Attaque au sabre: l’accusé dit qu’il était habité par sa «mission» chaque jour

Frédéric Lacroix-Couture, La Presse Canadienne
Attaque au sabre: l’accusé dit qu’il était habité par sa «mission» chaque jour

QUÉBEC — L’auteur de l’attaque au sabre le soir de l’Halloween 2020, dans le Vieux-Québec, était habité par ce qu’il a qualifié de sa «mission» pendant plusieurs années avant les événements, à un point tel qu’il devait s’isoler. 

C’est ce que l’accusé a raconté lors de la reprise de son procès mercredi au palais de justice de Québec. Carl Girouard est un des quatre témoins que la défense fera entendre au jury. 

L’homme de 26 ans a dit penser à sa mission «toujours, toujours, toujours, à chaque jour», et ce, à partir de l’âge de 17 ou 18 ans. «C’était comme un deuxième monde dans ma tête que j’associais à cette mission-là», a mentionné l’accusé, qui a répété qu’il avait deux Carl Girouard, le «vrai» et celui qui pensait à la «mission». 

Carl Girouard a admis avoir tué deux personnes et en avoir blessé cinq autres, mais la défense plaide qu’il était atteint de troubles mentaux lors des événements. Le jury au procès doit déterminer si l’accusé est criminellement responsable de l’attaque.

Girouard a affirmé avoir quitté par lui-même plusieurs emplois quand il sentait que ses supérieurs voulaient se rapprocher de lui pour mieux le connaître. Une situation incompatible et «malaisante» avec ses intentions de tuer des gens, ajoutant que c’était une «mission top secret». 

Avoir une relation avec une femme ou avoir des amis était aussi contre-indiqué, puisqu’il devait rester seul pour se concentrer sur sa mission pour laquelle il devait mourir, a-t-il notamment expliqué. 

Girouard a évoqué à plusieurs reprises que son geste visait à alerter ses «alter ego», «des gens dans le même genre» que lui, «courageux», qui auraient poursuivi sa mission de changer le monde.

Il a spécifié que son geste devait compter des morts pour inciter ses alter ego à agir. Le fait de ne pas avoir enlevé la vie de sa première victime près du Château Frontenac a été considéré comme un échec et a suscité de la colère chez lui, a témoigné Girouard.  

«Et à cause de ça, il fallait que j’exécute la deuxième personne, absolument, pour que la mission puisse (se) poursuivre et être concrète», a-t-il relaté, alors interrogé par son avocat Me Pierre Gagnon. 

L’accusé a déclaré être aussi «plus fâché» quand il a commis le deuxième meurtre sur la rue des Remparts, après avoir agressé deux autres personnes qui n’ont pas succombé à leurs blessures. 

Carl Girouard avait fait part en 2014 de son désir de tuer, à un travailleur social et un psychoéducateur qui sont venus témoigner pour la Couronne au début du procès. Il a dit au tribunal en avoir parlé pour «laisser de l’information» sur lui «avant de mourir».

Ces rencontres avec les intervenants découlaient d’une  production écrite au centre de formation pour adultes fréquenté par Carl Girouard dans laquelle il semble scénariser son crime. 

En contre-interrogatoire avec le procureur de la Couronne, Me François Godin, l’accusé a convenu qu’il avait été «maladroit» d’en parler aux intervenants, alors que sa mission devait être secrète. 

Girouard a affirmé qu’il n’avait pas tout dit sur le plan aux intervenants et avait pu mentir afin de cacher ses intentions. Il a aussi indiqué que son plan avait évolué avec le temps. 

Son contre-interrogatoire doit se poursuivre jeudi. 

Un de ses seuls intérêts

Plus tôt en avant-midi, la mère de l’accusé a décrit que son fils s’était procuré une carte de crédit à l’âge de 18 ans et ne travaillait que pour se procurer des armes blanches comme des katanas — le même type de sabre japonais qui a servi au moment des événements — et des habits de samouraï.

Monique Dalphond a indiqué que ces articles étaient dans le but d’en faire une collection, selon ce qu’il laissait entendre. 

Il s’agissait d’un de ses seuls intérêts avec les jeux de vidéo, tandis que l’accusé n’avait «pas d’amis, pas de blonde, pas de vie sociale», a relaté Mme Dalphond. «Il semblait heureux avec ça, je n’ai pas voulu le décourager», a-t-elle poursuivi. 

Elle a mentionné que son fils avait un comportement «perturbateur» durant son enfance, nécessitant l’intervention en pédopsychiatre et la prise d’un médicament. 

Mme Dalphond a aussi affirmé que la veille et le mois précédent les événements, elle avait observé que son fils n’avait pas l’air bien. Une affirmation qui entre en contradiction avec sa déclaration donnée aux policiers, a soulevé l’avocat de la Couronne. 

Le 1er novembre, quelques heures après l’attaque, elle aurait déclaré à la police que son fils était de bonne humeur et se portait bien la dernière fois qu’elle l’a vu. Mme Dalphond s’est défendue mercredi, disant qu’elle était «sous le choc» et avait l’«esprit embrouillé» au moment de sa rencontre avec la police. 

Elle a soutenu par ailleurs n’avoir jamais été mise au courant des intentions de son fils avant qu’il commette ses gestes. 

Le procès reprenait mercredi après avoir été mis en suspens mardi en raison d’un cas de COVID-19 parmi un membre du jury.  

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Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Meta et La Presse Canadienne pour les nouvelles

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