MONTRÉAL — Une coalition de représentants autochtones, d’organisations environnementales, de professionnels de la santé et d’acteurs du plein air réclame la protection de plus de forêts et d’écosystème dans le sud du Québec.
Il en va, selon eux, de la santé de la population.
En février dernier, Québec a annoncé la mise en réserve de 10 nouveaux territoires dans le sud de la province afin d’y créer des aires protégées, une initiative louable, mais nettement insuffisante selon la directrice générale de Nature Québec, Alice-Anne Simard, qui animait une conférence de presse sur le sujet mardi matin.
«Ces nouveaux territoires vont couvrir seulement 300 km carrés, ce qui représente seulement 0,02 % de la province», a indiqué Alice-Anne Simard.
Elle fait valoir que pour atteindre la cible de 30 % du territoire protégé d’ici 2030, comme annoncé par le gouvernement en 2021, «il faudrait faire environ 700 annonces de ce genre dans les huit prochaines années!»
«Il faut absolument accélérer la cadence», a ajouté la directrice générale de Nature Québec.
La coalition dénonce le blocage du ministère
La coalition d’organisations déplore que des dizaines de demandes de protection de forêts urbaines et périurbaines dans le sud de la province aient été abandonnées par le gouvernement Legault en 2020. À l’époque, le gouvernement s’était engagé à protéger 17 % du territoire et avait choisi de réaliser son engagement en ne protégeant que des forêts au nord du 49e parallèle, qui n’ont que peu ou pas d’intérêt pour les compagnies forestières.
Selon Alice de Swarte, directrice de la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP), les blocages systématiques du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) envers les projets d’aires protégées qui pourraient nuire à l’industrie forestière expliquent en grande partie cette situation.
«Quand on regarde sur la carte, on voit que les territoires oubliés, c’est-à-dire les territoires qui ont été mis de côté, se retrouvent tous au sud de la limite des forêts commerciales», c’est-à-dire là où les aires protégées peuvent empêcher la possibilité de récolte forestière.
La coalition fait valoir que les arbres de ces forêts seront plus utiles s’ils sont protégés que s’ils sont abattus, car les écosystèmes de ces forêts contribuent à la pérennité des cultures autochtones, à la vitalité économique des régions et à l’amélioration de la santé physique et mentale des Québécois.
Des espaces verts pour une meilleure santé publique
Alice de Swarte a exprimé le souhait que le gouvernement tienne compte, dans le budget 2022-2023 qui sera présenté la semaine prochaine, du« lien qui existe entre la santé des gens et les milieux naturels».
Pour Claudel Pétrin-Desrosiers, présidente de l’Association québécoise des médecins en environnement (AQME), la littérature scientifique médicale est très claire: avoir accès à des espaces verts réduit le stress, la dépression, l’anxiété et diminue la tension artérielle.
La médecin milite pour que davantage de milieux naturels soient protégés dans le sud de la province, à proximité des grandes communautés.
«On sait que les arbres ont le potentiel de rafraîchir la température ambiante et ont le potentiel de réduire, de filtrer l’air, donc de réduire le fardeau de la pollution atmosphérique, mais on sait aussi qu’être en contact avec des espaces verts, c’est bon pour à peu près tous les aspects de notre vie, dès qu’on est enfant jusqu’à ce qu’on vieillisse», a indiqué la médecin lors de la conférence de presse.
Elle invite le gouvernement à considérer les bénéfices économiques liés à la protection de territoires naturels, notamment la réduction des coûts du système de santé.
«Quand on me sort des arguments comme quoi ça coûte cher de protéger des espaces naturels, moi je les invite à aller consulter les études qui démontrent les bienfaits économiques de la réduction de la pollution atmosphérique, puis les effets des espaces verts sur l’augmentation de la santé globale.»
La nature: un refuge pendant la pandémie
Pendant la pandémie, la nature a été un refuge pour plusieurs Québécois et Gregory Flayol, directeur adjoint chez Rando Québec, craint que certains sentiers de forêts qui sont utilisés pour des activités de plein air ne changent de vocation.
«Après deux ans de pandémie, on a vu une explosion des activités de plein air et on voit aujourd’hui que les gens s’attachent à la nature et ont besoin d’y retourner.»
Il a expliqué que beaucoup de lieux de pratiques d’activités de plein air sont situés sur des terres publiques, mais que «bien souvent les projets de développement économique se font sur ces terres publiques», alors la protection d’aires protégées «permet aussi d’assurer la pérennité de lieux de pratiques d’activités importantes», comme le vélo, l’équitation, la randonnée ou encore la pratique du canot.
Des représentants des Premières Nations participaient également à la conférence de presse mardi matin. Jérôme Bacon St-Onge, du Conseil des Innus de Pessamit, a dénoncé le refus du gouvernement de protéger certains territoires dans le secteur du lac Pipmuacan.
Il a expliqué que la protection de ces terres était essentielle à la pratique d’activités traditionnelles, à la sauvegarde de la culture et à la transmission des savoirs, ajoutant que ces terres sont aussi un refuge essentiel pour le caribou forestier, une espèce en péril, menacée par les coupes forestières.
Le ministère n’écarte pas de protéger «les territoires oubliés»
En réponse aux demandes de la coalition, le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques a indiqué que «de nouvelles cibles internationales en matière de protection de la biodiversité devraient être fixées officiellement lors de la prochaine Conférence des Parties de la Convention sur la diversité biologique, à l’automne 2022» et que le gouvernement du Québec se «positionnera ensuite en toute cohérence avec celles-ci».
Dans un courriel envoyé à La Presse Canadienne, le ministère a également indiqué que «le gouvernement poursuit son travail afin de protéger toujours plus de territoires» et que «les projets restant dans la banque de territoires qui étaient à l’étude à l’automne 2020 et situés dans le sud du Québec pourront contribuer à l’atteinte des futures cibles».
Les projets qui étaient à l’étude à l’automne 2020 mais qui n’ont pas été protégés sont ceux que la SNAP qualifie de «territoires oubliés».