiv a estimé que la restauration du secteur énergétique nécessiterait 50 milliards $.
«Ce projet n’a pas pour but de déprimer les gens en leur disant à quel point la situation est mauvaise, a déclaré Katya Taylor de Port of Culture, une ONG qui a organisé l’exposition. Mais plutôt, juste pour remercier ces gens qui sont là pour nous.»
Serhii, un ouvrier de la centrale électrique d’où le transformateur a été amené, a déclaré qu’il avait passé 32 ans de sa vie à y travailler. Le nom de la centrale électrique et le nom de famille de Serhii ne peuvent être divulgués en vertu des réglementations gouvernementales pour des raisons de sécurité.
«Parfois, les larmes me viennent aux yeux en voyant cela», a-t-il expliqué.
La destruction dont il a été témoin le met également en colère et le rend déterminé à ne pas abandonner, «quoi qu’il arrive».